Dans quelques années (environ 150), lorsque l'Homme aura poussé sa progression technologique suffisamment pour aller toucher Mars et Pluton (et j'imagine se faire cramer la gueule avec une troisième guerre mondiale apocalyptique), des scientifiques découvriront les vestiges d'une civilisation disparue ; les relais cosmodésiques laissés par les prothéens*. Ces relais seront l'occasion pour l'humanité de quitter son berceau pour traverser la Voix Lactée et entrer en contact avec une première race alien, les Turiens...et se faire massacrer pendant la Guerre du Premier Contact. S'il est important de préciser cela, c'est parce que le jeu nous place dans une position relativement fraiche; les êtres humains ne sont pas les rois de l'Univers, mais les derniers arrivés.


Dans ce contexte, Mass Effect nous place aux commandes d'une femme ou d'un homme exceptionnel(le), Shepard, commandant de l'Alliance humaine et héros en devenir pour des billions d'êtres. Le jeu nous laisse choisir quelques détails comme dans la plupart des RPG occidentaux ; le sexe, la classe, le visage et un peu de background (l'origine et les états de service). On peut noter que le moteur de création, s'il n'est pas dégueulasse, n'est pas non plus un modèle de permissivité et d'ailleurs, il n'est pas rare de créer un personnage qu'on imagine plutôt beau et qui à la première cinématique, éclairé sous un autre angle, ne ressemble plus à grand chose. Heureusement, les modèle préétablis ont du cachet et chose rare, d'ores et déjà une personnalité et une voix qui feront que malgré la personnalisation, Bioware a réussi à créer des héros charismatiques qui prennent du galon au fil de l'aventure que l'on va modeler. C'est le héros du joueur, mais il aura toujours sa position de leader du SR1 normandy, ses capacités de soldats, ses dialogues influençables et ouverture vers des relations amoureuses diverses.


C'est déjà le premier point qui sera important pour Mass Effect et ses deux suites. Mass Effect est pré-écrit, avec un début et une fin qui ne changeront pas. En revanche des dizaines de détails seront modelés par le joueur à travers les dialogues, l'un des pans principaux de gameplay. Mass Effect est un jeu très bavard qui expose son univers vaste et très (très (très)) fouillé grâce à des discussions qui déjà ont l'avantage de nous rendre des heures de cinématiques interactives sans user de tapotage de boutons du pauvre (oui je hais les QTE). Dans la foulée, cela nous donne aussi vraiment l'impression d'être dans la peau du personnage qui ne maîtrise pas 100% de sa vie, mais qui à son échelle peut se permettre de s'exprimer comme il veut. Mass Effect est à ce propos l'un des rares jeux à rendre acceptable le concept de larbin numérique qui peut rapidement frustrer par ailleurs (chez Rockstar notamment).


On peut toujours répondre gentiment, neutre ou de manière un peu rustre. La plupart du temps, cela n'a pas une influence notable sur le fil de l'histoire, mis à part que vous transformerez votre Shepard en enfoiré (ou connasse) notoire, ou bien en type bienveillant. Ce qui est intéressant encore une fois, c'est l'aspect immersif que cela apporte et l'influence que cela a dans quelques situations (finalement assez nombreuses) sur l'issue directe d'une conversation. En somme, il y a la conversation normal et quelques options de dialogues supplémentaires qui apparaissent en bleu ou en rouge de temps à autres, si vous avez augmentez votre talent de dialogue correspondant (charme ou intimidation). Ces options permettent de convaincre quelqu'un à coup sûr de faire X ou Y chose. Exemple, une prise d'otage ; si l'intimidation est suffisamment haute, vous pourrez dire quelque chose comme « si vous le descendez vous n'aurez pas ce que vous voulez et en plus on va vous faire la peau ». Si vous n'avez pas développé l'intimidation, l'otage va peut-être mourir et vous serez bon pour un gunfight à très courte distance.


Tant que j'en suis aux gunfight, ceux-ci sont bons. Il demande un temps d'adaptation car depuis 2007, le cover shooting est devenu l'un des genres les plus maîtrisés (bien que stagnant du coup). Clairement se mettre à couvert est un peu compliqué parfois, mais le jeu compense cela par deux choses : déjà on est toujours accompagné de deux partenaires de son équipage qui seront des mélanges des différentes classes, ce qui ouvre le nombre de pouvoirs utilisables en même temps lors d'un combat, grâce à une pause tactique héritée des anciens jeux Bioware. Ensuite ceux-ci (les combats donc) sont relativement durs. Relativement parce qu'évidemment la difficulté joue sur l'efficacité des ennemis, mais durs aussi parce qu'ils respectent le background du jeu. Les krogans par exemple sont de vrais durs à cuir très fort sur courte portée, tandis que les asaris seront embêtantes d'assez loin, notamment grâce à leurs capacités biotiques, et pas tant grâce à leur résistance. Mais surtout, surtout, surtout...les gunfights sont largement acceptables en l'état car ils ne représentent pas l'entièreté du jeu et font très bien leur travail lorsqu'ils sont sollicités. Bien entendu il y a une composante forte de TPS et de dialogue, mais l'exploration n'est pas en reste.


