Mass Effect 2
8.1
Mass Effect 2

Jeu de BioWare Corp et Electronic Arts (2010PlayStation 3)

C’était il y a dix ans. Ma première découverte de l’univers Mass Effect
…Et c’était via ce second opus justement.


Je me souviens qu’à l’époque ça ne s’était pas très bien passé.
Je ressortais tout juste de Red Dead Redemption premier du nom ce qui faisait que passer juste derrière une telle claque vidéo-ludique ne pouvait être que compliqué.
De même on m’avait surtout vendu ce jeu pour toute la stratégie que pouvait impliquer les choix diplomatiques qu’on y faisait, ce qui s’est rapidement révélé être du flan total…
Du coup – et à bien tout prendre de mon expérience – je m’étais retrouvé avec un TPS qui ne m’intéressait guère, dans un univers que j’ai trouvé très caricatural, et le tout pour des phases de jeu qui m’avaient ennuyé de par leur incessantes répétitions…
En somme il ne m’avait pas fallu longtemps pour me lasser et laisser ce titre de côté. Mass Effect et moi, il y a dix ans, ce fut donc (très) loin d’être ça…


Seulement voilà, au fur et à mesure des années, le temps s’est mis à passer…
Et en dix ans, les éléments m’invitant à reconsidérer mon jugement se sont multipliés.
D’abord il y a tous ces gens qui m’ont dit que tout ce que je recherchais était au fond dans l’épisode 1 et que c’était à celui-ci qu’il aurait fallu que je joue en premier… (Mais malheureusement, à cette époque, il n’était pas disponible sur PS3.)
Ensuite il y a ces gens qui m’ont dit que la vraie force du 2 tenait au fait qu’il savait particulièrement bien développer et améliorer le 1, mais que ces qualités ne pouvaient être perceptibles que si on connaissait la profondeur de l’univers originel…
Et puis enfin il y a eu tous ces jeux auxquels j’ai joué depuis et que j’ai trouvé bien pires, au point qu’en arrivant sur SensCritique en 2017, j’ai décidé en fin de compte d’attribuer un 5/10 plutôt généreux au regard du souvenir que j’en avais. Un souvenir finalement assez flou…
…Un souvenir qui explique en partie pourquoi – quand j’ai décidé de repartir à l’exploration des Triple A de septième génération à partir de 2020 – j’ai décidé de redonner sa chance à cette saga tant encensée…


Ainsi – et il faut le savoir pour bien comprendre d’où je parle en rédigeant cette critique au sujet de ce Mass Effect 2 – je ne m’exprime pas en ne m’appuyant que sur un lointain souvenir à moitié oublié. Je ne m’exprime pas non plus comme un novice de la saga qui la juge avec des exigences anachroniques.
Non, pour le coup j’ai rédigé cette critique de Mass Effect 2 en étant riche d’un double point-de-vue : un regard à la fois ancien et à la fois nouveau car depuis j’ai rejoué à cet épisode (et c’est tout frais au regard de la rédaction de cette critique puisque ça remonte à octobre 2021), mais aussi un regard de novice et d’averti en même temps, puisque ma première session s’est fait sans rien connaître de Mass Effect alors que la seconde s’est faite dans la (presque) foulée du premier opus que je me suis farci en intégralité.
Et s’il est vrai que mon expérience de Mass Effect premier du nom ne m’avait pas totalement convaincu (et pour celles et ceux que ça rendrait curieux, sachez que j’en ai aussi posté une critique !) il n’empêche que ça m’avait quand même donné envie de redonner une chance à cette suite, surtout qu’on n’arrêtait pas de me dire que Mass Effect 2 corrigeait beaucoup de problèmes du premier épisode, alors soit…


