Avant de commencer la critique, un peu de contexte quant à l'approche que j'ai pu avoir sur le jeu : Mary Skelters Nightmare était un jeu que j'attendais au tournant. Après l'imparfaite mais très bonne surprise qu'était Trillion God of Destruction, j'avais beaucoup d'espoir pour le second titre développé par cette équipe interne de Compile Heart, regroupant beaucoup d'anciens derrière les premiers Disgaea. Plus classique que son prédécésseur, ce Dungeon-RPG cherche néanmoins à se démarquer de la concurrence tant au niveau de ses mécaniques de jeu que son esthétique. Et comme pour Trillion, le tout entraîne son lot de qualités et de défauts notables.


L'histoire prend place dans un Tokyo dévasté, désormais six pieds sous terre et surplombé par une immense tour vivante et consciente. Loin de se contenter de faire partie du décor, la tour regorge de monstruosités en tout genre, qui ont vite pris possession des environs, ne laissant à l'humanité qu'un piètre quartieren piteux état pour organiser une résistance. Les deux protagonistes, Jack et Alice, sont prisonniers au sein de cette tour et torturés quotidiennement. Ils sont cependant libérés par une étrange inconnue, et se retrouvent vite impliqués dans la résistance contre la menace dans l'espoir de pouvoir un jour retrouver la surface avant que cette prison ait raison d'eux.



Donjons Dangeureux mais Donjons Vides



Le jeu se joue comme un Dungeon RPG classique à la première personne : vous explorez les donjons case par case alors qu'une minimap traque votre progression. Ils gagnent petit à petit en largeur, pouvant devenir absolument massifs dans les derniers environnements. Ces derniers sont parsementés de trésors, points de collecte randomisés, pièges et obstacles. Chaque donjon dispose d'une construction spécifique, offrant en diversité. En plus des traditionnels pics, certains des éléments ne peuvent être interagis qu'avec l'aide de certaines héroïnes : chacune d'entre elles offre une interaction spécifique à l'intérieur du donjon. Certaines permettent d'accéder à volonté à un point de sauvegarde, d'autres permettent de détruire des obstacles ou accéder à des chemins supplémentaires. Les héroïnes intégrant une à une votre équipe au cours du jeu, chaque ajout permet d'explorer plus profondément les donjons précédents. Le jeu réussit à attiser notre curiosité en étendant à chaque fois un peu plus le champ des possibles. Cependant, cela perd progressivement en intérêt quand on se rend compte à quel point l'exploration est peu rémunérative. La quasi-totalité des trésors offre de l'équipement en deça de votre niveau actuelle, et vous vous retrouvez vite submegés d'objets de soin en tout genre, à tel point que vous êtes en permanence en train de combattre avec la taille limite de votre inventaire. De plus, les donjons regorgent de cul-de-sacs en tout genre qui peuvent rendre l'exploration pénible à la longue.


Cependant, la plus grosse particularité des donjons résident dans les Nightmares : ces boss rôdent à travers le donjon en temps réel, obscurcissant considérablement leurs environs. Si jamais ils vous détectent, ils commenceront à vous traquer et vous devrez alors les fuir aussi vite que possible. Lors de ces séquences, vous perdez notamment accès à votre minimap et devenez incapable d'accéder au menu, rendant ces séances particulièrement stressantes. S'il vous rattrape ou vous coince, vous pourrez toujours tenter d'affronter le monstre. Vous ne pourrez cependant au mieux que le sonner un court instant, car ils sont invincibles jusqu'à la fin du donjon. Aussi, ils continueront à vous traquer et pire encore vous attaquer si jamais vous avez le malheur d'avoir une rencontre aléatoire à un moment aussi critique. Qui plus est, si vous prenez trop de temps à choisir vos actions en combat, ce dernier pourra prendre l'initiative et pilonner rapidement votre équipe.


