LandStalker
7.9
LandStalker

Jeu de Climax Entertainment et Sega (1992Mega Drive)

Quand une difficulté aberrante vient gâcher une belle aventure ambitieuse

Après avoir offert le Tactical-RPG culte Shining Force à la Mégadrive, Climax rempile avec un jeu d’action-aventure censé tenir tête au mastodonte Zelda A Link to the Past de chez Nintendo. Réputé comme l’un des meilleurs jeux d’action-aventure de la Mégadrive, mes attentes le concernant étaient grandes, surtout que les ARPG de la 4ème génération constituent un milieu d’excellence dans lequel on ne finit pas sans raison. Autant vous le dire d’emblée, j’en ai été déçu et je vais attaquer tout de suite par le vif du sujet.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★☆☆☆☆☆



En bon Action-RPG en vue isométrique, Landstalker promet de longues balades en territoire sauvage et au sein de donjons malfamés avec des combats en temps réel, de la plate-forme de précision, des énigmes à résoudre… et absolument rien ne fonctionne comme il devrait. Commençons par le plus évident, le système de combat est terriblement rigide, en ne pouvant frapper au sol qu’en étant immobile. La seule bonne façon de jouer c’est de bien se positionner face à l’ennemi et d’attendre qu’il se suicide sur nos coups. Essayer des tactiques plus techniques et dynamiques est possible mais sera aussitôt et systématiquement lourdement sanctionné alors que la tactique ennuyeuse au possible marchera dans 95 % des cas et sera nécessaire pour ne pas trop dépenser nos items de soin sur les longs trajets pendant plus de la moitié du jeu.


Les combats n’en deviennent que peu palpitants, parfois frustrants avec des attaques à la portée et à la vitesse trop imprévisibles, or ils sont souvent imposés dans la progression, surtout au premier run avec beaucoup d’allers-retours imposés par le level-design, tout particulièrement dans les donjons où les respawns à chaque changement d’écran sont la norme. De plus, le patern des adversaires tourne vite en rond, quand ce ne sont pas tout simplement les mêmes ennemis en une demi-douzaine de versions similaires dans leur comportement, seuls quelques boss demandent une technique légèrement particulière et intéressante, mais ça ne va pas très loin. Ça reste jouable, ce n’est juste pas amusant et malheureusement ce n’est que le début des soucis.


Le système de progression du personnage est extrêmement linéaire, on acquiert des cœurs supplémentaires pour à la fois mieux encaisser mais aussi être plus puissant, un choix assez curieux puisque le gain de puissance n’a aucune justification mais passons. L’équipement acquis est quasi-systématiquement le même qu’avant en plus puissant, ne modifiant jamais notre façon de jouer. Ce n’est donc pas là qu’on trouvera une richesse compensant la rigidité du maniement ou encore son manque d’ergonomie avec ses déplacements en diagonale à la croix directionnelle sur son support original.


La vue isométrique combinée à un masque de collision imparfait rend les phases de plates-formes assez catastrophiques, il n’y a pas d’autres mots. On a énormément de mal à juger les distances et le fait de faire revenir le personnage en arrière lorsqu’il tombe dans des trous, plusieurs étages plus bas, devient vite un supplice. Il faut rajouter à ça l’espèce de moteur physique calamiteux avec les boulets et plates-formes mouvantes, assez récurrents, qui peuvent vite se désynchroniser ou ne plus correspondre à leur masque de collision réelle et empirer encore plus la situation de jeu. J’ai rarement été aussi frustré par de telles phases et si elles peuvent être relayées au rang de défis facultatifs, elles aussi s’imposent trop souvent.


Et plein d’autres problèmes très variés se posent en plus de tout ça. On peut facilement être bloqué en passant à côté d’un objet clef qui n’en avait pas l’air, et ces phases sont loin d’être rares ou facultatives. Beaucoup d’énigmes incontournables ne sont absolument pas logiques, l’exemple typique c’est les statues vertes qui des fois sont décoratives, des fois des interrupteurs, des fois des ennemis à vaincre, des fois des plates-formes tournantes… sans que rien ne nous l’indique. Il faut dire aussi que les énigmes ne sont certainement pas aidées par une traduction française officielle très moyenne, qui a au moins le mérite d’exister dirons-nous. Le level-design peut simplement être sadique gratuitement, comme quand une porte mène directement à un trou qui force à se retaper plusieurs salles sans intérêt. L’exploration peut vite être gênée par de grossiers murs invisibles là où l’expérimentation hasardeuse sera des fois très bien récompensée, mention spéciale aux escaliers invisibles.


