Heavenly Sword
5.8
Heavenly Sword

Jeu de Ninja Theory et Sony Interactive Entertainment (2007PlayStation 3)

Les périodes charnières entre deux générations de consoles ne sont jamais faciles. Si la fin de vie d’une console offre en général quelque bons chefs d’œuvres (Metal Gear Solid 3 Subsistence, Final Fantasy XII, Grand Theft Auto V pour ne citer qu'eux), la nouvelle arrivante peine beaucoup plus à convaincre. C’est dans cette seconde catégorie qu’Heavenly Sword se place. Censé être une killer app de la PS3 au côté de MotorStorm et d’autres, ce beat’em all de Ninja Theory (qui ont depuis réalisé Enslaved Odyssey to the West ou encore Dmc Devil May Cry) promettait de bien belles choses. Des belles choses, j’en ai vu, au côté de moins belles choses.


Le jeu crame ici ce que j’appellerai un « joker du jeu vidéo » en ce qui concerne l’aspect visuel. En effet, je vais couper court ; le jeu est beau, artistiquement et encore techniquement. Certes, on sent qu’il commence à vieillir, certains arrières plans et surtout le frame rate sont bien d’époques, aucun doute là-dessus, mais je me souviens beaucoup plus des autres arrières-plans, ces belles cascades infinies au côté d’une luxuriante végétation et de ces visages détaillés. Mais voilà, le « joker » intervient ici. Dans le jeu vidéo, la culture majoritairement représentée est, du moins aujourd’hui, l’occidentale, l’Amérique du nord en tête. Le Japon suit derrière et l’Europe émerge. C’était déjà le cas à l’époque d’Heavenly Sword, juste en moindre proportion. Alors forcément, quand un jeu prend le partit de nous présenter une culture orientale à mi-chemin entre l’Inde et la Chine (non, vraiment à mi-chemin : je suspecte l’équipe de s’être inspiré de la Mongolie et du Népal pou leur conception artistique du jeu), il existe un côté « émerveillement » puissant, proportionnel à notre non-exposition à cette culture, qui ne loupe pas. Oui, j’ai trouvé les environnements du jeu magnifiques mais n’est-ce pas le cas car c’était la première fois que j’étais exposé à ce style ? J’ai trouvé ces environnements aussi beaux que la première fois que j’ai vu mon premier cirque naturel ou bien le Millenium Park (le principal parc municipal à Chicago, en partit pensé par l’architecte Gehry) ? Ils sont beaux car j’étais émerveillé, mais j’étais émerveillé car je n’avais rien vu du tel avant. On se rapproche là des problèmes de perceptions car nous sommes sous une influence dominante occidentale. Est-ce qu’Heavenly Sword serait aussi beau si les Call of Duty et Assassin’s Creed se passaient tous au Népal ? Est-ce que d’ailleurs, Heavenly Sword a bien marché et est trouvé joli en Mongolie ? ... Est-il seulement sorti en Mongolie ?


Alors je refuse d’être mauvaise langue : le jeu n’est pas juste beau par l’émerveillement que j’ai eu. Il l’est aussi car il a une direction artistique solide et cohérente et un chara-design originale et intéressant pour Nariko et Kai (les deux protagonistes), clichés et déments pour les méchants. De plus, les animations de Nariko sont fluides et impressionnantes, encore aujourd’hui. Les épées tournoient et son corps se moue dans une grâce époustouflante.


La bande-son est un peu plus en reste. Si les bruitages n’ont rien d’extraordinaire (et encore, certains sons d’épées sont parfois étranges), le doublage français n’est pas réussi. Celui des méchants l’est vaguement car, étant tous des clichés, il peut être facile pour un comédien de se prête au jeu mais pour Nariko et son père, ainsi que Kai, cela passe beaucoup moins ; la voix de Nariko ne convient pas physiquement, son père en français manque de conviction et la doubleuse de Kai ne semblait pas comprendre son personnage. Celui en anglais est celui avec lequel j’ai fait le jeu, par élimination. Celui des méchants est toujours génial et celui de Nariko et les autres sont, cette fois, plus convaincants. Les musiques, bonnes dans l’ensemble, ne restent cependant pas en mémoire une fois le jeu rangé.


