Les rues de Los Angeles...
A la manière de Heavy Rain, LA Noire est un jeu qui divise : pour certains, novateur, mature, remarquablement écrit, bluffant de réalisme (les visages), totalement immersif par son ambiance et son univers ; pour d’autres, répétitif, ennuyeux, vide, incohérent, lourd (le gameplay). LA Noire est un peu tout ça à la fois, si bien que je n’arrive à me résoudre ni à l’adorer ni à le descendre en flèche. Il faut le prendre avec ses qualités et ses défauts, son rythme à l’exact opposé des AAA actuels, sa petite musique d’enquête répétitive (brief, découverte de l’affaire, preuves, interrogatoires, actions – le tout dans un ordre immuable ou presque, éternellement recommencé), son refus du tape-à-l’œil et du clinquant (les dialogues secs, précis, sans l’esbroufe d’un produit Rockstar), son système d’interrogatoire qui sanctionne alors qu’on voudrait de la souplesse.
Et tout en admettant que pour certains les défauts pourraient bien apparaitre comme des qualités à d’autres : personnellement, j’ai aimé le rythme du jeu, sa construction, cette idée de faire un jeu lent, déceptif, en étalant les climax avec parcimonie (étonnant surtout pour un jeu à épisodes – qui suit le modèle de la série américaine). Et puis cette manière de raconter des fragments de vies brisées, par la mort, le meurtre, la jalousie, la tromperie, le mensonge. Chaque enquête révèle des morceaux de vie gâchée : une photo heureuse jaunie par le temps, une valise dans un coin, un sac de femme renversé, des lits séparés… Des indices dont le jeu ne fait rien mais qui composent un univers que le joueur doit recomposer : pourquoi ces hommes et femmes en sont-ils arrivés à cette situation extrême ?
Ces qualités aident à faire oublier des mécaniques de jeu souvent lourdes : poursuites à pied dignes des Rues de San Francisco, système de cover approximatif, poursuites en voitures qui se finissent trop souvent dans un Tramway bien à l’heure et corps à corps au timing si permissif que Derrick coucherait Tyson en deux coups. L’ensemble demeure dirigiste et assisté, et marque de grands pas de recul par rapport à Red Dead Redemption.
La greffe Rockstar sur le projet de la Team Bondi n’a donc pas totalement pris et a accouché d’un objet vidéoludique bizarre et protéiforme. Lent, lourd, parfois ennuyeux, dirigiste et assisté, LA Noire marque pourtant la mémoire du joueur par son ambiance, la qualité de ses dialogues et son jeu constant avec les codes du polar et de la série noire.