…Si j’avais su…


Parce que oui – et je dois avouer que j’en suis le premier surpris – mais rejouer à Mass Effect 2 en y étant mieux préparé ne m’a pas conduit à le reconsidérer avec davantage de bienveillance que dix ans plus tôt. C’est même tout l’inverse qu’il s’est passé !
Pourtant – et je reconnais que c’est là tout le paradoxe – ce deuxième bilan que je tire de ce non-moins-deuxième épisode ne me conduit pas à contredire celles et ceux qui ont récemment cherché à me « vendre » cette suite.
Car oui – je suis d’accord avec eux – factuellement ce Mass Effect 2 est meilleur que Mass Effect 1 (…Quoi que, ça peut aussi se discuter, et on en reparlera d’ailleurs un peu plus loin.)
Alors dans ce cas pourquoi attribue-je un cinglant et définitif 3/10 à cet opus 2 alors que j’ai attribué un plus convenable 5/10 à l’opus 1 ?
…Eh bien tout simplement parce qu’on parle d’une suite. Justement…


Bah oui, c’est tout con mais pour moi ça change tout : en 2011 j’abordais ce Mass Effect 2 comme un point d’entrée dans la saga alors que là, en 2021, je l’aborde comme une ligne de continuation.
Or considérer Mass Effect 2 au regard de Mass Effect 1 eh bien c’est juste putain de triste.


C’est d’abord triste tout simplement parce que cette suite se réduit pour l’essentiel à ce qu’on m’en a dit : c’est une version plus aboutie du 1. Ça ne se réduit même tellement qu’à ça que, pour ma part, je peine à voir Mass Effect 2 comme une suite, mais juste comme le CD2 de Mass Effect 1 sur lequel on a patché les gros points qui fachaient.
Alors OK, c’est sûr que c’est plutôt chouette que les phases de TPS sont un peu plus percutantes, lesquelles étant notamment dynamisées par le fait que désormais il faille recharger ses armes en munitions et donc se contraindre à avancer sur le champ de bataille pour continuer à mener le combat.
OK aussi pour reconnaitre que ça fait du bien d’avoir des espaces mieux remplis et un brin moins minéraux.
Toujours OK aussi pour dire également que c’est carrément plus agréable de constater que les temps de chargements se soient réduits – notamment dans les phases d’exploration de galaxie – et que la plupart de ces temps de chargement servent en partie à la narration, notamment lors qu’il s’agit de décrire le trajet qu’on est censé opérer lors de ces parenthèses de jeu.
Et puis OK enfin pour reconnaître que les phases d’exploration de galaxie sont elles aussi un peu mieux optimisées en termes de ludisme. C’est notamment le cas en ce qui concerne l’analyse des planètes qui autrefois se faisait d’une simple pression du bouton « X » et qui désormais nécessite de passer la surface au scanner et de lancer des sondes pour récupérer des éléments (sondes qu’il faut notamment acheter).
Donc soit, je l’entends, tout ça est bien vrai…
…Seulement j’ai envie de dire, c’est TOUT ?


Non parce qu’à bien tout prendre, ces quelques upgrades, en fait, ils font grave pitié quand même !
« Grave pitié » tout d’abord parce qu’en soit ces améliorations ne sont pas de vrais « plus », mais davantage des » moins » du premier opus qu’on efface.
« Grave pitié » également parce qu’à bien les considérer, ces améliorations relèvent vraiment du minimum syndical et trouvent vite leurs limites ! Parce qu’autant je suis OK pour dire que les phases de TPS sont moins chiantes qu’elles n’en restent tout de même chiantes à mener. De même, l’analyse des planètes c’est certes plus ludique, mais c’est aussi plus long et du coup plus pénible quand c’est amené à se répéter (parce que bon, passer un curseur sur une planète jusqu’à ce que la manette vibre ce n’est clairement non plus la phase de jeu ultime hein…)

Et puis enfin « grave pitié » parce qu’il y a également à côté de ça des changements qui ont été opérés et qui vont pour moi dans le sens d’une dégradation de l’expérience du premier opus.
Parmi ces petits détails qui ne pèsent pas grand-chose mais qui dérangent tout de même il y a par exemple l’apparition d’un curseur en forme de petit vaisseau sur la galaxie qui donne davantage l’impression de manipuler des jouets que de parcourir l’univers. C’est tout con, mais moi ça me sort du trip.
Et puis à côté de ça il y a des changements plus notables et problématiques notamment celui qui a consisté – et excusez du peu – à faire disparaitre du gameplay les phases en Mako ! (Et de ça, il faudra qu’on en reparle !)