Les Nightmare sont probablement les meilleurs passages dans l'exploration : ils apportent une dose de stress et une anxiété constante quand ils sont proches. Comme il n'est pas possible de déterminer précisément leur position dans le donjon, on est toujours en doute de savoir si nous n'allons pas nous retrouver forcé de se confronter à eux. Une fois la poursuite lancée, le jeu devient frénétique, alors que vous tentez désespérément de fuir la monstruosité. De plus, l'absence de minimap nous entraîne souvent dans des voies sans issue, permettant au Nightmare de vous cerner. Ces séquences perdent cependant en impact avec le temps, vu qu'on trouve vite des combines permettant de semer les Nightmare en abusant des obstacles du donjon. Dommage, car il s'agit là des séquences les plus intéressantes du jeu. Elles gardent néanmoins leur tension quand un Nightmare nous prend en chasse dans une section encore inexplorée du donjon.



Idées novatrices mais équilibrage décevant



Les combats sont relativement classiques, mais non sans idées innovantes : Jusqu'à 5 héroïnes peuvent combattre en même temps, et celles en réserve peuvent apporter des bonus passifs aux membres actifs, comme des régénrations ponctuelles ou des assauts supplémentaires. Chaque compétence nécessite un certain prix en points de magie à quelques rares exceptions. Vous devez gérer votre pool de PM afin d'avancer au mieux dans le donjon tout en remportant la victoire lors des combats. Si Jack participe également à la bataille, seules les héroïnes cependant seront capables d'attaquer vos adversaires, le héros prenant plus le rôle de support. En supplément des traditionnels PV et PM, chaque héroïne peut accumuler le sang déversé par vos adversaires quand vous exploitez leurs faiblesses ou infligez de lourds dommages. Une fois pleinement chargée, l'héroïne se transformera automatiquement en une forme secondaire, plus puissante et permettant d'utiliser de compétences pendant quelques tours. Cette transformation n'est cependant pas sans risques. à chaque coup reçu ou mort d'une alliée, vos héroïnes gagnent en corruption, représentée par la couleur du sang accumulée. Si celle-ci est trop importante lors de la transformation, elles risquent d'accéder à une nouvelle forme aussi redoutable pour vous que vos adversaires. Prises de folie, elles attaqueront indistinctivement ennemis et alliés avec une force colossale. C'esi ici que Jack rentre en scène : s'il ne peut pas combattre, il est cependant le seul capable de réguler la corruption de vos alliées. En usant de son propre sang, il peut réduire à 0 la corruption d'une alliée. Attention cependant à ne pas en abuser, car Jack risque de tomber dans le coma en abusant de son sang à droite à gauche. Il peut également utiliser des objets, recharger sa réserve en sang et prendre quelques coups à la place des combattantes. D'autres compétences sont débloquées au fur et à mesure du jeu, permettant même de recharger les PM des héroïnes.


Chaque héroïne appartient à un des 5 groupes de 5 classes disponibles. Chacune d'elles offre un lot de compétences actives, modifie légèrement vos statistiques et donnent accès à des passifs uniques. Le joueur peut acquérir les compétences actives via une ressource incrémentée à chaque niveau gagné, et celles-ci peuvent être équipées à tout moment quelle que soit la classe, à l'inverse des passifs qui eux ne peuvent se transmettre. Les classes sont relativement classiques, avec les classiques guerriers, paladins, magiciens et autres. Chacune cherche généralement à remplir un rôle spécifique, que ce soit le débuff, l'usage d'objets ou la protection des alliés. Certaines cependant jouent sur les mécaniques spécifiques au jeu, permettant de réguler la quantité de sang déversée par vos ennemis ou de jouer sur la réserve de sang du protagoniste. Elles sont cependant assez peu nombreuses et pas toujours très utiles. Les classes souffrent notamment d'un problème d'équilibrage en général, certaines n'offrant que très peu d'avantages ou étant totalement surclassées par d'autres. Le jeu perd beaucoup en potentiel de customisation, le plaçant en dessous des ténors du genre comme Dungeon Travelers ou Stranger of Sword City. Les batailles manquent aussi d'originalité à cause d'ennemis qui se ressemblent trop et des stratégies trop souvent utilisables. Le mode difficile pourra néanmoins offrir un challenge conséquent nécessitant réflexion sur la composition de notre équipe. Dommage néanmoins que le jeu peine à se diversifier par la suite.



