Ah ça ! Ce n’est pas moi qui vais vous dire le contraire : cette cinématique d’introduction, elle envoie du bois ! Esthétiquement très marquante et intrigante, chaque image en dit à la fois beaucoup tout en en disant que très peu. Le mystère est maintenu tout en sachant susciter les promesses. La promesse d’abord d’un univers détonnant au croisement de « Nausicaa » et de « The End of Evangelion ». Mais aussi la promesse d’une exploration en termes de gameplay. Certes, on voit très vite la marque « d’un Zelda : A Link to the Past » lors des premières phases de jeu, mais l’esthétique si particulière de cet « action-RPG 2D » aux perspectives étranges laisse déjà suggérer les possibilités d’expérimentations nouvelles sur des terrains inattendus…
Et pourtant, passées quelques heures de jeu, il y a de quoi déchanter un peu. Certes, l’esthétique fonctionne et le charme opère – notamment grâce à un habillage visuel séduisant et une bande-son très inspirée – mais le mystère suscité par le jeu devient vite une forme d’obscurantisme au service de pas grand-chose. Alors oui, au départ on est un peu perdu ce qui peut rendre l’aventure un peu grisante, mais très rapidement on comprend que cet « Hyper Light Drifter » ne va pas nous réinventer l’eau chaude. On nous livre clairement un « A Link to the Past » légèrement remodelé, avec un gameplay un peu plus nerveux et technique, mais au-delà de ça, rien de flamboyant. Une map en quatre zones organisées autour d’un village central. Des collectibles à réunir. Des compétences à débloquer. Des boss à tuer. Rien d’extra…
Alors c’est vrai que, malgré tout, chacune de ces quatre zones n’est clairement pas désagréable à traverser. Elles sont toutes très ramassées et diversifiées dans leur contenu. La densité de l’ensemble incite à la recherche minutieuse sans que ne vienne s’installer une forme d’usure fastidieuse. De même, chaque tableau est pensé pour éduquer progressivement le joueur aux ennemis qu’il lui faudra combattre et cela en nombre sans cesse plus grand. Le challenge est bien dosé et progressif, même si le climax final que représente le combat de boss se révèle abusivement exigeant. On atteint à ce moment un pic de difficulté qui a mon avis n’a que peu de sens. Les boss nécessitent vraiment une vraie dextérité – qui plus est sur un temps excessivement long – ce qui peut se révéler problématique au regard du gameplay légèrement approximatif du jeu. Une vraie épine dans le pied pour le coup.
Et le problème me concernant avec ces boss bien durs, c’est qu’ils m’ont amené à me questionner sur ma véritable motivation à poursuivre l’aventure. Après tout, à bien tout prendre, ce « Hyper Light Drifter » n’a vraiment rien de bien sensationnel à proposer, et à mon sens il ne sait pas récompenser convenablement l’effort d’investissement qu’il nécessite. Parce que bon, un petit « Link to the Past » un brin relooké, certes ça se prend, mais ça n’a rien de bien folichon non plus. Surtout qu’à bien faire les comptes, cet « Hyper Light Drifter » n’a que l’apparence d’une aventure de Link sans en avoir vraiment la substance.
Au fond les réserves face à ce jeu peuvent être multiples. Les rares PNJ croisés ne parlent qu’au travers de quelques images au fond assez pauvres en signification. De plus, le style très « pixel art » rend les images peu lisibles ce qui rajoute de l’opacité à cette méthode de narration. Au final on ne nous apprend pas grand-chose de ce monde ni de ce qu’on y fait. Qui sont ces vilains à qui on cherche à botter les fesses ? Que sont ces fragments roses que nous nous devons de collecter ? Dans quel but ? Au fond on n'en sait rien. Alors on avance sans trop savoir, sans qu’aucun élément narratif ne mette toute cette aventure en relief ; sans que rien ne puisse générer une hype sur le long terme.
D’ailleurs, le manque de relief est ce qui caractériserait sûrement le mieux cette expérience de jeu. Le gamedesign en est d’ailleurs à lui seul un exemple criant. Optant pour une mise en perspective assez singulière, le jeu égare souvent sur ce qu’il autorise ou pas. Les morts se multiplient ainsi bêtement, tout ça parce qu’on a mal jugé une distance ou mal identifié la nature d’un tas de pixels. Et vu qu’on a tendance à vouloir préserver son énergie pour certaines phases de combats compliqués – qui d’ailleurs elles aussi sont parfois rendues hasardeuses à cause d’obstacles mal identifiables au sein de l’ère de bataille – cette absence de lisibilité nous incite à rester sage et à ne pas trop nous enhardir dans nos explorations, ce que je trouve quand-même vraiment rageant pour un jeu d’aventure.
Du coup, en tout et pour tout, j’avoue que je ne peux m’empêcher d’être déçu par cet « Hyper Light Drifter ». Alors qu’on nous avait vendu un jeu à univers, voilà qu’on se retrouve avec un banal plateau de jeu assez pauvre dont il ne ressort finalement que peu de choses. Alors certes, il n’est pas un mauvais jeu en soi, mais il n’a clairement pas l’originalité et la richesse que laissait supposer son introduction. Et si j’ai pu parfois y retrouver mon compte en tant que simple passe-temps, j’avoue que le jeu ne m’a malgré tout pas laissé de trace particulière, à par celle d’une déception. Parce que moi je le voulais ce jeu au croisement de « Nausicaa » et de « The End of Evangelion » ! Et l'air de rien, ce « Hyper Light Drifter » a osé me hyper avec un début de légende qu'il n'a finalement jamais vraiment pris la peine de parcourir et de développer. Il m'a laissé en plan avec un joli vide. Une sorte de légende sans âme. Une pale copie d'un « A Link to the Past ». Une triste mais réelle « Legend of Nothing »...