Alors c'est là qu'il y a débat à vrai dire. L'exploration fonctionne de cette manière ; on commence à bord du Normandy, devant la carte de la Voie Lactée et on cherche un secteur, puis un système solaire parmi plusieurs (en général) dans ce secteur. Il n'y a systématiquement qu'une seule chose à visiter par système. Je dis chose car on peut visiter soit une planète, soit une lune, soit un astéroïde, soit un vaisseau. A chaque fois, on a des dizaines de lignes de texte que l'on peut lire avant de commencer l'exploration puis on débarque. Si c'est un vaisseau, il s'agira toujours du même vaisseau, un kowloon de marchant avec toujours le même nombre de pièces, mais dont l'aménagement différera en fonction de la mission. Si c'est un astre, quelque qu'il soit, on sera largué en Mako M35, sorte de 6*6 (comme un 4*4 mais avec six roues motrice) qui permet de se déplacer librement sur un grand carré de terrain dont le décors varie.


Encore une fois, sur chaque planète ou vaisseau, il n'y a pas un nombre illimités d'options. Dans un vaisseau la plupart du temps on tirera dans le tas où on interviendra en temps que diplomate (ou les deux). Sur une planète on peut chercher des ressources minières, qui ne seront pas nécessaires dans l'absolu (à part pour les objectifs secondaires), scanner des traces de vaisseaux écrasés et visiter des bases qui d'une planète à l'autre se ressemblent (comme pour le vaisseau) avec l'aménagement qui varie, encore une fois, fonction de ce que la mission vous demande de faire. Parfois à part rouler, entrer dans la base, parler à un type et ressortir avec le sentiment du travail accompli, il n'y a rien d'autre à faire.


Le débat vient d'ici. Soit on considère que ces phases sont à la fois redondantes et que le vide des planètes les rendent carrément dispensables, soit on considère que c'est un élément clé d'immersion qui justement vient du fait que les planètes sont vides. Il y a également une discorde autour de la maniabilité du Mako M35 ; pour avoir finit de nouveau le jeu, je n'ai eu de problème que sur une seule planète très mal designée, où atteindre les objectifs cachés en montagne était extrêmement délicat si on tenait à l'intégrité de sa manette. Au delà de ce cas particulier, je n'ai eu aucun souci de maniabilité au cours de mes neuf parties. Je suis du coup évidemment des seconds.


Pour moi Mass Effect est un jeu immersif comme on en voit très peu. Shenmue, Silent Hill 2, GTAIV, RDR, Oblivion, Skyrim ou encore plus récemment I Am Alive...ça ne tient pas à la structure ouverte ou semi-ouverte. Ça tient à un ensemble de détails dont ces planètes vides font partie. Quand je m'imagine voyager dans l'espace (ce qui honnêtement m'arrive rarement), je ne m'imagine pas des planètes comme la Terre partout, densément peuplées, riche de milles couleurs et de cultures indigènes dans tous les sens. Non, je m'imagine BEAUCOUP de planètes vides et jamais explorées. C'est là que Mass Effect atteint son but et que j'ai franchement parfois l'impression qu'il a été mal jugé. Le fait que les planètes soient vides (ou presque) fait partie de la cohérence du titre. A chaque fois il y a une justification scientifique à l'état de celle-ci. Visiter la Lune (Sélénée) et voir la Terre...mais quelle sensation incroyable. En terme de contemplation c'est quasiment imbattable...et c'est fait pour. Les seuls ciels qui peuvent rivaliser avec ceux de Mass Effect, sont ceux de RDR (avec leur aspect aléatoire juste magique) et ceux de la série Halo (le 3 et Reach, je vous jure qu'il y a un mec dédié aux ciels pour ces jeux).


Tous ces pans de gameplay s'imbriquent de manière intelligente. Il n'y a pas vraiment de découpage net dialogue, exploration, puis fight. Cela dépend des planètes, du fait que la mission soit principale ou secondaire et principalement aussi de la façon dont on joue. Si on mise beaucoup sur les dialogues, on évitera quelques scènes de combat, si on aime pas l'exploration, on s'en passera.