Perle visuelle



Le jeu puise tout son univers graphique dans les contes de fées, les donjons pouvant être explorés sont tous inspirés de contes spécifiques et disposent d'environnements distincts les uns des autres. Les personnages pouvant recruter suivent également ce schéma, car chacune des membres de votre équipe est inspirée d'une héroïne de conte, allant de Alice aux pays des merveilles à Cendrillon passant entre autres par Gretel et Kaguya. Mary Skelters Nightmare brille par son Chara Design par Nanameda Kei. Déjà responsable de Trillion God of Destruction, il réussit à faire une encore meilleure performance pour les protagonistes, avec des designs très riches en références aux contes de fées dont sont inspirés les personnages. Voici notamment quelques exemples avec les détails associés à ceux-ci :



Au delà de leurs designs, les personnages sont assez classiques dans leurs personnalités, mais se différencient fortement les uns des autres. De plus, la plupart de leurs traits de personnalité sont ancrés dans leurs contes d'origine. Chaque personnage dispose d'un développement via des conversations secondaires, mais certaines des héroïnes (notamment Gretel et Kaguya) sont également développées au cours de l'intrigue et offrent les meilleurs moments d'écriture du jeu. Red Riding Hood dipose également d'un passage particulièrement fort dans ses conversations secondaires qui vaut le coup d'oeil. Toutes les héroïnes n'arrivent cependant pas à la cheville de celle-ci.


Mais là où le jeu échoue tout particulièrement, c'est dans le fil rouge de l'intrigue. Le jeu met en place dès le début un problème au sein de la résistance, que tout le monde n'est pas digne de confiance dans cette institution. Certaines organisations sont réduites à abuser de mensonges utiles pour pouvoir rassurer les survivants et éviter la débâcle, notamment une étrange religion presque sectaire qu'ne partie des survivants tient en adoration. Si autant ces concepts-ci sont intéressants, la plus grosse 'surprise' du scénario est mise en place beaucoup trop en amont et la réponse est tout simplement évidente. Et pourtant le jeu n'en démordra pas et continuera d'assumer un rythme plus que lent avant que ne vienne le fameux twist que tout le monde a vu arriver des heures en avance.Et quand elle arrive enfin, elle s'enlise dans un renversement qui vire au ridicule tellement des éléments de scénario semblent sortir de nulle part, mêlant alors l'ultra prévisible et le grand n'importe quoi dans un grand échec d'écriture. Heureusement que le jeu dispose de quelques moments réussis et que ses héroïnes sont attachantes. Un dernier mot sur les conversations secondaires avec les héroïnes, elles tendent à suivre un schéma très similaire pour chacune d'entre elles les rendant plutôt répétitives.


Concernant la bande-son : elle manque de variété, la faute à une instrumentation qui varie très peu, mais fait son travail. Le thème des boss standards est une bonne réussite et celui des combats pour la première partie du jeu fait également son office. Dommage que nous ne retrouvons pas le concept des OSTs spécifiques aux personnages présents dans Trillion God of Destruction.


Pour conclure, Mary Skelters Nightmare est un Dungeon RPG qui cherche à se démarquer de la concurrence de part son esthétique, son univers et ses spécificités de gameplay. Cet ensemble cohésif réussit à donner au jeu sa propre identité et le démarque du lot. Cependant, la formule est loin d'être parfaite et le résultat s'avère moins original et poignant que ce que proposait Trillion. Certains concepts comme la course-poursuite des Nightmare auraient gagné à être développés plus en profondeur pour éviter de perdre en intérêt avec le temps. La gestion des récompenses pour l'exploration aurait dû être réétudiée afin de rendre les donjons plus intéressants notamment en fin de jeu. Il est un peu à la traîne pour un Dungeon-RPG avec une customisation décevante et une variété limitée, résultat d'une tentative de rendre le jeu plus accessible. C'est pourquoi je recommande le jeu plus particulièrement aux débutants voulant se lancer dans le genre du dungeon RPG sans se frotter à des mécaniques punitives à la Stranger of Sword City, tout en conservant une forte identité visuelle et un bon nombre d'idées intéressantes.

Souv
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le 22 févr. 2018

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