Mais en fin de compte, ce qu’il y a surtout de vraiment terrible à faire cette liste de légères améliorations c’est que – en tout et pour tout – elles contiennent à elles-seules L’INTEGRALITE des changements que cet opus 2 apporte par rapport au 1. Pour le reste donc, ça n’est que de la PURE REDITE.
C’est même consternant de constater à quel point cet opus fait doublon avec son prédécesseur.
Le scénario pousse même le vice à commencer la partie en détruisant le Normandy afin de pouvoir recommencer à zéro !
De là on nous refile à nouveau deux acolytes lambda et puis après ça il va falloir ensuite enchainer les missions pour se reconstituer une équipe, puis enquêter une fois de plus sur de nouveaux sbires au service des Moissonneurs, puis à nouveau devoir lutter contre les lourdeurs du pouvoir politique pour les convaincre d’agir, puis agir soi-même…
…Tout ça manette en main se traduit encore une fois par des phases de TPS ultra répétitives, de trucs à pirater et de dialogues à rallonge en veux-tu-en-voilà.


A bien faire le bilan d’ailleurs, force est de constater que ce Mass Effect 2 a contre lui le fait qu’en absence de phases d’exploration en Mako, celui-ci s’oriente forcément davantage vers l’action ce qui n’en fait qu’exacerber davantage les lourdeurs de ces phases-là.
A chaque fois la même routine. On avance. On rentre dans une salle. Soudain on voit une barrière de protection qui traine étonnamment au milieu de la pièce. On s’y précipite. Ô surprise on nous tire dessus. Ô surprise, malgré la présibilité du script, le jeu galère toujours autant à faire se précipiter Shepard vers ses barrières tout en la faisant s’agenouiller à temps. A chaque fois on se bouffe la rasade de balles qu’on n’aurait pas dû se bouffer. A chaque fois on subit les réactions de nos coéquipiers qui nous rappellent en permanence à leurs insuffisances. A chaque fois les mêmes décors et même situations insipides qui questionnent sur la pertinence à poursuivre notre avancée.
Rien d’étonnant au fond à ce qu’on soit très rapidement gavé par ces problèmes quand on se souvient comment déjà , dans Mass Effect 1, tout était aussi indigent sur ce point…
…Comme sur tous les points d’ailleurs.


Et fait, Mass Effect 2 est juste un rappel plus dense et plus exacerbé des carences du premier opus.
Une intrigue prévisible. Un univers pétri de clichés et obstrué par un horizon culturel quasiment inexistant. Une mise en scène putassière de très mauvaise série Z. Des retours d’anciens personnages totalement évidés de toute tension dramatique. Des enquêtes indigentes qui se limitent souvent qu’à simplement enchainer les dialogues. Des dialogues eux-mêmes décousus, lourds et mal écrits…
Et parce que dans ce volume 2 Bioware a davantage voulu miser sur l’action tout le temps et tout de suite que le résultat final n’en est que plus insipide.
La narration ne respire jamais et ne pose rien quand en parallèle les phases de gameplay diluent régulièrement le rythme et l’intérêt.


Ainsi, alors que j’étais bien déterminé à le creuser jusqu’au bout ce Mass Effect 2 que je me suis surpris à vouloir m’arrêter au même moment que dix ans plus tôt.
J’avais déjà l’impression d’avoir fait le tour. J’en avais plus que ma claque. Je n’y voyais absolument AUCUN gain.


