Exister, ou ne pas exister ? C'est là la question.

Scène d’ouverture du jeu pour la nouvelle aventure à venir après la cinématique : deux individus encapuchonnés de noir au royaume des ténèbres et devant un océan de noirceur, suivi d’un flash-back sur les premiers pas du joueur au sein de l’épopée entamée par Sora et suivi d’une ouverture via un fondu en blanc dans la chambre d’un jeune homme semblable à notre héros mais à la vie bien différente. Ce jeune homme : Roxas, à l’existence paisible au sein d’une ville ou le crépuscule ne se termine jamais mais ou, paradoxalement, ce même ciel annonce le déclin pour un garçon qui ne demandait qu’à exister comme n’importe quel garçon mais enchaîné par les maillons du destin.


Loin de se douter du mélodrame plus accentué de la franchise, les gamers et fans du premier opus (et de Chain of Memories pour ceux qui ont pu passer par-là sur console portable) ont dû être bien perplexe en passant d’une lutte finale pour le royaume de cœur à un quotidien des plus banals entre dégustation de glace à la fin de l’été, livraison de courrier, jonglage de ballon, bataille de struggle et récolte de monnaie pour aller à la plage. Les seules familiarités proposées aux joueurs étant les flash-back assaillant le jeune rouquin de plus en plus et les personnages revisités de Seifer et Bibi issue de Final Fantasy VIII et du génial Final Fantasy IX. Et pourtant, ce long prologue prendra une grande importance par la suite tant pour ce qu’est Roxas, ce qu’il représente et ce qu’il aura vécu jusqu’à présent.


En l’espace de quelques heures, pour peu qu’on accepte l’immersion et l’expérience d’une semaine virtuelle dans la peau du jeune homme et son quotidien parsemé de bouleversement passager (les apparitions répétées du fameux Axel déjà très intrigant dans Chain of Memories se montrant très familier avec Roxas, l’homme en rouge surnommé DiZ, les écorches blanches mouvantes), on s’identifie facilement à Roxas et on parvient à se sentir aussi perdue et désemparée que celui-ci lorsque la réalité le rattrape petit à petit.


Pour aboutir sur la disparition mystérieuse et profondément mélancolique du jeune rouquin (physiquement mais pas mentalement), et le retour fortement attendue de notre trio après un long sommeil (3 ans pour les fans de la vrai vie, un an pour eux mais tout le monde n’a pas dû le ressentir de la même manière).


Quand bien même on regarde le jeu avec un œil de 2019, la mise à jour graphique et l’évolution scénaristique entre le premier jeu et le deuxième opus principal de la licence Kingdom Hearts reste toujours un très bon exemple à prendre en compte. La Cité du Crépuscule étant en soit déjà un bon exemple d’extension des mondes découverts par le joueur, monde originale puisant une forte identité au sein de cette seconde grande quête, dont le lieu est symbolique à divers égards, et qui deviendra notamment le premier monde dans lequel les allers-retours et redécouverte seront indispensable scénaristiquement.


Il est d’ailleurs intéressant de voir comment l’équipe de Tetsuya Nomura à Square Enix a décidé de revoir les mondes déjà découvert dans le premier jeu afin de répondre à ce qui était objet à la critique et d’adapter le gameplay à l’expérience du joueur et au monde en question. Ainsi : le monde d’Atlantica, très critiquée pour sa platitude et son absence de fluidité, devient désormais un relaxant show musical en QTE auquel le joueur participe au fur et à mesure de son avancée variant entre morceaux inédits et reprise des chansons cultes du dessin-animé (et entendre Donald Reignoux chanter à la VF c’est cool). La forteresse oubliée, l’un des niveaux finaux du premier jeu, s’ouvre désormais sur une ville en reconstruction après le passage des sans-cœur dans laquelle Merlin ainsi que Léon, Youffie, Aerith et Cid des Final Fantasy VII et VIII conservent leur sympathique rôle de soutien envers nos héros et prendront part plus d’une fois au combat à nos côtés.


Avec en bonus la possibilité de faire face à l’un des meilleurs méchants de l’histoire du jeu vidéo arrivé à un certain stade du jeu qui n'est autre que le seul et l'unique Séphiroth (vous allez en chier sévère, je vous le dis de suite).