Si on veut chercher du positif on peut tout de même en trouver un peu pour sauver le bilan ludique. On peut toujours saluer la générosité du contenu, même si on y exclut la perte de temps incroyable induite par la difficulté, un level-design dans les donjons qui peut avoir ses soudaines fulgurances avec des idées originales et ambitieuses, un sentiment de progression réelle sur ses statistiques au fil de l’aventure… Néanmoins, le gameplay est à mon sens un échec cuisant dans son exécution la plupart du temps. Il y a toujours moyen de s’en sortir avec beaucoup de patience et de sang-froid, mais ça n’en est pas moins un échec, heureusement principal reproche que je fais au titre qui profite de qualités toutes autres.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆



On retrouve un certain sens de la mise en scène dès l’intro en nous faisant courir devant un énorme boulet lancé à nos trousses, chevaucher un immense aigle battant de ses larges ailes… qui nous promet une belle aventure. Si ces moments seront assez rares une fois cette intro passée, il faut reconnaître que le jeu sait se donner a minima des airs de grande aventure de temps à autre par cette mise en scène, notamment sur ses moments clefs comme la présentation du boss final par exemple, en deux temps avec l’apparition brutale d’un sprite énorme donnant l’impression de pulvériser l’arène.


La palette de couleurs très vive rend le monde très chatoyant à l’occasion avec des villages où il y fait bon vivre, offrant ainsi de précieuses parenthèses relaxantes entre des donjons particulièrement anxiogènes aux couleurs froides très marquées. J’ai été notamment très impressionné par le rendu technique des flammes et des giclées de lave dans les derniers de ces donjons avec des mouvements à l’écran très convaincants. C’est sans doute l’une des plus grandes réussites visuelles du titre et ce n’est pas sans importance dans un jeu d’aventure de cette ambition.


La vue isométrique est surtout la possibilité de charger en détails des tableaux de petite taille avec des bâtiments superbement ornés de multiples décorations, des tenues de personnage très détaillés... pour propulser le titre parmi les meilleures démonstrations visuelles de la machine, sans doute l’une des raisons qui confèrent à ce jeu son statut culte. Par contre, il y a tout de même quelques limites à cet aspect avec des proportions parfois assez étranges avec des supposés grands arbres de notre taille, du recyclage de skins assez éhonté avec 3 PNJ identiques côte à côte, des ralentissements avec les plus grandes vagues d’ennemis… ce n’est pas non plus la perfection.


Le chara-design de notre protagoniste est assez élaboré et singulier, évoluant en plus au fil de l’aventure, et friday fait une petite mascotte très sympathique à ses côtés. Le design des ennemis peut vite être loufoque par contre et pas toujours à mon goût, même si les grands classiques de l’héroic-fantasy tels que les squelettes, hommes-lézards et compagnie rattrapent le truc à mes yeux. Entre quelques fulgurances, choix farfelus et grands classiques, pas de quoi crier au génie sur ce plan-là même si le travail est globalement satisfaisant à mes yeux.


L’OST composée par Motoaki Takenouchi sait être très entraînante la plupart du temps, peut-être même un peu trop avec des musiques bien énervées sur des phases d’exploration plutôt calmes dans les faits. Elle peut être mélancolique à l’occasion mais très marginalement, cette OST n’a pas beaucoup d’autres registres à proposer et certains thèmes se répéteront énormément. À côté de ça, le sound-design fait le job sans se distinguer particulièrement, en dehors de quelques bruitages qui finissent par traumatiser, le cri de Nigel à chacune de ses morts notamment. Le bilan visuel et sonore n’est donc pas formidable à mon sens, mais avec suffisamment de qualités pour que j’en retire une force importante du titre, il est temps d’aborder une autre de ces forces.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