Alors oui – plutôt deux fois qu’une – j’assume.
J’assume le fait que, de mon point de vue, Mass Effect 2 n’a rien de plus à offrir que de la SF standard délavée, noyée dans des mécaniques de gameplay bas-du-front qui se répètent ad nauseam
A mes yeux, Mass Effect 2 est même tellement un produit impersonnel et inconsistant que dans mon esprit il se confondrait presque avec un de ses contemporains : Deus Ex : Human Revolution.
Deux jeux de la même époque. Deux jeux sur le même créneau. Deux jeux qu’il est d’ailleurs pratiquement impossible de distinguer, jusque dans certains choix chromatiques.
Or quand on sait que les deux jeux sont issus de deux studios différents, ça dit quand-même tout du manque total de caractère de ces deux œuvres…
…Cela dit tout d’une créativité qui – en fait – n’en était pas une.


Du coup tant pis pour la trilogie, mais moi j’arrêterai les frais ici.
Je n’ai pas envie de me recoltiner une fois de plus la même histoire et les mêmes phases de jeu vides, tout ça pour me rendre compte au final que toute la saga Mass Effect n’a été qu’un embryon d’ambition que leurs auteurs ont ensuite avorté dès le second épisode.
Parce qu’autant je pouvais encore reconnaitre au premier Mass Effect d’être capable de porter une promesse que ce deuxième opus pue déjà la rentabilisation cynique de formule.
C’est ce qui fait d’ailleurs que je ne nourris aucune sympathie pour cet épisode. J’irais même presque jusqu’à dire qu’il incarne dans mon esprit – avec Deus Ex : Human Revolution –l’amorce de l’ère des Triple A sans ambition qui n’entendent désormais plus que renouveler des formules ad nauseam quand bien même celles-ci se révèlent-elles imparfaites.


Alors soit, je peux comprendre l’engouement d’une époque.
Je peux comprendre qu’on se soit laissé porter par les nouvelles perspectives alors offertes par les jeux de la septième génération.
Seulement voilà, me concernant, il y a dix ans déjà j’avais trouvé que ces perspectives n’étaient au final restreintes qu’à des enjeux visuels et – dix ans plus tard – le temps me confirme encore davantage mon impression.
Et à dire vrai j’avoue me désoler un peu qu’encore aujourd’hui, nous les joueurs soyons encore si vulnérables face à ces colifichets bien superficiels. Avant-hier c’était Red Dead Redemption 2 qu’on encensait à coups de 21/20 et cela juste pour de beaux rayons de lumière et des couilles de chevaux qui se rétractaient, et hier encore c’était Cyberpunk 2077 qu’on conspuait pour ses bugs d’affichage mais sans jamais vraiment questionner son évidente stérilité ludique.


Parce que finalement, entre les shoots de Cyberpunk et ceux de Mass Effect 2 qu’est-ce qui a changé ?
Alors certes c’est plus grand. C’est plus beau. C’est plus ray-tracé. Et on a nous fourré tout ça avec bien plus de collectibles à collecter et de mission à missioner…
Mais tout ça pour arriver à quoi au final ?
…Pour nous raconter quoi ?
…Pour nous faire vivre quoi ?


Au fond – et à bien le considérer ce jeu avec tout le recul qu’on peut désormais avoir sur lui – Mass Effect 2 n’est qu'une sorte d' Avengers vidéo-ludique avant l’heure. Une simple accumulation de gimmicks à la mode qu’on a combiné dans un univers poudres-aux-yeux qui a perdu toute ambition…
…Une simple franchise qu’on exploite en en réajustant régulièrement quelques détails pour donner l’illusion que le nouveau modèle n’a en fait rien à voir avec l’ancien, et surtout qu’il n’a rien à voir avec le même produit usiné vendu par l’échoppe d’en face.
Or moi, désolé, mais entre le Mass Effect Pepsi et le Deus Ex Coca je peine vraiment à sentir la différence, tout comme mon pancréas.
Et de la même manière que les nouvelles générations de cinéphiles dénigrent les vieilles séries B des années 60 pourtant encensées par leur parents, je pense qu’il y a fort à parier pour que Mass Effect connaisse au final le même effet…
…L’effet massif d’un légitime désintérêt.


L’effet massif de la médiocrité.

lhomme-grenouille
3

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le 13 nov. 2021

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