Hard Corps: Uprising
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Hard Corps: Uprising

Jeu de Arc System Works et Konami (2011Xbox 360)

Sorti en 1994 sur Megadrive, Hard Corps premier du nom est une pierre angulaire de la saga Contra/Probotector. Il est considéré, à juste titre du reste, comme l’une des plus belles réussites de la franchise, aux côtés du cultissime Contra 3 : the Alien Wars (l’épisode Super Nes).

Jamais vraiment abandonnée, avec notamment un très bon volet PS2 en 2002 (shatterred soldiers) et un épisode « anniversaire » pour les 20 ans de la série sur DS en 2007 (Contra 4), la série n’est actuellement plus vraiment mise en avant par Konami. L'éditeur a cependant profité de l’intérêt croissant des joueurs envers les projets d’envergure «modérée» via plateformes de téléchargement (Live, PSN) pour confier a Arc System (Blazblue, Guilty gear, Persona 4…) un petit relooking de son vieux grognard. Lequel prend en l’espèce les traits d’une préquelle 2,5D musclée du Hard Corps originel.

ProboRocketKnightGunstarMegaTector

Dès la séquence d’ouverture, estampillée 100% anime japonaise, sur fond de riffs de guitares saturés (signés Daisuke Ishiwatari), on réalise que quelque chose a changé sur les terres autrefois foulées par Lance Bean et Bill Rizer. Manifestement investis des pleins pouvoir pour revisiter la série, les petits gars d’Arc System ont clairement cherché à marquer leur jeu d’une identité visuelle forte, qui tranche totalement avec ce que les aficionados ont toujours connu.

Aux orties donc la traditionnelle charte post-apocalyptique, le ton crépusculaire, l’ambiance sombre, crasseuse, écrasante. Si Uprising s’ouvre dans un désert, c’est sous un beau ciel bleu, au milieu d’un décor aux couleurs vives, aux teintes presque criardes. Toute la suite du jeu est à l’avenant, multipliant les environnements exotiques (une jungle magnifique, un temple ancien, un quartier général aux allures de pagode géante), les nuances chaudes, les effets flashy. Même les passages plus proches des standards de la saga (la ville, le laboratoire…) sont traités dans le respect de cette réorientation esthétique, singulière mais superbe, avec notamment un niveau de finesse et un sens du détail admirables… La patte Arc System en somme, qui, de prime abord, pourra décontenancer les puristes.

Le constat est similaire en ce qui concerne les protagonistes. Chargés de conduire la rébellion contre l’empereur Tibérius et ses séides, Bahamut et Krystal, les deux héros, mènent le combat avec des looks de cosplayers et des animations en deux-trois étapes, très proches de ce qu’on peut trouver dans certains jeux en flash. Les ennemis arborent une apparence stylisée, à la limite du cartoon, qui confère à l’ensemble un petit côté « gunstar heroes » décidément très frais pour du contra, mais pas nécessairement consensuel. Certains boss, par exemple, ne dépareraient pas dans un Megaman ou un Rocket Knight Adventure, aux antipodes des horreurs glauques, presque malsaines, dont la série était jusqu’alors coutumière.

« Ne pas se gratter le nez, ne pas se gratter le nez, Put…de boss, ne pas se gratter le nez »

La surprise passée, les premières parties, tentées en mode arcade, en bon gros prétentieux, confirment que si le visuel change, le fond, lui, ne sacrifie rien ou presque à la modernité : nerveux, exigeant, survolté, Hard Corps : Uprising est un défi de tous les instants et un digne héritier de ses glorieux ancêtres.

Décomposé en huit niveaux, le jeu déploie des hordes d’adversaires déchainés et de pièges vicieux, toujours « idéalement » placés, pour mettre à l’épreuve vos réflexes et votre sang-froid. Modèle de sadisme, il est assurément le fruit d’esprits bien malades capables de vous proposer un exténuant enchainement de boss, puis de profiter de la légitime déconcentration qui suit la victoire pour vous asséner un ultime piège ridicule qui provoquera une mort misérable, ponctuée d’un hurlement guttural et d’un magnifique lancer de manette….

Explosif donc, Hard Corps sait aussi varier les plaisirs, remettant au goût du jour quelques séquences culte de la série : les combats à moto, les acrobaties à flanc de missile, les phases de progression verticales, les séquences de plate-forme stressantes où, en position délicate, on se fait assaillir de créatures qui vous saisissent pour vous expulser de l’écran, rien ne manque. On trouve même une petite phase jouable en infiltration, où l’on progresse dissimulé sous des cartons, à la Solid Snake. Sympathique.

« Saute ! Tire ! Cours ! Va chercher ! Renvoie la balle ! Glisse !.....T’es mort, recommence ! »

Le gameplay de l’épisode mêle fondamentaux et retouches intéressantes. Les bases, clairement, ne varient pas : tir multidirectionnel, saut, possibilité de bloquer son arme ou son personnage (pour arroser dans toutes les directions sans bouger), grimpette collé aux murs, nous sommes en terrain connu. Comme d’habitude, on dispose de deux emplacements prêts à accueillir les armes supplémentaires récupérées sur le champ de bataille. Le flingue de base étant d’une faiblesse et d’une inutilité effarantes, la gestion de l’arsenal devient rapidement la clé pour progresser sans mourir continuellement. Spread shot, lance-flamme, lance-grenade, laser perforant guidé ou mitrailleuse lourde, chaque arme a son utilité et peut être améliorée sur trois niveaux de puissance (en récupérant plusieurs fois le même bonus). Evidemment, chaque touchette subie provoque la perte de l’arme utilisée, quel que soit son niveau.