Kingdom Hearts II reprend par ailleurs le passage à la nébulosité de Chain of Memories mais de manière moins radical et soudaine face aux événements auxquels Sora et ses deux acolytes sont confrontés. Et cela en découpant en deux moitiés le jeu entre la première visite dans chacun des mondes Disney, mondes par ailleurs reconstitués très fidèlement et étonnamment bien pour l’époque de la PS2 (de la descente dans les Enfers via le monde d’Hercule en passant par l’intérieur romanesque et obscur du château de la Bête) mais en évitant le plus souvent le piège de la redite en terme de scénarisation. Du moins tant que ça ne sert pas le développement de Sora et le fil rouge que constituent les principaux antagonistes : l’Organisation XIII !


Si en dehors d’Axel (qui suscite toujours autant d’alléchante interrogation sur ses intentions et ses méfaits) les membres ne connaissent pas un développement particulier niveau individualité (on reconnaîtra néanmoins l’aspect sympathiquement bouffonesque de Demyx et la cruelle froideur de Saïx), leur présence en fait assez facilement des adversaires plus sérieux et grave que les méchants Disney du premier jeu, désormais objet de manipulation à l’encontre du maître de la Keyblade. A l’exception notable de Maléfique et de son sidekick, Pat Hibulaire, toujours aussi génialement doublé par Alain Dorval et qui nous permet d’une certaine façon d’accéder à un merveilleux bonus qui aura de quoi ravir les curieux et abonnés des débuts de Mickey et de Disney en général (Nomura : t’es un bon).


Continuellement mené sur des pistes houleuses par les membres auquel le joueur comme Sora peine à cerner les motivations dans cette première moitié, leur visage se dévoile pleinement à partir du Twist qui suit l’une des séquences de jeu devenu culte pour tout fans qui se respectent de la licence et qui donne également un tout autre visage à la quête initiale de Sora :


les sans-cœur n’étant pas les principaux ennemis à abattre, l’Organisation XIII manipulant Sora de monde en monde jusqu’à présent pour les détruire et créer un nouveau Kingdom Hearts afin qu’ils puissent devenir pleinement humain et posséder à leur tour un cœur comme n’importe qui. En plus de rendre la quête de Sora en partie illusoire (Riku restant introuvable malgré les rares indices et Kairi ayant de nouveau été kidnappé entre-temps par les membres de ce groupe) et voué à la réussite inexorable de leur plan dont il s’est rendu complice sans le vouloir, l’esprit bon enfant et naïf se dissipe en grande partie pour laisser place à des enjeux bien plus critiques en dépit.


En parlant d’Alain Dorval un peu plus tôt, je ne cache pas ma joie d’avoir pu découvrir ce jeu, certes en retard, mais avec le doublage français sur Playstation 2. N’étant pas très client du doublage de certaines voix dans la version américaine (notamment Haley Joel Osment à ses débuts qui, je trouve, manque de naturel ici et là), les retours de Donald Reignoux, Sylvain Caruso, du regretté Gérard Rinaldi ainsi que de Kelly Marot en Kairi et Mathis Kozlowski en Riku suffisent à me donner le sourire tant leur travail pour insuffler les émotions aux personnages Disney comme ces héros originaux que l’on suit depuis ces années est remarquable.


Et pas seulement eux puisque la qualité globale dépasse de loin la version américaine : des nombreux rôles repris par les légendaires Richard Darbois et Roger Carel en passant par les retours de Paolo Domingo en Aladdin et de Féodor Atkine pour Jafar (j’ai rien contre Michel Elias mais son doublage du méchant d’Aladdin ne m’a jamais beaucoup plu), en passant par les voix inédites choisies pour les rôles populaire mais sans doublage jusque là (Benoit Allemane en maître Yen Sid de Fantasia, parfait ! Mais j’ai aussi un faible pour Jessica Barrier en Tifa), c’est admirable de voir autant d’investissement dans la traduction et l’interprétation. En dehors de quelques rares ratés intrusifs (le doublage français d’Axel fait pâle figure comparer à celui de Quinton Flynn, tandis que Juan Llorca en Saïx est beaucoup trop monocorde dans sa voix et n’exprime aucune autre émotion dans sa voix alors que celui-ci montre des émotions prouvant que les Similis sont loin d’être de simple robot doté de conscience).


