Hollow Knight
8.4
Hollow Knight

Jeu de Team Cherry (2017PlayStation 4)

Un Métroid-like indé solide à tous les niveaux

Parmi les Metroidvania indés fleurissant sur la 8ème génération de console, l’un de ceux s’étant tout particulièrement démarqué dans les critiques et dans les ventes est Hollow Knight, développé par une équipe très restreinte, la Team Cherry qui créa la surprise. C’est une équipe de développement australienne qui a eu recours au financement participatif dont la campagne fut un succès honnête, suite à un projet Game Jam, qui est à l’origine de ce Metroidvania finalement commercialisé en 2017, soit 3 ans après cette campagne. Pour découvrir ce que j’en ai pensé, je vous propose l’écoute de ce magnifique cover de City of Tears.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆



Comme tout Metroidvania 2D qui se respecte, le gameplay est excessivement basique de prime abord, se déplacer de façon précise mais assez lourde, frapper à courte portée en rebondissant dans la direction opposée au coup occasionné, exécuter un simple saut dont on peut jauger la puissance et se soigner en puisant dans une réserve qui se remplit quand on frappe et nous laisse vulnérable pendant le temps de l’action. Ça n’a l’air de rien mais on peut déjà voir dans chacune de ces mécaniques une petite nuance subtile pour une prise en main très technique.


Bien évidemment, ce gameplay s’étoffera au fur et à mesure avec des capacités à débloquer offrant bien plus de mouvements et d’attaques diverses et variées. L’inconvénient c’est que certaines capacités très importantes peuvent n’être débloquées qu’en fin de partie, faisant peser leur absence sur une bonne partie de l’expérience de jeu. De plus, les charmes à débloquer et à équiper constituent la liberté accordée au joueur de personnaliser son style mais j’ai trouvé que pendant une très grande partie du jeu il n’y avait que 2 builds réellement intéressants, un pour l’exploration et un pour les boss. Ce n’est que vers la toute fin du jeu, donc quand ce n’est plus très utile, que suffisamment de charmes et d’emplacements sont débloqués pour permettre plus de stratégies possibles en devant toujours composer avec cette contrainte un peu inutile de switcher de builds à des endroits précis et non librement.


Un style de jeu principal sera imposé avec une seule arme au maniement n’évoluant que très peu et la progression statistique du personnage restera limitée, rapprochant le jeu du Métroid-like plutôt que du Metroidvania, les ajouts de Symphony of the Night à la formule étant très peu présents ici. Ce n’est certainement pas un défaut, c’est un choix assumé et légitime qui trouvera ses fans même si personnellement je préfère le game-design d’un Metroidvania. Là où la présence de multiples façons de jouer offre un grand potentiel de rejouabilité et la marge de progression statistique la possibilité d’adapter la difficulté à nos envies, Hollow Knight fait chou blanc, et c’est bien dommage à mon sens car c’est ce qui l’empêche d’atteindre l’excellence à mes yeux, mais ça reste très personnel.


De plus, l’exécution du gameplay, si elle est très bonne dans l’ensemble, n’est pas si parfaite que ça pour justifier un parti pris si radical. La caméra peut être un peu trop proche du personnage et ne pas offrir un point de vue suffisant dans les arènes les plus vastes où il pourrait pourtant être bien utile, voire fondamentale, de voir l’animation de l’attaque ennemie au loin. L’aspect un peu aléatoire d’un patern peut rendre le boss plus ou moins difficile d’un run à un autre, selon s’il a décidé de spammer ses attaques les plus dévastatrices. Ce sont des défauts très légers mais suffisamment pour là encore empêcher le jeu d’être si excellent que ça.


Concernant le level-design tout particulièrement salué par certains, je le trouve en effet réussi. D’une part, l’exploration est assez libre d’entrée de jeu et très libre par la suite malgré de très nombreux passages inaccessibles temporairement, des raccourcis surprenants à débloquer et plein d’indices subtils guidant a minima. D’autre part, la carte des zones d’abord indisponible puis se limitant aux écrans déjà explorés et devant être complété par des marquages de couleur à y placer librement contribue nettement à l’envie d’explorer les lieux. Ça s’accompagne bien sûr de quelques difficultés d’accessibilité inévitables avec des zones qui vont être en grande partie explorées à l’aveugle et sans filet parce qu’on aura loupé par malchance bancs et cartographe, mais c’est partie intégrante d’un tel parti pris donc en aucune façon je ne peux en tenir rigueur, bien au contraire.


