Kingdom Hearts 358/2 Days
6.4
Kingdom Hearts 358/2 Days

Jeu de h.a.n.d. et Square Enix (2009Nintendo DS)

Kingdom Hearts est une licence qui tient à cœur d'énormément de mondes. Cette richesse nous la devons au très grand Tetsuya Nomura. Les multiples sous-intrigues laissés en suspend par chaque volet de la saga accentuaient non-seulement le mystère mais surtout le besoin irrépressible de se replonger dans les moments les plus signifiants pour en comprendre la moindre ficelle (outre le voyage et la qualité de l'aventure en général). A ce besoin, Kingdom Hearts 358/2 Days est conçu pour répondre aux questions qui torture les fans après avoir achevé le second opus principal: Qu'à pu faire Roxas au sein de l'Organisation XIII ? Pourquoi l'a-t-il quitté ? Quel lien entretenait-il avec Axel ? Avaient-ils un cœur ?


Pour répondre à ces questions, la manière n'est pourtant pas la meilleure que Square Enix ait pu adopter.
Avoir dispersé les différents spin-off de la licence sur plusieurs supports était une idée intéressante pour des histoires moins importantes (ce qui s'avère à moitié-vrai, chacun présentant un élément indispensable de toute l'intrigue générale) mais qui s'avère peu pratique. Tout le monde ne pouvant pas s'offrir les différentes consoles spécialisées. Mais cela dessert le jeu en lui-même.
Pour une telle histoire, la Nintendo DS ne semble pas avoir la puissance nécessaire pour permettre de retranscrire comme il le faudrait son bagage dramatique (à l'exception des cinématiques). Le jeu ne peut compter que sur le texte pour porter les émotions de ses personnages tant les graphismes sont en retards (nous sommes très loin de la qualité de Birth by Sleep sorti un an plus tard sur PSP).
Le jeu ne profite d'ailleurs pas suffisamment des fonctionnalités de sa console, il ne semble même pas avoir été conçu pour. A l'exception des visions de Roxas qui se superposent avec le passé de Sora (et la très signifiante cinématique de fin qui en devient déchirante), l'écran du bas ne sert pratiquement à rien et n'a jamais besoin d'interaction avec le joueur.


Le gameplay a d'ailleurs des lacunes. Outre la progression qui oblige le joueur à devoir modifier sa Keyblade afin d'avoir les stats nécessaires pour réussir les missions, le système de sorts est difficile à prendre en main, en particulier avec le plan général du jeu, ponctué d'allers-retours entre les missions et le QG de l'Organisation, seul endroit où l'on peut sauvegarder et modifier ses stats. Il faut d'abord s'y habituer pour réussir à pleinement profiter du jeu. Cependant, ce gameplay a ses attraits, et pas des moindres.
Tout d'abord, cela apporte une nouveauté très appréciable par rapport aux autres jeux de la licence. Les allers-retours permettent de suivre de façon très fluide la progression de l'histoire sous forme de journées passées à accomplir des missions. Au fur et à mesure, cette avancée que nous prenons pour une simple routine donne la dangereuse impression de vivre un compte à rebours (sentiment de plus en plus présent lorsque les événements se précipitent) avant un dénouement qui laisse de moins en moins de place à une fin heureuse tant les portes se ferment autour de notre trio, et le joueur ayant suivi la saga sait que ça ne sera pas le cas. Cela apporte également des moments quotidiens forts touchants et facilement immersifs, dans les tensions comme dans les soulagements (la traditionnelle pause de Roxas, Axel et Xion dans la Cité du Crépuscule à manger des glaces à l'eau de mer, un moment de partage tout simple mais riche en émotions et symboliquement puissant).


Autre apport non-négligeable. L'Organisation restant relativement discrète avant le deuxième opus, les interactions avec les autres mondes se font très rares, voire inexistantes. L'histoire de chacun de ces mondes se suit en continu. Si l'on peut se plaindre que cela les limite à un simple bonus dispensable ou inutile, chaque incursion là-bas est une occasion bien pensée Roxas de s'interroger sur sa condition, le faisant évoluer du début au stade de simple coquille vide sans vécu ni sentiment jusqu'à se procurer une volonté d'indépendance. La sienne et celle de ses deux amis est la qualité indéniable qui bouscule tous les événements du jeu.
De plus, comme aucun personnage Disney n'est présent pour alléger le récit tout du long, il peut libérer toute sa froideur et son drame. Aucun jeu de la licence n'a déployé une telle désespérance.


Sur ce point, l'histoire est exemplaire et impose une charge émotionnelle que les autres volets parviennent rarement à atteindre. Les émotions sont au cœur de celle-ci. En particulier ceux focalisés sur le nouveau personnage introduit dans cet opus et qui pousse ce prequel vers une direction inespérée: Xion.
Immédiatement attachante par sa timidité et sa gentillesse et fascinante par sa ressemblance avec Kairi et son mystère, sa relation avec Roxas et Axel sont d'excellents moments de chaleur humaine qui nous font douter, voire oublier, ce qu'ils sont censés êtres. Des moments chargés d'émotions qui leur amènent des questionnements riches en interprétations, à la façon d'un Ghost in the Shell ou d'un Blade Runner.


