Les œuvres super-héroïques se multiplient à notre époque, pour le meilleur comme pour le pire. Parfois des bonnes surprises surviennent, souvent on oublie le déroulement du film quelques jours plus tard car il s’est contenté de suivre un cahier des charges éculé de poncifs. Quelles sont les références restantes alors ? Superman, Batman et Spider-Man restent de loin les super-héros les plus connus, DC et Marvel confondus. D’aucuns prétendent qu’il est plus facile de s’identifier à Batman qu’à Superman : là où Superman représente une incarnation presque « divine » et « sans défaut » de l’idéal héroïque, on dit que Batman est plus « humain » et « terre à terre ». Alors, j’aime bien Batman et les histoires liées au personnage, mais un milliardaire expert en technologie, excellent détective et maître des arts martiaux n’est pas ce qu’il y a de plus « réaliste » pour moi. Je me suis rabattu par « défaut » sur Spider-Man. Il est le héros des quartiers, le jeune homme plein de problèmes, bref, un personnage auquel on s’identifie facilement.


Comme beaucoup de personnes de ma génération, j’ai découvert le personnage avec la trilogie de Sam Raimi. Ils restent pour moi ce qui s’est fait de mieux en termes d’adaptation (oui, même le trois injustement sous-estimé), tant pour sa narration efficace, la fluidité de sa mise en scène, ses musiques parfaites, la profondeur de ses thématiques ou encore l’écriture de ses personnages et surtout de ses méchants (Docteur Octopus et l’Homme-Sable en particulier). Autant avouer que The Amazing Spider-Man ne m’a pas plus, surtout l’horrible deuxième opus, et que le personnage interprété par Tom Holland ne m’a pas donné envie d’en voir davantage après l’avoir aperçu dans les films du MCU.


Qu’en est-il des jeux vidéos ? Par identification, beaucoup ont toujours rêvé d’incarner le personnage, manette en main, et il a été décliné maintes et maintes fois. Indéniablement, il aura profité de la 3D pour se développer au travers des mondes ouverts, tissant sa toile dans un Manhattan de mieux en mieux rendu. Fan des films originaux, ma première expérience fut Spider-Man 2, très bon jeu par ailleurs, suivi par Ultimate Spider-Man. Là je découvrais une autre version des personnages, notamment un Eddie Brock sombre et torturé. Seulement, voilà, par la suite, les jeux suivants semblent avoir suivi le chemin des films en ne retenant que la partie superficielle du personnage. Certes Le Règne des Ombres constituait un bon divertissement, mais il dégoulinait quand même de fan-service, entre la présence excessive des symbiotes (dont la possibilité d’incarner et de se fondre dans le costume noir) et de personnages tels que Wolverine et Luke Cage. La philosophie sera similaire avec Spider-Man Dimensions qui permet d’incarner quatre personnages et qui s’avère dynamique malgré sa linéarité. Ces deux jeux-là manquaient cruellement de profondeur… Oui Spider-Man fait des blagues, mais ce n’est pas l’essence du personnage.


Et puis est arrivé cet opus tant attendu. La surprise m’a frappé d’emblée… Ce doit être la meilleure chose qui soit arrivée à Spider-Man depuis les films de Sam Raimi ! Jamais on n’a autant eu l’impression d’être Spider-Man : les déplacements en toile sont d’une fluidité exceptionnelle, les graphismes sont extrêmement beaux et la mise en scène appuie cette sensation agrémentée d’une musique faisant agréablement penser aux premiers films. Hormis les phases avec Mary Jane et Miles Moralès, nous sommes en mouvement perpétuel. Quel plaisir de se balancer de toit en toit, de bondir depuis le ciel, de réaliser des figures acrobatiques entre les bâtiments ! Les combats contribuent à cette immersion totale, grâce à la variété de coups disponibles ainsi que les gadgets très pratiques face à des ennemis plus coriaces qu’ils n’y paraissent.


