Lorsque j'ai investi dans une 360, c'était principalement pour un seul jeu: GTA IV. Ce n'était même pas une illumination, juste un désir de voir ce que Rockstar avait réussi à faire sur cette génération de consoles. Ce fut donc un des premiers jeux que j'ai fait sur ces consoles HD, une des premières immenses claques prises grâce à un univers d'une richesse inouïe et une cohérence incroyable. C'était en 2008.

Cinq ans et des dizaines de jeux plus tard, GTA V arrive dans les bacs, et constituera un des derniers jeux que je ferais sur cette génération (enfin, sûrement pas, mais c'est pour la symbolique). Beaucoup d'oeuvres sont passés entre les deux, beaucoup de concepts, des copies qui se sont éloignés de leur modèle (Saint Row), des copies qui ont testés une autre approche plutôt réussie (Sleeping Dogs). Ce cinquième épisode avait pour objectif de remettre les pendules à l'heure, de montrer qui est le patron, en quelque sorte. Rockstar a mis les bouchées doubles pour un épisode gargantuesque, du moins en apparence.

Alors le jeu est d'une immersion à toute épreuve. Ça, seules les mauvaises langues pourront le lui reprocher. Etre poursuivie par les flics dans le canal de Los Santos, foncer à toute berzingue sur la route 68 avec Radio Gaga en fond sonore, les cheveux au vent, s'arrêter en pleine mer sur son voilier pour admirer le soleil couchant et plonger défier les requins, tout ça, GTA V le fait extrêmement bien. On retrouve ce souci du détail, ce millimétrage qui fait que chaque coin de rue a sa spécificité, sa petite ambiance, une patte indissociable, qui enlève ce côté générique qu'on retrouve trop souvent dans les open-world. Un travail de titan, qui malheureusement se retrouve surtout dans les zones peuplées, mais est beaucoup moins impressionnant quand on s'aventure dans du hors-piste, hors des chemins, et qui montre des pentes assez vides, que ce soit techniquement ou en terme de PNJ, alors qu'un RDR nous avait habitué à des environnements sauvages excellents. Un petit bémol un peu dommage.

Puis on arrive sur les missions principales, celle des braquages notamment, vendus par Rockstar comme étant au coeur du scénario. Effectivement, on aura quelques braquages pas anodins à réaliser, et ça part plutôt bien avec (SPOILER) le casse de la bijouterie. On peut effectivement y choisir une approche discrète ou bourrine, ses équipiers suivant leur compétence qui pourront évoluer au fil du jeu, et une ou deux missions histoire de préparer son coup. Et la mission en elle-même est une des meilleures du jeu. Sauf qu'après, c'est une autre histoire. Constamment dirigée, sans possibilité de choisir ses équipiers (sauf pour le dernier braquage, mais l'évolution de ses potes n'est visiblement plus à l'ordre du jour), les missions de braquage se révèlent beaucoup moins maîtrisée par la suite et beaucoup plus scriptée, comme l'attaque de la tour du FIB (si vous avez choisir l'option "pompier") qui se résumera à laver des sols et à suivre un chemin déguisé en pompier pour entrer et sortir du bâtiment. C'est pas folichon. (FIN SPOILER) En bref, les missions de braquages, c'est bien au début, mais la suite n'est qu'une succession de scripts et de chemins tout tracés pour rendre le tout toujours plus spectaculaire. C'est bien dommage, d'autant plus que certaines missions autres se révèlent bien mieux fichus.

Enfin, la comparaison la plus douloureuse est à faire par rapport au quatrième épisode. Là où GTA V multiplie les points de vue sur pas mal de missions avec trois personnages, permettant de dynamiser l'action et d'éviter le Game Over (un switch quand on est mal au point), on perd en intensité de mise en scène et ce ne sont que les scripts qui permettent à l'action de trouver cet aspect spectaculaire. Dans GTA IV, la meilleure mission du jeu est toujours largement au-dessus de toutes les missions de braquages de GTA V: celle où Niko Bellic braque une banque avec ses compères et s'enfuit en pleine rue, puis par le métro, poursuivi par les flics. Un seul point de vue, constamment mis sous pression, et ce ne sont que les flics qui interviennent et qui donnent tout le sel de cette séquence sans jamais faire croire au joueur qu'il est dans un autre niveau de l'open world dont il arrive. Une vraie leçon de game design, perdu dans GTA V à trop vouloir donner le contrôle au joueur de ses trois personnages pour finalement se retrouver cloîtré à une situation prévue de toute pièces par Rockstar. Bien dommage.