Heavenly Sword souffre d’un petit handicap en ce qui concerne le gameplay. En tant que killer app, il devait vendre une des fonctions de la manette de la PS3 : la détection de mouvement. Le résultat est malheureusement bien triste et se résume à un personnage : Kai. Side kick de Nariko, Kai transporte avec elle une arbalète un peu étrange, tirant des flèches puissantes. Comme tout ce qui est projectile dans ce jeu, nous pouvons contrôler directement sa trajectoire. Cette fonction a clairement été pensée pour le faire à l’aide de la détection du mouvement de la manette. Pas besoin de préciser que cela ne marche pas bien, on a vite fait de désactiver cette fonction pour pouvoir diriger le projectile grâce au stick. Ce n’est guère mieux. Le problème aurait pu être bénin mais loin s’en faut, puisque nous avons, en temps cumulé, près d’une heure trente avec Kai. Sur 6h de jeu, cela représenté beaucoup trop pour le gameplay boiteux que c’est. D’autant plus que cette mécanique se retrouve dans quelques passages avec Nariko. Là où le jeu commence vraiment à pêcher, c’est que même dans ses mécaniques classiques, tout la partie beat’em all en somme, il ne réussit guère mieux. Je n’ai rien contre le fait de devoir allé dans la pause pour retenir des combos du style « Carré carré carré triangle triangle carré », aussi PS2 que cela paraisse. Le problème c’est quand aucun combo ne se démarque de l’autre hormis l’animation, qu’aucun n’a son utilité. Certains ont bien la propriété de casser la garde adversaire mais cela ne m’a pas semblé systématique. La roulade placé sur le stick droit est une bonne idée (héritée de God of War si j’ai tout suivit) mais malheureusement, l’action de bloquer les coups adversaires est basé sur la non pression de touche. Dans le même temps, le coup paré de la sorte est « contrable » en appuyant sur « triangle » au bon moment. Si sur le coup, cela m’a rappelé Metal Gear Rising, force est de constater que cela marche beaucoup moins bien ici. La parade ne marche parfois pas, pour une raison qui m’échappe. Le contre demande un timing chirugical pour être sortit. On se retrouve alors à bourrer les touches et l’esquive sans grande réflexion. Au moins, on peut dire que Ninja Theory a fait du chemin entre Heavenly Sword et DmC Devil May Cry car c’est bien là le seul point positif que je vois à cette histoire.


