On ne présente plus Grand Theft Auto, saga dont le succès et la réputation dépassent largement le petit cercle des amateurs forcenés de jeux vidéo. Après avoir revisité Liberty City/New York à travers les yeux d'un immigré d'Europe de l'Est dans le quatrième épisode GTA V nous propulse dans à Los Santos et sa proche région. Alors que les consoles de septième génération tirent leur révérence ce cinquième volet ne peut être autre chose qu'un flamboyant bouquet final... et pourtant...

Les Grand Theft Auto sont indissociables des villes qui leur servent de décor. Une fois de plus on ne peut qu'être admiratif devant le travail de reconstitution de Los Angeles en Los Santos, le Whisky a Gogo sur Sunset Boulevard, la jetée de Santa Monica, le canal de la Los Angeles River, le Beverly Center, les gratte-ciels de Downtown... tout est là. Quand on a eu la chance d'être allé à Los Angeles on se surprend à reconnaître facilement tel quartier ou tel bâtiment. Non content de proposer une Los Santos plus vraie que nature le jeu offre aussi une énorme portion de campagne avec des plages, des montagnes, des déserts et des petites villes plus redneck, tu meurs. Un terrain gigantesque et varié qu'il faut bien remplir.

Pour cela ce n'est pas un mais trois héros qu'on nous propose. Il y a Franklin, jeune zonard du Hood qui chercher à sortir de son quartier natal. Il y a Michael, ancien braqueur reconverti en nouveau riche en pleine crise de la quarantaine à cause d'une famille composée de débiles profonds. Il y a enfin Trevor, malade mentale imprévisible accro à la violence et aux embrouilles, accessoirement ancien complice de Michael. L'idée de proposer 3 personnages très différents et de pouvoir passer de l'un à l'autre à tout moment est sans doute la meilleure idée du jeu. Tout d'abord cela permet de moins subir un personnage auquel on n'accrocherait pas et de cultiver ses propres affinités. Chacun des trois larrons propose en quelques sorte une facette particulière de GTA. Ensuite cela crée une vraie dynamique dans certaines missions puisqu'on pourra passer d'un endroit à un autre et vivre différentes facettes d'une même situation. Ce n'est pas un hasard si les missions les plus intéressantes du jeu sont celles qui mettent à profit la coordination entre les trois protagonistes.

Rendre un héros intéressant est déjà difficile mais équilibrer un récit autours de trois types aussi différents et aussi forts en gueule est un exercice périlleux. Franklin est sans doute le personnage le moins intéressant, il n'a pas de passif avec les deux autres et il reste trop souvent prévisible car coincé dans les clichés du Hood Nigga. La relation qu'il entretient avec Michael part pourtant sur des bases excitantes (leur rencontre est très bien trouvé) mais se retrouve finalement pas si bien exploitée que ça. De son côté Michael est intéressant avec sa famille d'abrutis obsédés par la télé réalité et le culte américain du corps mais le personnage en lui-même est en fait assez insupportable. Beaucoup trop ancré dans les automatismes d'écritures de Dan Houser. Sa femme est une conne, son fils un branleur, sa fille une dinde mais lui c'est vraiment un pauvre type qui se permet, en plus, de pleurnicher sur son sort. Niveau d'empathie : zéro. Il avait le potentiel d'un Walter White mais l'abus de Tony Montana fait qu'on décroche assez vite, la critique tend alors vers la complaisance. Reste donc Trevor, la rencontre avec le personnage est assez géniale dans son genre mais là encore le personnage a du mal à tenir sur la distance. Son côté ultra déjanté est réjouissant mais tout est tellement exagéré qu'on n'y croit plus au bout d'un moment. Reste la relation entre Michael et Trevor où on voit percer un peu d'humanité.

C'est un peu le soucis qu'on retrouve dans les personnages de GTA V: ils peinent à exister vraiment. Malgré un casting vocal particulièrement réussi, tout ceci tourne un peu à vide. Malgré l'abondance de parlotte, de hurlements, de gesticulation l'ensemble semble assez vain. Il en va de même avec les missions, si les braquages sont plutôt très bon, avec leurs multiples références pour cinéphiles avertis, d'autres passages semblent posés sur le récit un peu comme une crotte sur un trottoir. A l'image du séance de torture très violente et pourtant sans aucun impact émotionnel tant les mécaniques sont floues et sa présence ne repose sur rien et n'aboutit sur rien non plus.

Contrairement à un Red Dead Redemption on est ici dans un récit qui se disperse, dans une approche bruyante des personnages. Un univers bouillonnant mais qui tombe trop souvent dans les travers qu'il essaye de dénoncer. Tout est affaire d'équilibre, GTA V tient tout de même debout en posant régulièrement des passages inspirés mais les baisses de régime sont un peu trop fréquentes pour un jeu de ce calibre et de cette prétention.

Côté gameplay on est en terrain connu... sans doute un peu trop d'ailleurs et c'est sans doute là où le jeu s'avère le plus décevant. Le problème ne vient pas des mécaniques en elle-même mais plus du fait que GTA V sort à la fin d'une génération riche en jeu open world réussis. Le parachutisme et le pilotage d'engins aériens (proche de l'insupportable pour les hélicoptères) fait de la peine après avoir connu Just Cause 2. Pour les courses-poursuites on a eu Driver San Francisco. Les rues manquent de vie (même pour Los Angeles) après avoir connu Assassin's Creed. Les phases à pied ont beau avoir été améliorées, on est très loin des sensations apportées par Sleeping Dogs. Même le côté fou-fou a eu des concurrents sérieux avec Saint Row III ou Red Faction Guerilla. Bien sûr l'ambition technique de tous ces titres n'est pas la même que GTA V mais à l'arrivée, c'est peut-être ce qui étouffe GTA V: être trop ambitieux pour son support principal, le couple Xbox 360/PS3. C'est impressionnant de voir ce paysage sans chargement ni brouillard intempestif, vraiment... mais GTA V arrive après tous les jeux cités précédemment et ne fait pas mieux en terme de gameplay ou de proposition de jeu. Il est juste un GTA like parmi d'autre. Son univers est gigantesque mais souvent vide et désincarné, on n'y trouve pas la poésie ou l'ambiance au cordeau d'un Red Dead Redemption.

Gargantuesque mais un peu chiant GTA V ne convainc qu'à moitié. C'est un jeu dont on ne sait pas très bien s'il est sorti trop tard ou trop tôt. Un jeu crâneur mais qui aurait gagné à avoir plus d'humilité, un jeu qui se devait de bouleverser les codes mais qui se contente juste de faire les choses de façon mécanique. Même la sacro-sainte bande originale est en berne avec des radios remplies de trucs insupportables ou sans intérêt, A titre personnel je trouve la sélection rock particulièrement fade malgré 2/3 chansons qui sortent du lot. Pourtant le rock californien abrite de véritables pépites... West Coast Classics s'avère être la radio la plus homogène en terme de qualité avec du 2pac, du Snoop Dog ou du Dr Dre, mais c'est bien la première fois dans un GTA que je préfère éteindre complètement la radio pendant mes trajets. A contrario, il y a désormais un score original pendant les missions et celui-ci s'avère plutôt réussi. Pas un mauvais jeu, on en est loin, mais une franche et nette déception.
Vnr-Herzog
7
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le 10 déc. 2013

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le 10 déc. 2013

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