Heavy Fail
Malgré des critiques positives, je n'arrive pas à expliquer qu'on accroche à ce titre interactif. Je refuse carrément de parler de jeu tant la notion de gameplay est absente... Scénario incohérent,...
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le 25 mai 2010
81 j'aime
27
Jeu de Quantic Dream, David Cage, XDev Europe, Virtuos et Sony Interactive Entertainment (2010 • PlayStation 3)
Après une attente fanatisée et des espoirs inconsidérés, Heavy Rain n'a pu que décevoir. Très beau mais mitigé sur le plan technique, avec un gameplay basique sans gun-fights ni phases de plateforme, beaucoup de joueurs ne s'y sont pas retrouvés. Pourtant, il a trouvé un écho en moi, et comme après avoir lu une grande oeuvre littéraire, j'avais cette sensation unique d'accomplissement personnel.
Des thématiques matures
La singularité scénaristique d'Heavy Rain tient en ce que son personnage principal est aux antipodes des standards vidéoludiques. D'une, ce n'est ni un adolescent messianique, ni un commando culturiste. Ethan Mars est un père tourmenté détruit par un drame familial. Après la mort de son fils aîné, il sombre dans la dépression et essaie tant bien que mal de regagner l'amour et la confiance de Shaun, son cadet devenu distant et solitaire. Séparé de sa femme, il a échoué dans un appartement miteux, terne, à l'image de sa vie dans laquelle il n'est plus qu'une épave en attente de désossage. Quand son dernier fils est kidnappé par le tueur à l'origami, Ethan trouve sa rédemption dans le sacrifice de sa personne. Il va tout tenter au prix de sa vie et sa santé, même le plus insensé. Rongé par la mort et la culpabilité, Ethan voit sa quête comme une dernière ligne droite.
Le bal des neurasthéniques
Dans Heavy Rain, il pleut tout le temps. De la pluie lourde, des nuages sombres, des décors glauques et des personnages à l'image de leur environnement. Des neurasthéniques, y a pas d'autres mots.
Ethan Mars : le père dépressif qui ne se rase même plus.
Scott Shelby : le détective privé qui a de la bouteille. Son rôle : assistante sociale.
Madison Paige : Madison sous la douche uncensored, Madison fait un strip etc. Hanté par ses cauchemars morbides, elle a surtout une fonction « sexe ».
Norman Jayden : l'inspecteur high-tech du FBI, drogué, qui risque l'overdose à tout moment...
Les personnages secondaires ne sont pas en reste (parents en deuils, prostituée battue...). S'il y a quelques pointes d'humour, celles-ci demeurent rares et ne remettent jamais en cause l'atmosphère générale qui reste de bout en bout d'une noirceur imperméable.
Film interactif
Même quand je n'ai pas forcément envie de jouer, je ne me refuse pas un chapitre d'Heavy Rain. En vrai, c'est comme de se lancer un film. Tranquille, contemplatif, reposant, bien ficelé, je suis immergé dans un univers filmique, porté par la mise en scène, et je ne me soucie pas de savoir si j'aurais assez de cartouches ou si je vais réaliser des headshots.
Par ailleurs, l'interactivité et l'implication du joueur dans la mise en scène est telle que je peux choisir mon poste d'écoute dans une pièce, m'asseoir sur une chaise, m'accouder sur un divan, regarder droit dans les yeux le personnage en train de me parler, et influer ainsi sur les angles de caméra. Bien qu'anecdotique, c'est très appréciable d'avoir une incidence et une approche sensible de la mise en scène.
La maniabilité atypique, autant pour déplacer les personnages (Shenmue) que dans les phases d'action exclusivement à base de Quick Time Event, peut être vécue comme une lourdeur aux obsessionnels du tir de pigeon, mais elle constitue une véritable bouffée d'air frais pour les amateurs d'aventure.
Ethan et ses acolytes ne sont pas des héros de jeu vidéo. Ils sont humains et ils échouent. Ils n'ont pas de deuxième chance, pas de checkpoint, ni de sauvegarde à charger. Si j'échoue à une scène, le jeu continue, comme la vie, avec ses conséquences irréversibles et impitoyables.
Et c'est bon jusqu'à la fin ?
Le seul et unique défaut d'Heavy Rain concerne la révélation finale, qui souffre (à mon sens) d'incohérences d'invraisemblances scénaristiques.
Pour autant, le final est magistral en ce qu'il laisse croire au joueur qu'il est en train de tout perdre. Tout s'écroule, des personnages meurent, malgré tous mes efforts pour les sauver et résoudre l'enquête policière. Sans checkpoint, impossible de revenir en arrière, la situation semble soudainement désespérée, la morosité s'installe. Mais le jeu continue et opère une succession de retournements, offrant une chance de se racheter.
C'est le joueur qui tient la destinée et la vie de ses personnages entre ses mains, du bout de ses doigts, et rarement un jeu m'aura fait prendre conscience de mes responsabilités et de mon pouvoir d'action.
Contrairement à un jeu mainstream, et du fait de son interactivité épurée, chaque action est vitale, une erreur de bouton, un oubli portera des conséquences dramatiques. Je suis toujours sur le qui-vive et nerveux quand il s'agit de pendre des décisions. Je dois être à la fois rapide et réfléchir à la portée de mes choix sur les plans ludiques, scénaristiques et moraux. Heavy Rain est riche de son gameplay limité, en ce qu'absolument tout a été pensé et étudié. A défaut d'être varié et évolutif dans sa prise en main, le système de jeu est clair et limpide.
Commentaire : Heavy Rain n'est pas un jeu vidéo pour enfants. Tous les gimmicks habituels qui ramènent irrémédiablement le média au divertissement sont abandonnés au profit d'une trame scénaristique mature et d'une aventure telle qu'on n'en avait encore jamais connu sur console. L'atmosphère dépressive qui enceint les personnages et leur chemin de croix, sans jamais se renier, confère à cette oeuvre un statut atypique. L'intelligence du gameplay qui sait installer une monotonie et la soudain briser à coups de marteau relève du coup de maître. Si Heavy Rain n'est pas parfait, il n'en reste pas moins l'oeuvre la plus aboutie de cette génération et personnellement ma plus grande expérience depuis Shenmue.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Jeux vidéo - Le genre du policier manettes en mains (enquête, thriller, etc.)
Créée
le 31 déc. 2015
Critique lue 178 fois
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