La réalisation du jeu est cependant à la hauteur des ambitions du jeu. Nairko saute, plane, contre-attaque, voltige au travers de cinématiques, et parfois de QTE, nous offrant là du grand spectacle extrêmement plaisant et fun. Ou encore même en jeu lorsque, lors du combat final, nous affrontons le boss au milieu de son armée que nous envoyons valdinguer au rythme des échanges de coups avec notre adversaire. Cela nous fait oublier pendant quelque instant qu’on va devoir à nouveau matraquer stupidement carré et triangle à la fin de la cut-scene. La réalisation est d’autant dantesque que la progression est bien pensée. On commence le jeu par un flash forward, avant de retrouver Nariko au milieu de nul part qui fait une tirade, face caméra, semblant nous parler à nous (on comprend rapidement par la suite qu’elle parle à l’épée maudite, Heavenly Sword). Le jeu redémarre alors dans l’ordre chronologique des évènements, sous forme de chapitre, de sous-chapitres et de transitions (où l’on retrouve Nariko parlant à l’épée, face caméra) parfaitement découpés. Pour en revenir à la tirade de Nariko face caméra, même si nous savons qu’elle parle à l’épée qui dévore lentement son âme, il est intéressant qu’elle le fasse face caméra et parle à son interlocuteur à la deuxième personne. Dès lors, elle semble s’adresser à nous, joueurs. C’est d’autant plus troublant que Nariko nous demande pourquoi doit-elle continuer à tuer, quel plaisir prenons-nous à la voir combattre comme ça. Comme si le jeu, nous demandait à nous joueurs, à quoi bon un jeu où nous tuons sans jamais se poser de question. On peut penser cela comme hypocrite, dans la mesure où le jeu lui-même nous oblige à tuer par centaines sans jamais remettre en question ce que nous faisons, mais c’est peut être aussi un message des développeurs voulant nous inciter à réfléchir sur la nature des beat’em all. Si je vais aussi loin dans cette réflexion c'est parce qu'elle elle a trouvé écho chez moi avec le mini monologue du personnage d'Hawkeye » dans Age of Ultron alors qu’il parle à Wanda. En effet, ce dernier explique que la situation est ridicule, puisqu’il est sur une ville flottante, une armée de robots voulant sa mort arrive et qu’il n’a qu’un arc et des flèches. Pourtant, explique-t-il à la suite, il va y retourner car c’est son « job ». C’est clairement là une métaphore du film qui est dans une démesure ridicule et pourtant, c’est son job de nous divertir donc le film continue dans cette direction malgré tout.


Ces longues tirades de Nariko deviennent cependant quelque peu ennuyants arrivé à la fin du jeu. Elles flirtent de plus en plus avec une pseudo philosophie, sont redondantes. Le personnage de Nariko ne se souviendrait plus, à la fin du jeu, comment elle était avant de s’être emparé de l’épée maudite. Sauf erreur de ma part et malgré le manque de clarté du jeu à ce sujet, elle s’en est emparée au maximum une semaine avant. Je comprends bien sûr où elle en veut venir, elle n’arrive pas à se s’imaginer elle-même sans une soif de sang violente mais le texte est mal écrit pour que l’idée passe d’elle-même. D’autant plus qu’elle est entourée par une histoire terriblement banale, la libération du père qui débouche par la suite sur l’acception de sa fille par ce dernier, avant le combat final censé amener la paix. Fort heureusement dans cet océan de déjà vu, demeure les fameux « méchants ». Ils sont extrêmement clichés, pire que l’histoire et pourtant, ils sont tellement poussés dans cette direction qu’ils en deviennent drôles et en même temps complètement fous à lier. Dommage que Nariko n’ait pas eu le même traitement : malgré un design intéressant (largement dénudée sans être sexualisée (elle pourrait même faire peur aux hommes puisque plusieurs de ses coups de grâce visent l'entre-jambes de ces messieurs)) et une tentative de psychologie (ces longues tirades et son conflit avec son père), elle demeure trop creuse car on ne sait jamais vraiment ce qu’elle pense en dehors du fait qu’elle sait la gravité d’avoir empoigné Heavenly Sword. Même son amitié avec Kai semble forcée pour justifier la présence de Kai et donc des phases censées vendre la Sixasis d’alors. Malgré donc un fort potentiel, elle reste à des années lumières de personnages féminins réussis comme Nilin (Remember Me) ou Lightning (dans sa seule version de Final Fantasy XIII, sans parler de ses deux suites).


Pour la durée qu’il dure, six heures environ, et malgré son boss exagérément difficile (cela faisait bien longtemps que je n’avais pas ragé de la sorte ; il s’agit du genre de boss PS1&2, dépendant plus de la RNG que de notre talent personnel), Heavenly Sword reste un jeu à faire. Pour ses environnements, l’émerveillement qu’il peut nous offrir, ces scènes d’actions dantesques et ces méchants absolument géniaux. La suite de l’histoire, on la connaît : Heavenly Sword reçoit un accueil critique mitigé et encore plus froid de la part du public. Je sais maintenant pourquoi.

Psycho_Raziel
6
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le 6 nov. 2016

Critique lue 720 fois

Psycho_Raziel

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