Je ne dois pas être comme tout le monde, ou alors je suis chiant et je le fais exprès. Le nombre substantiel de 10/10 avec recommandation sur Sens Critique frise la démence car pour moi Life is Strange peut effectivement être considéré comme un bon jeu, à certains égards, mais surement pas un chef d'oeuvre. Question personnelle j'imagine, après tout, les goûts et les couleurs... Oui mais enfin quand même les gars, un chef d'oeuvre ? Sérieusement ?


Dans cet avis, je ne résumerai pas une nouvelle fois l'histoire. Ouvrez n'importe quel autre avis ou une page Wiki et vous aurez un bref résumé des aventures de Max Caufield : une gamine à l'université qui se découvre un pouvoir pour remonter le temps et ainsi sauver sa meilleure amie, Chloé, et changer le destin de la ville d'Arcadia Bay où elles résident avec leur famille. Le principe est intéressant sur papier et notamment le lieu dans lequel prend place cette histoire : l'université d'Arcadia Bay et ses alentours. C'est à mon sens original et change du postulat habituel d'un futur proche ou lointain dans lequel se déroule la plupart des histoires incluant la distorsion temporelle. Le déroulement scénaristique est encré dans le présent et les développeurs tout comme l'héroïne geek à ses heures perdues, nous le font bien comprendre grâce au décor "interactif": tablettes tactiles, smartphone, réseaux sociaux, chambres stéréotypées d'adolescents dans les dortoirs... Ces éléments servent en grande partie à approfondir l'univers du jeu car à chaque interaction Max nous gratifie d'un commentaire, d'une pensée. Sympathique mais cela reste complètement gadget et dispensable. Les réflexions de la belle finissent à la longue par soûler. L'univers posé, j'ai rapidement compris que Life is Strange ne s'adressait pas à un vieux comme moi mais plutôt aux adolescents ou aux jeunes adultes qui peuvent s'identifier aux divers personnages, à leurs questions, doutes... Rajoutez à cette recette parfaitement calibrée, des adolescentes sexy en maillot de bain qui s'introduisent tard la nuit dans une piscine et qui s'embrassent ou qui se font des petits câlins "amis" dans le plumard afin de sexualiser ni vu ni connu une histoire qui en manque désespérément. D'où l'immense succès sur Steam de ce petit jeu développé par le studio français DontNod.


Mais personnellement, on n'y croit pas. Les personnages sont trop caricaturaux et proposent des rôles trop convenus, déjà vus et ennuyeux : la geek mélancolique, la folle droguée, la méchante riche et son copain tout aussi riche et violent parce que papa l'aimait pas, l'intello en chimie qui s'affirme, la catho déprimée et réservée sans amis... On s'ennuie ferme devant les déboires de ces adolescents virtuels. Par exemple je n'arrive pas à éprouver une once d'empathie pour Maxine, l'héroïne du jeu qu'on se coltine durant l'intégralité de l'aventure. Trop gentille, trop avenante, trop altruiste, trop sensible, trop sincère, trop mature... Cette fille est une coquille vide qui développe tout au long du jeu une personnalité irréelle et surfaite de série américaine pour teens en quête d'identité. Chloé est son alter ego inverse. Elle est irresponsable, impulsive, excentrique... Dans la vraie vie, ces deux filles ne pourraient absolument pas s'entendre, c'est une évidence. En revanche, je n'ai pas compris où voulez en venir le studio avec l'homosexualité supposée de Max et Chloé. Exciter le geek en rûte devant son PC ? Bref, il n'y a pas de demi-mesure dans Life is Strange même si quelques éléments scénaristiques viennent parfois nuancer la donne. On peut penser à Nathan notamment dont l'épisode 5 délivre des informations inattendues. Dans la lignée des personnages irréels et dont on ne croit pas une seconde, il y a évidemment le professeur Jefferson (dont je ne dévoilerai rien ici ) qui détient la palme du bon gros n'importe quoi ! Le décalage entre ce que l'on a sous les yeux et le rôle que lui attribue les développeurs à partir de la fin de l'épisode 4 est grotesque.


De plus, j'ai trouvé que le scénario charge trop souvent la mule en ce qui concerne les émotions. Ils en font trop et tentent, à grand renfort de dialogues emphatiques sur l'amitié et l'amour, de vous faire chialer. C'est lourd ! Les conversations entre Chloé et Max tout au long de l'aventure en sont des exemples probants. La parenthèse malheureuse sur la vie alternative de Chloé est poignante, c'est selon moi, la partie la plus intéressante de l'histoire. Le scénario malgré de nombreuses incohérences tient en haleine jusqu'au bout. Le suspense est bien maintenu et on veut comprendre comment Max va se sortir de ce merdier même si les nombreux allers-retours dans le temps dans le dernier segment viennent, selon moi, brouiller un peu l'ensemble.


D'un point de vu technique, les développeurs ont tenté un mixte étrange entre graphismes réalistes et cartoon. Cela donne du bon et du mauvais. Du bon, sur les décors de la ville, de l'université (vus de loin) ou des chambres dans les dortoirs très bien réalisées. Les jeux de lumière sont très réussis et les décors enchanteurs. Super level design, rien à dire. En revanche, les personnages ont des gueules de merde qu'on croirait en cours d'achèvement... Mention spéciale aux yeux vides et aux coupes de cheveux avec mèches bananes ! Le contour des textures est imprécis et flou. De près certaines textures sont vraiment immondes. Life is Strange possède également des animations rigides lors des nombreuses cinématiques, ambiance poupées tirées par des fils de fer. Le jeu se targue de vouloir véhiculer des émotions aux joueurs mais les personnages n'en affichent aucune. Les visages sont vides d'émotion, impassibles... Un comble quand même. Si, ils rajoutent la larmichette sur les joues mais ça ne suffit pas si le visage ne bronche pas. La réalisation visuelle est mitigée par contre l'ambiance sonore est quant à elle de très bonne qualité. Constituée en grande partie de balades à la guitare sèche, en mode adolescent qui médite dans sa chambre sur son avenir. Je caricature mais c'est vraiment ça. L'effet produit est intéressant et j'ajouterai même que ça marche. Les musiques collent parfaitement à l'univers crée par DontNod. Du bon boulot !


Pour conclure, je mets 7/10 parce que malgré tous ces défauts Life is Strange est bourré de bonnes intentions : celles de bien faire, de réaliser un jeu différent des autres, avec un scénario assez fouillé, des personnages au background travaillé et à un prix relativement bas. Dès lors, pourquoi s'en priver ? Mais je maintiens que le coeur de cible de Life is Strange est l'adolescent moyen, ce que je ne suis plus depuis longtemps. Le charme n'a pas complètement opéré, c'est ainsi.

silaxe
7
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le 18 déc. 2015

Critique lue 501 fois

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silaxe

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