Par contre, même sur cet aspect le jeu n’est pas exempt de défauts : les allers-retours finissent tout de même par être très longs avec peu de points de téléportation et pas toujours bien placés combinés au respawn systématique d’une écrasante partie des ennemis et de raccourcis par très pratiques même parmi les plus cachés. Étant donné la taille de la carte, c’était vraiment important à mes yeux d’être plus permissif et souple pour l’exploration au moins en fin de jeu car ça fait partie des points qui font que la très grande générosité du contenu ne lui sert pas tant que ça au final. Pour ce genre de jeu, une durée de vie pouvant atteindre les 40 heures pour les plus complétionnistes est très largement au-dessus de la moyenne et ce n’est peut-être pas sans raison. Malgré touts ces petits reproches, ça reste un bilan positif que je peux tirer de toute cette partie ludique, et on va être sur la même longueur d’ondes par la suite de cette critique.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆



Si les moyens du studio ne permettent pas de brandir une réalisation capable de rivaliser avec les plus gros Métroidvania concurrents, dont certains bénéficiant même du soutien d’un éditeur-constructeur, Hollow Knight peut se vanter d’une réalisation très satisfaisante. On peut même noter quelques fulgurances techniques avec une multitude d’éléments en mouvement simultanément sans l’ombre d’un ralentissement, des créatures de grande taille bien animées, un premier-plan et une succession d’arrières plans qui peuvent être assez travaillés pour donner un sentiment de profondeur convaincant...


Parmi les écueils techniques mineurs ne pouvant qu’accompagner inéluctablement un petit budget, la gestion de la lumière en pleine obscurité peut être assez moyenne, un grain assez prononcé et désagréable peut apparaître sous certaines lumières, les cinématiques sont rares et austères… mais rien de tout ça ne pose de réels problèmes qui méritent de sanctionner le titre. Un sens de la mise en scène en temps réel peut même être assez beau à l’occasion avec par exemple une immense silhouette se mettant d’un coup a bougé au loin avant d’un coup de rejoindre le paisible lieu de repos devenant arène, mais c’est malheureusement assez rare.


Ce qui m’a déjà plus convaincu et même impressionné c’est que les différents environnements parcourus font preuve d’une remarquable diversité dans leur couleur dominante et dans leur style visuel tant en respectant le fil rouge artistique de la caverne. On peut ainsi se retrouver dans des environnements très fortement organiques, mécaniques, majestueux, oniriques… sans que jamais ça ne paraisse hors-sujet. C’est notamment rendu grâce à d’habiles transitions entre chaque zone avec des lieux de passage à la croisée des styles artistiques environnants et le plus souvent avec beaucoup de cohérence, parfois même en lien avec le récit dans les moments les plus inspirés.


Le design des créatures est souvent assez minimaliste mais par conséquent très diversifié d’une famille de créatures à une autre, avec des échos à Métroid plutôt appropriés vu la source d’inspiration première. La plupart des PNJ ont une identité visuelle assez marquée, tout comme leurs voix dans un langage fictif plutôt efficace. Quelques boss auront su m’impressionner, notamment les tous derniers d’une classe absolue combinées à mes musiques préférées du jeu, mais beaucoup sont ridicules ou simplement formes évoluées de créatures communes. Là encore, le jeu fait le travail mais se distinguer tout particulièrement selon moi.


De manière générale, les ambiances anxiogènes et mélancoliques sont très présentes avec une musique souvent en retrait ou assez sobre au profit de bruits d’ambiances inquiétants, d’un silence de plomb ou de petites notes toutes douces. L’OST, composée par Christopher Larkin dont c’était le seul travail notable dans le média, a ses fulgurances épiques et mélancoliques très impactantes même si l’essentiel de cette bande originale est simplement satisfaisante à mes oreilles. De plus, le sound-design fut particulièrement soigné, malgré le manque de ressources du petit studio. Les impacts occasionnés et reçus sont magnifiquement amplifiés par des bruitages forts ou sourds selon la situation. Les cris de douleur poussées par les ennemis peuvent assez facilement être source de dégoût ou au contraire d’empathie à leur encontre. Ce soin du détail est appréciable, comme le sont scénario et narration qu’il est temps d’aborder désormais.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



La première chose à savoir quand on parle du scénario du titre c’est qu’Hollow Knight prend un parti pris narratif radical dès son début et jusqu’à sa fin : il explique très peu de choses explicitement et laisse le joueur fouiller chaque recoin en quête d’informations cryptiques et parcellaires à rassembler et à interpréter pour que seulement apparaissent tout un univers et un scénario. Si je me suis laissé porté avec plaisir par l’ambiance et essayé de comprendre ce que j’en ai pu, je me suis surtout renseigné auprès des fans ayant abattu un travail de recherche colossal pour décortiquer tout ce travail scénaristique et narratif. Je vous invite à en faire autant en regardant cette vidéo qui résume tout ça avec un déroulement très logique, un bel accompagnement musical et quelques touches d’humour dont je vous laisserai le soin de juger du bon goût, évidemment le spoiler est total et voici ce que j’en pense.


