Hôtel gentillement hanté

La sortie du premier Luigi’s Mansion sur GameCube aura surpris plus d’un observateur. Non seulement la console ne disposait pas d’un Mario à son lancement, mais en plus il fallait aller le secourir et cette fois c’était Luigi qui avait la vedette, bien malgré lui.

Pour bien des joueurs, le jeu apparaissait comme un titre de transition avant le grand retour du plombier moustachu avec Super Mario Sunshine moins d’un an après. D’ailleurs tous deux se fondent sur l’utilisation d’un appareil bien spécial, pour Mario il s’agit de JET qui recrache de l’eau, pour Luigi d’un aspirateur qui sera bien pratique pour avaler fantômes et autres éléments du décor. L’un est ensoleillé, l’autre est nocturne. Au petit jeu des comparaisons Luigi’s Mansion et Super Mario Sunshine sont à l’image de leurs protagonistes, différents mais frères.

Cependant, la quête de Luigi pour retrouver Mario dans un manoir hanté de (gentils) fantômes n’avait pas la même ampleur, se terminant assez vite. Mais le jeu était rempli de secrets et l’univers noir mais enfantin incitait le joueur à y rejouer, pour le plaisir ou pour améliorer son score. Le jeu avait un charme fou, et sa maniabilité basée sur l’aspirateur était bien trouvée, obligeant le joueur à utiliser le nouveau second stick de la manette, une bonne initiation à une époque où son usage commençait juste à se démocratiser.

Outre quelques clins d’œils dans d’autres jeux, Luigi’s Mansion aura droit une suite en 2013 sur Nintendo 3DS tandis que cette même console accueillit un portage du premier en 2018 avec quelques ajouts. Luigi’s Mansion était donc devenue une licence à part entière de Nintendo, pas une expérience isolée, que la compagnie allait pouvoir développer.

C’est sur sa dernière console que sort le troisième volume des aventures de Luigi, confiée comme pour le deuxième à Next Level Games, partenaire régulier de Nintendo avec sa série des Mario Smashers ou du dernier Punch-Out sur Wii. Il est une nouvelle fois question de Luigi jouant de l’aspirateur, dans un environnement faussement macabre qui fera plus peur au plombier en salopette verte qu’au joueur.

C’est toutefois dans un grand hôtel au charme désuet que l’aventure prend place, certes envahie de créatures octoplasmiques, sur la base d'un scénario anecdotique. La progression est assez simple, Luigi devra retrouver le bouton d’ascenseur de tel niveau avant de pouvoir accéder à celui-ci et le parcourir.

Mais ce n’est pas n’importe quel hôtel, car la plupart de ses étages sont à thèmes. Et si le joueur devra traverser aussi bien des chambres qu’une laverie, il découvrira ainsi un étage sportif qu’un autre d’inspiration égyptienne, ou encore pirate, ou encore dans un musée. Ces environnements différents apportent une variété bienvenue, le soin du détail est toujours bien vu, malgré toute la fantaisie d’une telle disposition.

Il est par contre regrettable que tous ces étages n’aient pas la même attention, certains se parcourant bien trop vite, tandis que d’autres occuperont bien plus longtemps. Peut-être s’agit-il d’une volonté de surprendre le joueur, mais celui-ci se montre bien plus déçu que tel environnement ne réponde pas aux mêmes promesses qu’un autre.

Il y a aussi un certain systématisme qui pourra agacer, le jeu étant à cheval entre le monde ouvert du premier et les environnements plus fermés du second. Mais au final il s’agit toujours (ou presque) d’aller chercher le bouton d’ascenseur du niveau suivant. Quelques énigmes sont bien présentes, mais ne seront guère difficiles pour le joueur un peu plus expérimenté. Les possibilités de Luigi étant les mêmes du début à la fin (à part un ajout plutôt dispensable), il y a même une certaine répétitivité à utiliser les mêmes possibilités offertes par le jeu devant tel nouveau élément découvert. Seule la complétude à aller dénicher tous les secrets du jeu pousse à refaire les niveaux par la suite, mais on est loin de la culture du mystère déployé dans le premier, où une salle secrète était toujours un plaisir à découvrir. Ici la carte indiquera son existence, tandis que l’argent coule à flots, pour mieux récompenser le joueur là où il était précédemment une récompense moins facilement attribuée.

Heureusement, face à cette progression qui peine à se renouveler, le parcours de Luigi se heurte à des affrontements contre des boss. Imaginatifs et remplis de bonnes idées, ils obligent le joueur à utiliser toutes les possibilités, à accepter l’échec pour mieux revenir avec une nouvelle idée. Leur allure excentrique mais en phase avec leur étage est de plus un régal, à l’image du vigile ou du pianiste par exemple.

Face à eux, la maniabilité du titre ne pose guère de problèmes. C’est moins le cas lors des phases d’exploration. Viser avec l’aspirateur se fait avec le deuxième stick ou la visée gyroscopique (en bougeant la manette), avec un manque de précision tout de même regrettable, et dans certains situations agaçants. Il est possible de brancher une manette GameCube avec l’adaptateur pour retrouver les sensations du premier, et c’est un régal, bien plus précis, mais c’est en perdant l’emploi d’un bouton, hélas. Une manette pro fera l’affaire, mais il faut en faire l’acquisition.

Alors, oui, j’avoue à ce stade de la critique que mon attachement au premier me fait regretter certaines directions prises. Mais je ne peux que saluer son inclusion de la coopération. Ce troisième volet introduit un double en gélatine, le bien nommé Gluigi. En solitaire il est possible de passer de l’un à l’autre. Mais à deux chacun incarne un « Luigi ». Certains niveaux exploitent assez bien la coopération. Le charme du jeu peut entraîner certaines personnes habituellement réfractaires à partager l’aventure, même si le problème du deuxième stick est encore plus difficile pour tout débutant.

Le jeu inclut aussi des mini-jeux à faire à plusieurs, assez anecdotiques, et un mode online, non testé.

J’avoue donc avoir été un peu déçu, en tant que grand admirateur du premier, qui me semble bien supérieur. Mais en en faisant un titre plus accessible, sans grandes difficultés, dans un univers peut-être moins sombre mais malgré tout enchanteur, il s’est ouvert à un nouveau public, me permettant de passer de bons moments sur mon canapé avec ma partenaire de jeu. Tant pis si je ne suis plus le public, ou si je suis tout simplement devenu trop vieux, Luigi’s Mansion 3 reste malgré ses imperfections un titre de qualité.