De même pour le gameplay se bonifiant lui aussi (et qui se bonifiera au fil des jeux suivant, spin-off et jeu annexe compris) tout en évitant de retirer le challenge du premier opus. Des capacités de maniement de la Keyblade et ses animations plus nombreuses et vifs, en passant par le contrôle de la caméra, le recours aux personnages Disney (bon là encore il y a un ou deux hics, parce que : Stitch même si je suis pas fan je veux bien… mais Chicken Little… en invocation alors que le film est détesté… sans blague ? Vous avez fumé quoi les gars ?) et la possibilité de varier les compétences de Sora par l’équipement des divers Keyblades au fil du jeu. En plus de proposer des adversaires réellement coriace une fois entamée la deuxième moitié


(Xaldin est un vrai cauchemar à affronter, Xigbar ne tient jamais en place et du côté des méchants Disney Hadès est loin d’être un petit joueur)


si on exclut, là encore, un ou deux ratés occasionnel


(le duel contre Jafar étant finalement plat visuellement et celui contre Luxord ayant un système de combat bordélique auquel j’ai gagné par hasard et par bol)


mais pas pour le mode vaisseau Gummi qui obtient, Dieu soit loué, d’un réajustement en grandes pompes et gagne en dynamisme lors des parties spatiales (on a beau rester sur un parcours prédéfini, rien que la modélisation et les combats contre les sans-cœur spatiaux est nettement plus divertissante). Sans oublier Yoko Shimomura qui reste la capitaine à la barre pour tout ce qui touche à la bande-sonore et monte également d’un gros cran lors des thèmes de combats mis au goût du jour et également de plus en plus forts au fil des divers aventures impliquant Sora et ses deux compagnons. Même la chanson du jeu chantée, de nouveau, par Utada Hikaru est amélioration en terme de musicalité par rapport à celui du premier jeu.


Car même si la sève du jeu se dévoile avec les principaux antagonistes, l’implication du joueur passe aussi par celui de Sora dans les récits des divers mondes Disney : on a la réelle impression d’en faire partie et d’en tirer quelque chose, soit parce que Square Enix évite le piège de la simple reprise scénaristique (le monde d’Hercule se déroulant bien avant les événements du classique Disney et permettant l’apparition d’un des personnages les plus cools de Final Fantasy X en plus) ou parce que dans le cas contraire Sora/le gamer participe aussi aux bons déroulements d’un script en grande partie réadaptés pour la console (celui de Mulan restant plus ancré dans le déroulé ne laisse jamais nos héros de côté et l’engage lui et ses deux compagnons aux côtés de Mulan dans sa lutte contre les huns et les sans-cœur) et parce qu’il donne un rôle à ceux qui se démontre sur le devant de la scène (un piège auquel certains autres opus de la franchise n’échapperont hélas pas… mais je reparlerais de cela plus tard à d’autres occasions ou il sera plus adéquat d’en toucher quelques mots) et s’en retrouve récompensé avec le sentiment d’avoir avancer dans ces multiple rencontres, certaines scènes renvoyant souvent à Sora ou ses amis proches (l’histoire d’amour entre Elisabeth et Will Turner dans le monde de Pirates des Caraïbes et la danse conclusive de Sally et Jack ramenant inévitablement aux sentiments partagés entre lui et Kairi,


le passage supposé de Riku lors du deuxième passage dans le monde de Mulan supposant qu’il est lui aussi en activité contre les instigateurs de troubles... et oui je parle beaucoup de Mulan)


quand ça ne sont pas les figures iconiques comme Mickey qui apparaissent enfin tout en restant mesuré pour conserver l’aura mythique autour de celui-ci.


En dépit des niaiseries que reprochent souvent les anti-Disney à la licence (surtout que bon, en dehors de certains dialogues avec Minnie, c’est pas tellement représentatif de la licence), les fans de Square Enix hermétique à ce croisement avec les univers de Disney ou ceux qui sont simplement drogués aux scripts de Final Fantasy qu’ils n’acceptent pas tellement des mondes davantage naïf ou bon enfant : Kingdom Hearts II continue d’accompagner avec bienveillance et mûrissement le jeune adolescent ayant débuté l’aventure en 2002. Il réussit à se détacher des archétypes auquel nos héros étaient souvent rattachés dans le premier jeu (mention toute particulière à Riku qui a quand même un développement appréciable depuis Chain of Memories), trouve un équilibre quasi-parfait entre le fantasme du fan Disney et une histoire qualitativement maîtrisée, suscitent l’émotion chez le joueur à force d’investissement dans ses voyages et ses rencontres jusqu'au dernier niveau


(un sourire très attendri pour ma part durant les embrassades entre Kairi et Sora et stupéfaction sur ce qui il est advenu de Riku depuis)


Et donne le sentiment au joueur d’avoir mérité la fin qui l'attend… mais qui ne sera pas la fin d’un tout pour autant et se poursuivra par la suite pendant plusieurs années sur console portable et transposition sur PS3 et PS4, notamment pour faire la rencontre d’un autre jeune homme manieur de Keyblade "né dans le sommeil" : TO BE CONTINUED !

Maxime_T__Freslon
9

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Créée

le 8 août 2019

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