Cet univers singulier et glauque de sociétés plus ou moins évoluées d’insectes se partageant des cavernes et leurs alentours est un premier point que j’apprécie assez, d’autant que beaucoup de réalités du monde animalier sont réinterprétées dans cette fiction de façon ingénieuse. Quand on se renseigne sur les différentes civilisations de ce monde, on peut faire des liens assez pertinents entre ce que l’on a vécu manette en main et ce que les textes développent. Plusieurs outils narratifs sont assez bien employés en ce sens :
- des décors singuliers peuvent tout particulièrement attirer l’œil pour susciter des questionnements, dévoiler l’apparence de personnages mystérieux jusqu’ici mentionnés...
- les animations et comportements ennemis hors-combat et en combats peuvent appuyer certains propos et éléments de l’univers,
- les moyens plus ou moins complexes et/ou dissimilés d’accéder à une zone peuvent illustrer l’ouverture ou l’isolement de l’état d’esprit de la culture de cette zone...


Le scénario principal lié à cet univers est très fortement inspiré du concept de perpétuation de cycles maintenant un semblant d’ordre dans un monde en perdition, synopsis notamment des Dark Souls, qui ont grandement popularisé ce type de narration depuis déjà 2 générations. Ce n’est peut-être pas original mais c’est tout à fait approprié et plutôt bien maîtrisé avec toutes ces fins différentes dépendant de l’implication du joueur et du comportement de celui-ci à la toute fin, permettant autant de se soumettre à ce rituel que de le foirer ou de s’en émanciper pour une fin qui nous semble meilleure.


J’aime beaucoup les explications apportées à ce qu’est notre protagoniste :


Le fait que notre chevalier ne soit jamais qu’une coquille vide habité par des esprits tout aussi vide se succédant à chaque « mort » justifie tout ce qui entoure notre personnage dans ses mécaniques de résurrection, dans son absence de dialogues comme d’émotions… Cela constitue une formidable mise en abîme, et aucun terme ne saurait être plus approprié, à l’avatar du jeu vidéo dans sa conception la plus pure et la plus absolue. Ça permet aussi de couper court de manière légitime à tout reproche concernant la passivité apparente du personnage et je trouve que c’est plutôt bien vu.


Un problème très personnel que j’ai avec le choix de cette narration demandant autant d’investissement du joueur dans ce jeu très précisément c’est qu’il ne colle pas avec le manque de rejouabilité du titre dû au fait que c’est davantage un Métroid-like qu’un Métroidvania. Je ne doute pas que des joueurs y ont joué et rejoué avec plaisir, mais ce n’est pas mon cas qui considère que mes 30 heures de jeu au premier run m’ont permis de voir et de vivre toute l’expérience de jeu qui m’intéressait. Le problème se pose aussi pour tous les secrets suivant les fins cachées très longues également à se débloquer, alors que le rythme du jeu chute drastiquement.


Un autre petit problème personnel que j’ai c’est qu’il y a beaucoup de personnages ou d’événements qui n’ont quasiment aucun matériau apporté par le jeu, malgré mes recherches approfondies sur le net, pour comprendre quoique ce soit à leur histoire, comme si certaines parties de l’univers n’avaient pas été achevées. Je trouve que c’est assez frustrant d’avoir parfois si peu d’éléments de réponses à certaines de nos questions, s’il n’y a rien à dire sur un personnage ou un événement, s’il n’est en lien avec rien, pourquoi le laisser ? Si c’est pour donner un sentiment illusoire de richesse cachée, c’est contre-productif puisque cette richesse cachée est réelle ailleurs. Pour toutes ces raisons, scénario et narration sont de qualité sans jamais atteindre l’excellence à mes yeux, comme pour tout le reste en fait, je me demande quelle va être ma conclusion ?



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Solide déclinaison du game-design, de l’ambiance, de la narration de la saga Metroid sans céder à de nombreux ajouts et transformations des Metroidvania, Hollow Knight est une proposition tout à fait qualitative et assumée qui aide à clairement le distinguer des principaux concurrents de son époque. Je lui reconnais toutes ses qualités qui sont toutes satisfaisantes à mes yeux mais sans jamais atteindre l’excellence dans quelque domaine que ce soit. Ainsi, je ne le hisserai pas au même rang d’estime que beaucoup de mes camarades gamers mais il n’en reste pas moins une expérience que j’ai su apprécier à plus d’un titre et qui force le respect quant on pense que c’est le premier jeu de ses créateurs peu nombreux et inexpérimentés.

damon8671
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le 28 janv. 2021

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