On pourra aussi reprocher le manque de fun des grosses missions secondaires (facultatives et intervenants surtout à la fin). Je pensais que Rockstar avait compris la leçon en proposant autre chose que la mission ultra-gavante des pigeons à abattre, mais malheureusement, ce n'est pas le cas, à cause d'une feature bien inutile qui aurait pu être évitée ou tournée autrement: le monde sous-marin. Cette fameuse feature qui a fait rêver les joueurs et qui permettait à Rockstar de glisser son petit "une map plus grande que GTA IV et Red Dead réunis". Théoriquement, c'est vrai. Mais dans la réalité, passer deux heures à chercher des déchets nucléaires dans un sous-marin qui avance à deux à l'heure (sous-marin disponible qu'à un seul endroit, veillez à tout faire d'un bloc sous peine de se retaper tout le chemin), c'est pas le truc le plus fun que j'ai fait dans le jeu. Surtout sans radio, à croire que Rockstar a voulu rendre ça le plus chiant possible. C'est mignon, y a des easters eggs, mais c'est franchement sous-exploité, et quand on y pense, j'ai du mal à voir ce qui pourrait coller à l'esprit GTA sous l'eau (mis à part une des missions du scénar, mais c'est rapide). Je passe les trucs chiants à collecter ou à faire (la tenue Kifflom à porter pendant dix jours, en sachant que le personnage change de fringues quand il veut quand on le contrôle pas...), et on obtient toujours des phases pénibles pour ceux qui veulent faire les 100%, histoire d'augmenter la durée de vie articifiellement.

J'enchaîne sur les points noirs, mais je me suis quand même bien éclaté sur le jeu. L'histoire (sauf la fin, ridicule et qui plombe tout ce qui a été construit autour des personnages depuis le début) est sympa à suivre, et on a enfin l'occasion de diriger un personnage secondaire totalement dingue en la présence de Trevor. Mis à part quelques fausses notes (la torture), le personnage est haut en couleur, dingue comme il faut, et fait passer le reste des persos secondaire pour des enfants de choeur, comme si les scénaristes avaient tout misé sur lui sans forcément penser aux autres. Le plaisir de switcher juste pour savoir ce que font les autres est vraiment trippant, et la carte maîtresse du jeu est la cohérence de l'univers. Cette sensation que chaque coin de rue est unique, chaque endroit (sauf quelques unes) grouille de vie et tout est rempli de détails, jusqu'aux séries télé à la con ou aux films visibles dans les cinémas. On peut tiquer sur des éléments étranges qui ne sont pas poussés comme tous les personnages présents dans les contacts de vos téléphones mais qui ne servent à rien puisqu'on tombe systématiquement sur leur répondeur, ou encore une fois le faible nombre d'intérieurs. Il est vrai que c'est peu face au boulot considérable fait sur la structure de la ville et du reste, et d'avoir ce sentiment de jouer dans une vraie ville, comme l'était le 4. De ce côté, rien à reprocher.

Toujours est-il que je me pose toujours la question: qu'ont-ils fait pendant ces cinq ans? Comme dit plus haut, d'autres ont tenté l'aventure du open world, avec plus ou moins de réussite, mais quand je regarde ce cinquième épisode, quand je mets de côté le travail d'immersion de l'univers, j'ai du mal à voir les réelles nouveautés par rapport au 4. Certes, il y a plus de véhicules, mais qui étaient déja dans les anciens. Le quatrième épisode avait apporté tellement de choses dans la série (changement de gameplay pour les phases de tir, physique importante, réseaux sociaux...) que ce GTA V n'est finalement qu'une timide évolution, se contentant d'améliorer les aspects du 4, sans jamais prendre de risque. Rockstar s'est finalement contenté de peaufiner son jeu, en tentant d'apporter une dynamique inédite avec les trois personnages mais qui se transforme en feature rigolote qui ne sert qu'à éviter les longs trajets pour retourner en ville ou changer avec un perso qui a plus de vie. Je ne parle même pas des compétences spéciales des personnages qui sont franchement anecdotiques.

C'est dommage, d'autant plus que le jeu est bon. C'est encore plus dommage que les habituels défauts des open world, comme les missions secondaires nazes et trop longues sont encore là, comme si Rockstar n'avait pas testé le côté fun de certaines missions. Pourtant, j'en suis à 50 heures et je persiste pour terminer les pourcentages qui me restent parce que le jeu regorge de qualité mais la plupart étaient déja présentes dans le 4. Un grand jeu, certes, mais il manque cette ambition et cette prise de risque qui l'auraient transformé en jeu culte.

GTA ONLINE: petit mot sur le multi: c'est sympa. J'attends de voir quand les grosses missions de braquages arriveront, mais il faut dire que le multi perd 60 % de son intérêt si on joue pas dans un crew avec des potes et des micros. Sinon, ça ressemble à un gigantesque hub avec plein de petites missions pas si variés que ça, vu que ça consiste souvent à ramener un truc gardé par des ennemis à quelqu'un. Les activités les plus funs sont finalement les plus originales, comme la poursuite moto contre avions de chasses. Gros coup de gueule sur le coup des serveurs des premiers jours. Repousser un multi de deux semaines, ça veut dire pouvoir assurer le coup derrière. Résultat: impossibilité de commencer à jouer les quatre premiers jours.
Cronos
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le 9 oct. 2013

Modifiée

le 16 oct. 2013

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Cronos

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