L’univers de Landstalker est assez enfantin, c’est la première chose à savoir le concernant car c’est ce qui détermine la plupart de ses réussites et de ses limites. Par exemple, on est pourchassé au long du jeu par une bande d’antagonistes qui seront un running gag, toujours sur le point de nous attraper avant qu’un twist digne d’un cartoon les en empêche. On sauve une princesse enfermée dans un château et elle nous sort qu’elle a toujours rêvé d’un prince charmant volant à son secours avant de se faire kidnapper de nouveau. Ce genre de scène dégage une ambiance feel-good que j’ai plutôt bien apprécié, même si en décalage avec la difficulté souvent extrême du titre.


L’humour peut être assez bien trouvé, comme quand une gentille mamie nous demande un coup de main pour ranger ses étagères en transportant des jarres trop lourdes pour elle. Elle nous donne en récompense une somme parfaitement ridicule vu le système d’économie du jeu, mais c’est assez mignon. Évidemment, si on insiste à aider la mamie généreusement, on finira par avoir la vraie récompense au bout, ne récompensant donc pas tant le service rendu que le fait de le rendre sans en attendre grand-chose en retour, un message un peu niais mais bienveillant, à l’image du jeu.


Il y aura même quelques petites fulgurances avec des petites scènes mélancoliques s’insérant l’air de rien et avec beaucoup d’habileté dans cette ambiance insouciante et burlesque, mais c’est trop rare pour s’avérer digne de louanges. Je pense même à une scène en particulier qui a très bien réussi cet aspect mais qui est seule à avoir atteint ce niveau qualitatif. La plupart du temps, le récit se contentera de dédramatiser ses enjeux et de poursuivre son ambiance détendue sans chercher à aller au-delà, l’avantage c’est que la proposition est cohérente et assumée, la limite c’est que ça peut manquer d’intensité et de surprise.


Le déroulement narratif est assez simple dans l’ensemble : on arrive dans une ville habitée par une gentille population qui a un problème, on profite de notre passage pour leur rendre service pour le plaisir et ils nous récompensent généreusement. On est un gentil chasseur de trésor appâté par le gain mais aidant la veuve et l’orphelin au passage parce que ça fait tout de même plaisir d’être acclamé par la foule. Ça se suit assez facilement et gentiment et on a de temps en temps droit à une petite surprise, à un petit retournement de situation plutôt bienvenu, mais comme pour le dramatique c’est trop rare pour élever la réussite scénaristique sur un piédestal.


Une autre de ces limites c’est que Nigel manque cruellement de répartie, il a l’air d’avoir une attitude rebelle mais ça ne se sent que trop peu vu toutes les fois où il pourrait commenter l’action en ce sens mais reste curieusement muet. Je ne comprends pas pourquoi ils ne l’ont pas fait plus parler, dès qu’ils ont choisi de lui donner la parole ils auraient du en faire quelque-chose, c’est dommage parce que le potentiel était là. Le jeu a même pensé à rendre Friday utile dans les situations de jeu assez fréquemment en lui attribuant le rôle de distributeur automatique de soin, ce qui aide bien à appuyer la complicité entre les deux personnages dans le récit, mais les dialogues ne l’appuient pas suffisamment.



CONCLUSION : ★★★★★★☆☆☆☆



Plutôt réussi sur le plan visuel avec une 3D isométrique très convaincante techniquement, nous faisant évoluer dans un univers enfantin à l’ambiance détendue très appréciable, proposant un contenu généreux dans un monde assez riche en environnements diversifiés… Landstalker aurait pu être la grande aventure que j’attendais de lui si son gameplay n’avait pas été aussi mal calibré et sa difficulté si frustrante sur toutes ses composantes : plates-formes, combats, énigmes, exploration…. rien n’est réussi. C’est un point trop vital pour que je puisse l’ignorer, faisant de Landstalker une déception malgré ses autres qualités qui méritent tout de même d’être soulignées.

damon8671
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le 14 janv. 2021

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damon8671

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