Son sort d'être encore plus artificielle qu'un Simili souhaitant seulement pouvoir rester avec ses deux seuls amis la rattache immédiatement à Roxas et au joueur. Nous sommes plongés dans sa peine quand nous apprenons sa véritable nature et les raisons de son existence qui la limitent à un pantin, et nous comprenons dès lors que la vie qu'elle espérait tant réelle n'est qu'une contrefaçon (un sentiment largement partagé par ceux ayant fait l'expérience de Chain of Memories) que l'on ne permettra jamais d'être mené à terme, tant dans un camp que dans l'autre.


Les 360 jours aux côtés de Roxas, Xion et Axel sont une évolution qui mettent complètement en doute le fait d'être un simili dans cet univers, un concept plein de potentiel qui n'avait pas été jusque-là au centre de l'attention.
Des êtres "qui n'existent pas" car dépourvus de cœurs. Roxas et Xion sont les deux personnages les plus perdues et tourmentés que la licence a proposé jusque-là, commençant en étant des coquilles vides avant que leurs contacts ne leur donne des souvenirs auquel se rattacher pour avoir des émotions. Quelque chose de normalement impossible pour des êtres sans cœur, comme les autres membres ne cessent de leur rappeler comme si ce qu'ils ressentent n'avait rien à voir avec des êtres normaux. Le joueur doutera mais comprendra que les membres de ce trio possèdent indéniablement un cœur (une ambiguïté qui prend un sens tout nouveau après le chamboulant twist de Dream Drop Distance).


Ce qui donne au jeu une richesse qui compense largement son manque d'ambition, de son début incertain à sa fin proche de la perfection.


Xion, que nous avons appris à aimer pendant une année d'amitié avec elle, acceptant la nécessité de devoir disparaître pour permettre à Sora de revenir, aboutissant à la trahison de ses amis, à sa mort et à sa disparition du cœur de son entourage, la faisant définitivement sombrer dans l'oubli. Nous l'avions connu en se questionnant sur son mal pour apprendre que non-seulement elle n'existait pas réellement, mais qu'en plus le peu d'existence qui la constituait appartenait à quelqu'un d'autre, tout ça pour finir par périr par la main de ceux qui la chérissaient sans avoir la possibilité de mener sa propre vie. Le joueur se doutait qu'elle connaîtrait un sort funeste du fait de son absence dans les événements à venir mais rien ne peut le préparer à une fin aussi triste et injuste.
Une fin d'autant plus tragique qu'elle s'imbrique avec les révélations du passé de Roxas dans Kingdom Hearts II, leur donnant un sens tout nouveau (comme pour les deux Keyblades phares de la saga Tendre Promesse et Souvenirs Perdus).


Ces séquences auraient été loin d'atteindre leur plein potentiel sans l'apport de Yoko Shimomura. Si le jeu reste dépendant de ce que les précédents ont apporté, le limitant à reproduire leur musiques qu'à travers de simples remix, pour les nouveaux morceaux qu'elle a créé, la compositrice s'est clairement surpassée. Fight and Away est plutôt agréable mais rien qui ne dépasse l'excellence de la Musique pour la Tristesse de Xion et Vector to the Heavens qui font sans aucun doute partie des plus magnifiques compositions entendue dans la saga. La première exprime avec douleur le terrible sort de son héroïne ainsi que ses sentiments cloisonnés qui ne demandent qu'à s'échapper, et le second est une parfaite musique de combat final dont chaque note est lourde à écouter tant elles rappellent au joueur en plein combat le lourd tribut à payer pour arriver au bout de la partie.


Kingdom Hearts 358/2 Days n'est pas le meilleur Kingdom Hearts à cause de son support beaucoup trop limité pour offrir une expérience de jeu aussi aboutie que les autres. On comprend à ce moment-là que Square Enix ait décidé de le ressortir sous forme de cinématiques dans ses dernières compilations. Mais à titre personnel, malgré un gameplay perfectible, 358/2 Days est un jeu qu'il faut vivre dans son intégralité. Pouvoir suivre les 360 jours de Roxas qui le sépare de sa rencontre avec Sora est une aventure intime qui gagne en ampleur avec la durée quand nous pouvons suivre chaque jour avec lui et ses deux amis, d'une mission à la fin de la journée en haut d'une tour à déguster une glace à l'eau de mer dont le goût sucré et salé est un tendre souvenir que n'importe quel sortilège ne pourra jamais effacer.


Xion, tu as peut-être été oubliée par tes amis, tu les reverras peut-être un jour. Mais sache une chose, nous, nous te t'oublierons jamais.

Housecoat
8
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le 29 janv. 2019

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Housecoat

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