« Grande » nouveauté, le contact avec un projectile ou un ennemi n’est plus forcément synonyme de mort immédiate, nos héros disposant désormais de points de vie : oh rien de fastueux, 2 points pour Krystal, 3 pour Bahamut, mais cet aménagement introduit une tolérance minime, accentuée par l’apparition de bonus de soins dans les niveaux pour récupérer les points perdus.

Autre ajout salvateur, on peut désormais compter sur une touche de « contre » qui récompensera les joueurs les plus vifs en permettant, avec le bon timing, le renvoi à l’expéditeur des projectiles standards.

En contrepartie, plus de vies supplémentaires glanées grâce au score, il faudra les dénicher dans les recoins secrets des niveaux, souvent au prix de périlleuses acrobaties.

Derniers changements significatifs, vous disposerez de base d’un double saut et d’un dash, activable au sol (pour courir) ou en l’air. La combinaison de ces deux pouvoirs enrichit singulièrement les phases de progression verticale, avec possibilité de sauter d’un mur à l’autre, ou d’atteindre des plateformes éloignées… des possibilités que le jeu sollicite évidemment, notamment à la faveur de quelques combats de boss atroces (niveau 6, boss final)

Au-delà de sa difficulté intrinsèque, bien réelle (3 crédits, 3 vies par crédit), c’est aussi sa longueur inhabituelle qui rend le mode arcade si stressant : il faut facilement compter 2h30 à 3h pour boucler l’aventure, en étant prudent et sans trop mourir. 3h de pièges à mémoriser, de techniques de boss à retenir, sans possibilités de sauvegarde. La chose est dieu merci praticable à deux simultanément, en local ou en ligne, ce qui simplifie nettement certains combats, du moins si votre partenaire n’est pas un boulet. Attention toutefois aux passages orientés « plate-forme », qui peuvent tourner au chemin de croix sans coordination ni esprit d’équipe.

Si, bienheureux fils d’un poulpe et d’un jedi, vous jugiez ce mode trop facile, sachez pour finir que le jeu propose un panel de succès infernaux, requérant un skill hallucinant pour être débloqués : boucler l'aventure sans mourir, sans jamais récupérer d’armes, etc.

La Voie du Petit Joueur

Pour les (nombreux) autres que la perspective de dizaines d’heures de pratique rebuterait de prime abord, un mode de jeu alternatif baptisé « uprising » est accessible. Si les bases ne changent pas, chaque ennemi abattu rapporte ici des crédits, utilisables avant chaque nouvelle partie pour améliorer en boutique les aptitudes de votre héros : vies ou points de vie supplémentaires, dash amélioré, nouvelles capacités offensives, armes directement montées au niveau 3 ou disponibles de base, les choix sont variés, mais onéreux. Petit à petit, il est néanmoins possible de se constituer une brute difficile à abattre.

Chacun des 8 niveaux est par ailleurs jouable séparément, ce qui permet de s’entrainer correctement avant d’attaquer les choses sérieuses en arcade. Bref, une initiative sympathique mais qui, honnêtement, transforme la progression en aimable promenade de santé une fois son personnage bien boosté et l’ampute de ce qui fait son sel : le challenge.

Si nous avons déjà abordé l’admirable partie esthétique de Hard Corps : Uprising, il faut ajouter que nous tenons plus globalement une belle réussite technique, avec des modèles 3D fins, pléthore de boss gigantesques et parfaitement animés, des effets tonitruants, des jeux de lumière réussis. L’ensemble est de plus parfaitement fluide, sans tearing ni ralentissements notables.

Nerveuses et inspirées (le thème des boss est terrible), les compositions soutiennent parfaitement l’action, et les bruitages sont percutants. De ce point de vue non plus, le titre n’a pas à rougir devant sa brillante ascendance.

Le seul vrai défaut du jeu est finalement de ne s’adresser qu’à des niches de joueurs pas forcément très étendues. Nous sommes ici en plein trip « revival », et la superbe refonte technique vient en aplat d’une scénarisation très limitée, d’une exigence permanente, et de mécaniques de jeu qui puisent leurs fondements à la source des 90’s.

Les nostalgiques de cet âge d’or et les curieux à l’esprit ouvert peuvent donc se ruer sur cette petite bombe. Les autres seront bien inspirés de télécharger la démo, pour, croisons les doigts, être agréablement surpris…C’est en tout cas tout le mal qu’on souhaitera à cet épisode.

Conclusion :

Beau, violent, jouissif, impitoyable, Hard Corps : uprising est indubitablement un Contra réussi, mais reste « juste » un Contra, en dépit d’atours novateurs et singuliers. Autant dire qu’à l’heure de la scénarisation à outrance, des mondes ouverts et des gameplay multifacettes, beaucoup se demanderont si ce jeu ne s’est pas égaré dans un siècle qui n’était pas le sien. Diplôme de 25-30 ans et/ou ouverture d’esprit indispensables pour profiter de cette expérience d’hypnose régressive. Un bien joli pot pour une bien bonne soupe ma foi…
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le 15 août 2013

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