J'ai eu très peur en commençant ce jeu.
Malgré une ouverture en coup de vent avec la voix de Galadriel (fan-service, bonjour), le didacticiel faisant office de cinématique d'intro laissait présager le pire: doublages catastrophiques, aucune musique et surtout ambiance "tout est rose au pays des petits oiseaux" avec un rôdeur/ranger/capitaine du Gondor sans charisme qui s'entraîne à l'épée avec son fiston et s'amuse à "coucou qui c'est ?" avec sa dulcinée. En guise d'épreuves pour apprendre à maîtriser les commandes de combat et d'infiltration, on a vu mieux !
Véritable contraste, heureusement, avec ce qui s'ensuit.
En l'espace de quelques secondes, la vie parfaite de notre rôdeur/capitaine vire au cauchemar le plus ignoble qui soit. On a beau connaître la chanson par cœur ("Moi très méchant, moi tuer ta femme et ton gosse, toi pas content, toi te venger en tuant moi à la fin"), on l'a rarement vu exécutée avec autant de justesse. Après le meurtre sanglant et larmoyant de ses proches, le rôdeur se retrouve frappé d'un sort inhabituellement glauque et misérable: condamné à vivre, il n'aura d'autre choix que de se venger de ses bourreaux, aidé en cela par un mystérieux esprit elfique ayant été lui aussi confiné à l'espace entre la vie et la mort.
Une chose qui m'ait immédiatement séduit est le cadre dans lequel se déroule l'action du jeu, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que du Mordor lui-même ! Se situant quelques temps après la défaite de Sauron au tout début de La Communauté de l'Anneau, l'intrigue nous présente ses terres investies par les armées du Gondor, peu avant d'être reprises par les sinistres capitaines de Sauron (les responsables du massacre de la famille du héros). C'est donc sur cette fameuse "terre dévastée et stérile, recouverte de braises, de cendres et de poussière" que votre personnage se réveille, piégé au milieu de centaines de hordes d'Uruks déversant leur présence malveillante aux quatre coins de la carte. Certes, l'univers du Seigneur des Anneaux n'est pas connu pour son aspect enfantin, mais de là à se retrouver coincé en territoire ennemi avec le spectre d'un elfe pour seul compagnie, il y a deux poids deux mesures ! Même la musique, indispensable pour tout amateur de l'univers qui se respecte, retranscrit une atmosphère sombre, lourde et inquiétante, inhabituelle pour une adaptation et parfaitement représentative du sort peu enviable qui frappe le héros.
Exit donc les PNJ amicaux (ceux-ci sont extrêmement rares), l'ambiance rassurante ou les terrains neutres servant de havre de paix, vous serez livré à vous-même dans un milieu hostile où tout ou presque cherche à vous tuer. Outre les Uruks prêts à se jeter sur vous par paquets de 10, il vous faudra notamment vous tenir à distance de créatures monstrueuses, tels que les féroces Caragors (cousins des Wargs) ou les monstrueux Graugs (sorte de Trolls cornus et plus gros); jusqu'à-ce que vous atteigniez un niveau suffisant pour devenir vous-même une menace plus terrifiante que celles que vous affrontez.
Et c'est là que les choses deviennent intéressantes.
Imaginez-vous un seul instant dans la peau d'un esprit vengeur aux pouvoirs illimités, semant la terreur dans le cœur de vos ennemis, à tel point que ceux-ci finiront par murmurer votre nom avec effroi quand ils ne vous voient pas. Shadow of Mordor propose un gameplay riche à mi-chemin entre les séries Arkham et Assassin's Creed, vous garantissant un accès à une panoplie de coups divers et variés qui ne feront qu'une bouchée de vos adversaires. Sans oublier la fameuse exclusivité, le système Vendetta, permettant de baliser le moindre capitaine Orque vous ayant tué afin de prendre votre revanche à la partie suivante, ainsi que la possibilité de jouer des faiblesses de ceux-ci pour en venir à bout plus aisément.
Scénaristiquement, le jeu reste plus sage, malgré de nombreux clins d'œil bienvenus à l'univers de Tolkien. On sourira notamment de plaisir à l'apparition de visages bien connus
"Mon précieuuuux..."
ainsi qu'aux révélations du passé de Celebrimbor. Seule la fin demeure une véritable déception, avec un affrontement final aux antipodes de ce que l'on était en droit d'imaginer (surtout après une ouverture aussi magistrale) et un cliffhanger servant au mieux de prétexte à se procurer le DLC. Au passage celui-ci s’avérera encore plus jouissif, avec la possibilité de contrôler de nouveaux personnages, dompter de nouveaux animaux, maîtriser les épreuves à succès et SURTOUT
affronter Sauron en personne dans un final carrément explosif.
En définitive, Shadow of Mordor est un bon jeu, probablement le plus sombre et le plus atypique de l'univers Lord of the Rings, doublé d'un sympathique défouloir pour quiconque se revendique amateur de Beat 'em Up.
On a hâte de tester la suite.