Le milieu vidéoludique est unique; cela va sans dire. Certains pourraient vous causer pendant des heures de la saine beauté de ses systèmes interactifs. De l'audace nécessaire à créer ses vibrants univers visuels qui font la synthèse des arts traditionnels et de ceux censément narratifs. De la beauté vibrante des cheminements mentaux esquissés par les créations indés. Mais nul n'ira jamais défendre le jeu vidéo en utilisant Killzone comme exemple. Jamais.

Faudrait être fou, d'ailleurs, pour tenter de défendre le jeu vidéo par l'un de ses plus bas dénominateurs. Rarement produit de consommation de masse n'aura été aussi peu classe. Entre l'esthétique fascisante des Helghastes, le pro-américanisme plan-plan à la sauce hollandaise des unités de l'ISA et le scénario/prétexte ici proposé… faut bien admettre que seule une mère dévouée peut aimer ce bébé. Revenons aux sources pour tout mieux vous expliquer : Killzone est une série "inventée" par Guerrilla Games, une petite compagnie venue des Pays-Bas qui a pu compter sur sa relation avec Sony pour survivre jusqu'ici. Fut un temps, sous le nom Lost Boys Games, ils étaient spécialistes du mauvais jeu bas budget sur GameBoy Color. Avec le temps, et un changement d'appellation, ils en sont arrivés à leur statut actuel : payés à sortir des démos technologiques dépourvues d'intérêt afin de rassurer le fanboy Sony que décidément sa machine en a un peu dans le ventre. En dix ans, ils n'ont rien sorti d'autre que des Killzone. Le meilleur jeu de la série reste sans-doute le second. Il n'était pas génial, mais proposait quelques moments de grand spectacle qui font décidément défaut dans cet opus-ci.

Ce qui nous amène à la victime sacrificielle de notre session d'aujourd'hui : Shadow Fall. Ce titre sorti au lancement de la PlayStation 4 a visiblement plus pour but de porter le moteur de jeu que de proposer un opus de qualité aux adopteurs précoces du monolithe tronqué. Et en termes technologiques le titre s'en sort avec les honneurs. Le régal visuel est complet : les textures d'une finesse inégalées tutoient les éclairages divers et variés pour donner l'impression que l'on n'a jamais auparavant autant approché l'idée de photo-réalisme dans le domaine vidéoludique. Pad en main, par contre, c'est un mélange par trop familier qui vient heurter le palais du fin gourmet. Déjà, n'attendez pas le moindre changement d'une formule dont on nous dit depuis des années qu'elle fonctionne. (Nul ne sait précisément pourquoi; mais la série se vend.) Vous aurez donc droit aux sempiternels combats de couloirs dans la pénombre avec des soldats trop cons pour se rendre que peut-être qu'avoir des orifices oculaires rouge vifs n'aide par leur chance de survie dans ce genre de situations. Par contre, vous aurez droit à un petit drone de combat; c'est devenu à la mode depuis Obama. Il vous servira à remplir les objectifs, déployer un bouclier énergétique, désactiver celui de vos ennemis et même - petit roulement de tambour - faire du rappel. Oui, comme dans Battlefield 2: Special Forces; merci de suivre.

Parfois le jeu tente de masquer ses capacités réelles en termes de game design en vous proposant de participer à des combats organisés dans des décors un poil plus large. Pensez à l'équivalent d'une clairière. C'est là que le titre s'effondre soudain sous le poids malsain de ses exigences technologiques. Faire un jeu de ce niveau de qualité graphique ne vient pas naturellement à une équipe censée signer ici sa premier tentative sur une technologie encore méconnue. Et dans le cas de niveaux larges se déroulant dans la nature; la seule solution trouvée par ingénieurs de Guerrilla Games se trouve être de n'afficher les ennemis que quand ils sont à environ douze mètres de votre position. Ce qui ne les empêche pas de vous tirer dessus si jamais ils vous voient; hein. Eux, ils existent. Vous, par contre, vous ne pouvez pas les voir. Ce qui nous explique soudain pourquoi certaines unités sont dotées d'un camouflage optique : il suffit d'un rayon laser assez modique pour les représenter à distance. Vous savez, même à notre époque, faut savoir faire des économies de budget. Je vous propose de commencer en évitant de vous payer Killzone : Shadow Fall.

Cela fait des années que la série Killzone dénigre le plaisir de jouer au profit d'une toujours plus grande qualité graphique. Dans cet opus, premier d'une nouvelle génération, l'on était en droit d'attendre une évolution.
En l'état, tout ce que l'on vous propose ici c'est une couche de peinture de plus sur les sempiternels couloirs d'antan. À vous de voir si cela suffit à vous faire prendre votre pad.
MaSQuEdePuSTA
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le 5 avr. 2014

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