Une variété d’activités sont proposées afin de progresser dans le jeu. Hélas, la répétitivité se fait sentir après une quinzaine d’heures (pour un jeu qui a une durée de vingt-cinq, ça passe encore). Il y a bien sûr des tentatives de disperser ce qui est proposé. Prises d’otage, malfrats à taper, sacs à récupérer, tours à réparer, spectres à construire, nombreuses sont les possibilités. Mais voilà, même les meilleurs développeurs rencontrent des limites pour leurs idées. Trop de crimes jonchaient la ville vers la dernière partie du jeu, si bien j’étais obligé de tourner en rond dans les quartiers pour toutes les achever.


Mais j’ai été assez mauvaise langue. Ce qui fait la force de cet opus, c’est son immense respect et sa qualité d’adaptation de la mythologie Spider-Man. Chaque personnage a été savamment modernisé et particularisé au contexte. Peter Parker, malgré ses années d’expérience, reste le jeune homme attachant et tiraillé entre tous ses besoins. Ici il est défini au travers de ses relations avec chacun des personnages. Avec Mary Jane pour commencer, avec qui il possède une affinité naturelle : ce doit être la meilleure version du personnage, enfin elle ose prendre des risques, enfin elle a une bonne utilité dans l’histoire ! Tante May aussi ne se contente pas de donner des conseils à Peter et s’implique dans un orphelinat telle une mécène. Yuri Watanabe, que je découvre pour la première fois, est aussi sympathique et possède une bonne affinité avec Spider-Man, même si l’inspiration Gordon se fait clairement sentir. Miles Moralès est aussi très bien intégré dans l’histoire et se distingue bien du protagoniste, remarquable pour une première introduction dans le monde vidéoludique du personnage.


Que serait Spider-Man sans ces fameux ennemis ? On croise évidemment les plus connus tels que Wilson Fisk, Rhino, Scorpion et autres, mais aussi certains dont je n’avais jamais entendu parler comme Screwball aka la maître chanteuse des réseaux sociaux et Tombstone l’albinos vénère. Des présences d’antagonistes se révèlent aussi plus subtiles, comme Norman Osborn qui n’étonne pas par son absence de sympathie, ou Silver Sable qui se révèle difficile à cerner.


Impossible d’oublier Martin Li et Otto Octavius. Non seulement ils sont les principaux méchants de cet opus, mais selon moi, ils sont les deux personnages les mieux écrits et interprétés. Martin Li, philantrope aidant les pauvres, se transforme bien vite en Mister Négative, assoiffé de vengeance, dont les deux personnalités demeurent en lutte perpétuelle. L’évolution d’Octavius est bien plus subtile : une progressive descente aux enfers. C’était un homme soucieux du bien et débordant d’imagination. Malheureusement, sans le soutien permanent de Peter, trop occupé dans son rôle de Spider-Man, sa haine de Norman Obsorn l’aveugle et il devient Octopus. Au fond, c’est cette haine que partagent Li et Octavius qui les rassemblent pour un combat final intense à défaut d’être difficile.


Ce Spider-Man est donc doté d’un scénario efficace à défaut d’être révolutionnaire. Mais après s’être tapé des films et des jeux sans enjeux véritables, il est bon de voir que le drame et des thématiques sérieuses peuvent se concilier avec l’esprit tantôt trop « rigolo » de Spider-Man. L’histoire principale occupe d’ailleurs une place suffisante dans la progression du jeu et possède la bonne longueur pour trouver un bon compromis entre rythme et contenu.


Il y a même certains partis pris « osés » dans le déroulement de l’histoire. La mission « hallucinogène » quand Spider-Man est empoisonné, laissant Octopus le faire culpabiliser, est une réussite, sans parler des rebondissements brillants tel que Norman responsable de la mort des parents de Li ou encore le fait que Harry ait été « prisonnier » de son père tout le long du jeu.


Ce jeu est sans conteste le meilleur Spider-Man à mes yeux. Merci pour ces heures de frisson, merci d’avoir fait renaître la licence, et je nourris désormais l’histoire d’une suite tout autant à la hauteur !

Saidor
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le 18 nov. 2018

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