Avant de passer aux défauts, je voudrais ajouter une chose qui ne tient ni juste au gameplay, ni juste au scénario, ni juste aux personnages, mais à tout cela réuni. Mass Effect se vie. Il a une forme de quotidien qui rend les personnages touchants, qui rend l'enjeu (si aisément simplifiable à « on va sauver la galaxie ») important et grave. Le Normandy n'est pas juste un hub qui mène d'un point A à un point B de son parcours, c'est l'occasion de sympathiser avec les personnages, voir de créer une relation amoureuses avec les coéquipiers. On pourrait croire que c'est ridicule, mais c'est ce qui différencie les personnages de Mass Effect de la plupart des autres jeux. Ils ont du charisme pas par essence (sauf Wrex, qui s'apparente un peu à un Paro et son charisme bourrin) mais parce qu'on leur donne de l'importance en leur parlant de telle ou telle manière.


Il serait malhonnête de ne pas parler des nombreux défauts qui mettent autant les détracteurs dans la vérité que les adorateurs. Pour commencer, le jeu est sorti en 2007 et si pour l'époque c'était la plus bluffante animation faciale qu'on avait pu voir avec un moteur in-game (a tel point qu'encore aujourd'hui c'est très jolie), il faut bien avouer que l'Unreal Engine 3 montre son plus gros défaut, le chargement très lent des textures comme on l'a rarement vu dans un autre jeu (le pire restant Alice Madness Returns). Techniquement le jeu souffre également d'un framerate un peu capricieux sur Xbox360 et de chargement parfois un tantinet longs ; il est à noter tout de même que depuis la possibilité d'installer le jeu, ça va légèrement plus vite et comme toujours cela économise le boucan que font les fat-360. Malgré cela, le jeu se permet d'être encore largement abordable graphiquement et surtout suffisamment performant pour montrer la direction artistique sous un très beau jour.


Autre détails qui a tendance à casser l'immersion, le calibrage des enchaînements de répliques est parfois un peu miteuse. Dans quelques conversation, un personnage est censé être coupé en plein monologue, mais il y a un temps mort d'une ou deux secondes qui casse complètement l'effet. Dans le même registre, on note parfois des problèmes de téléportations qui ne sont pas juste in-game mais aussi en pleine cut-scene. L'exemple le plus débile étant notamment Shepard qui s'en va dans la dernière cinématique après une réplique super héroïque et qui dès qu'il quitte le plan réapparaît à sa position de départ. FAIL.


Pour finir, le truc qui est irrémédiablement raté, c'est cette accumulation continue et ininterrompue de matériel. On passe son temps à engranger de nouvelles armes, de nouvelles armures et de nouvelles modifications qui vont sur ce matos. La navigation de l'inventaire n'étant pas super ergonomique, on se retrouve rapidement à ne plus toucher à aucune caisse ou à tout transformer en omnigel, cette matière qui permet d'ouvrir plus facilement...d'autres caisses. Un aspect du RPG qui a été poussé un peu n'importe comment, il faut bien le reconnaître. On peut imputer cela à un manque global de finitions qui s'entraperçoivent par-ci par-là mais qui de mon point de vue tiennent plus de l'anecdote que du vrai souci majeur.


Finalement c'est ici que je voulais en venir. Tout ce qui peut être évoqué comme des défauts, que ce soit formels (les soucis techniques) ou plus subjectifs (les phases de TPS ou de Mako) n'ont jamais entravé mon appréciation du jeu. Mass Effect est pour moi l'un des plus grands titres auxquels j'ai eu la chance de m'essayer. Il est imparfait, sans l'ombre d'un doute, mais il se situe dans cette catégorie de titres qui ont un je-ne-sais-quoi. Il a des qualités (beaucoup) des défauts (beaucoup) mais il a surtout une âme, ce qui est difficilement quantifiable. Envoûtant grâce à son histoire qui se suit à une échelle humaine et de quotidien, rythmé de manière lente mais jamais ennuyeuse notamment grâce à la participation active du joueur aux cinématiques et l'absence de transition ou presque (les ascenseurs sont là pour ça) et poussant à la contemplation, Mass Effect n'est pas un jeu de façade. Tout y est cohérent, fait de manière à soutenir l'univers qui excusez du peu est l'un des tout meilleurs jamais fait en terme de scifi. Oui j'y vais carrément...rien que les asaris enterrent toutes les autres races jamais créées. Les graphismes, la direction artistique, le codex bourré d'information sur chaque détail (de la race la plus importante, au fonctionnement des armes ou du vol supraluminique), information qu'on pourra lire ou écouter avec la voix excellente d'un narrateur, les musiques, les personnages simples et tellement attachants à la fois car bien écrits et très bien doublés, tout cela est brillant. Bref Mass Effect est un jeu qui pour peu qu'on s'attache un minimum à l'univers et à la façon de se l'approprier, fait oublier tous les défauts.
Un vrai ticket pour l'Espace.

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le 3 juil. 2012

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seblecaribou

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