Hitman a beaucoup fait parler de lui en 2016. Vous savez : le tueur à gages le plus chauve de l'histoire vidéoludique, reconnaissable à son costume noir ébène, sa cravate rouge, sa sobriété, sa langue peu déliée , le silencieux à la main, la corde de piano dans l'autre et son fameux code-barres Carrefour derrière la tête. IO interractive aux commandes, plein de bons sentiments et d'envies de proposer à nous ,joueurs, pleins de petites possibilités de jeu pour faire mumuse avec des vilains. Si le jeu a provoqué certaines colères c'est bien parce qu'il opte pour un format épisodique. Six épisodes au total, les uns après les autres à intervalle de sortie, chaque épisode fonctionnant comme une grande map pleine de possibilités de game-design ou le but singulier de votre tueur à gages est de.. tuer vos cibles. De la manière qu'il vous plaira.
Il est sans doute inutile de répéter encore d’où surgit le génie de game-design de la franchise. ça passe d'abord par une multiplicité des moyens d'assassinats, appelés et consolidées ici sous la forme d' "opportunités" qui demandent généralement certaines conditions dans le jeu et dans la routine de vos cibles, mais aussi par l'absurdité avec laquelle vous pouvez vous défaire de vos proies (comme trafiquer un Tuk-tuk , programmer un robot-chirurgien à mal faire son taf, ou faire tomber un stalactite sur la tronche de la cible). Cette particularité de jeu fonctionne sur deux éléments fondamentaux :
1 ) l’intérêt du jeu réside dans la répétitivité de son gameplay. La prise en main est excellente, les thématiques des différentes maps aussi. On apprécie fortement les éléments constitutifs de ces lieux (à l'exception peut être du club 27 de Bangkok, similaire en certains points à la première mission de l'aventure, impactée par un level-design un poil traditionnel et sans réelle plus value lorsqu'on regarde les autres maps). Les situations mises en avant par le level-design implique des opportunités, parfois évidentes (prendre la place d'un créateur de mode pendant un défilé, par exemple) ou demandant un peu plus de renseignements et de réflexion (une des cibles est nostalgique de son enfance, comment le pousser à venir seul regarder de vieux souvenirs ?). Certaines maps sont ainsi particulièrement complexes en plus de proposer des méthodes parfois peu orthodoxes. Comprenez par là qu'on ne vous demandera pas de tuer schématiquement la cible avec un couteau, puis à nouveau avec un pistolet, puis à nouveau avec une hache. Au contraire, on favorise la mise en scène par le gameplay. Et c'est bien là que Hitman prend tout son sens.
2) l'infiltration et la discrétion est préférable au rentre-dedans. Hitman parvient très aisément et avec beaucoup de maitrise à jouer de ses artifices ludiques. Les costumes en premier lieu, avec lesquels vous pouvez être amenés à réaliser votre mission par le biais de ces opportunités que le jeu vous indique lorsque vous repérez certains éléments dans la map ou que vous écoutez certaines conversations. Les costumes, c'est le nerf de la guerre dans Hitman et on vous le fera bien comprendre notamment quand on vous dit que réaliser la mission de manière "parfaite" se fait sans aucun costume. Et ça relève du challenge. Le bourrinage est aussi mis à la trappe, force de pénalités très handicapantes, à commencer par un système de "combat" et des armes franchement désagréables à utiliser. Et c'est pas plus mal. Il ne faut pas non plus compter sur la chance, les rondes et scripts du jeu demandent parfois d'anticiper à la seconde les actions et événements qui vous permettraient de marquer l'essai.
Ce fonctionnement est à mes yeux la forme d'aboutissement d'une série qui sans doute s'égarait parfois dans des contraintes inutiles (à commencer ,pour certains opus, par une narration et un scénario un peu trop présent, poussant parfois le joueur vers un chemin tout tracé ). Hitman s’exempte complétement de ces artifices. Alors il y a quand même un semblant de scénario dans le jeu mais qui n'existe que pour rendre légitime le déplacement de notre chauve adoré vers de nouvelles destinations.
Tout semble ainsi fonctionner dans Hitman si on oublie les quelques défauts graphiques et techniques grossiers, certaines missions et contenus secondaires pas toujours très réussis, et un menu ainsi qu'une interface venus tout droit d'un autre âge. On oubliera aussi très facilement Bangkok, de loin la map qui m'a le plus déçu. Mais dans l'ensemble Hitman (2016) est véritablement le modèle nécessaire et attendu pour la franchise, épatant et addictif par son game-design, respectable par son level-design et ses mécaniques de routine, jouissif par son modèle d'infiltration et la joie de porter tout ces costumes. Enfin Hitman dessert le plaisir du joueur par une farandole d'assassinats toujours aussi bien trouvés, barrés et satisfaisants. En général , je n'aime pas refaire ce que j'ai déjà fait dans un jeu vidéo. Dans Hitman on cherchera de manière addictive à refaire le plus possible, la première tentative et la première réussite étant, très souvent, insatisfaisante. Hitman c'est ce que je demande à un jeu vidéo : des artifices ludiques, plaisants et surprenants. Quelle chance !