Mass Effect 2
8.1
Mass Effect 2

Jeu de BioWare Corp et Electronic Arts (2010Xbox 360)

Je suis le commandant Shepard, et cette boutique est ma préférée de la Citadelle

Disons-le d'entrée pour évacuer les mauvaises ondes, avec le recul, il y a de quoi chipoter car Mass Effect 2 est loin d'être parfait. La disparition des mods d'armes entache un peu le recentrage vers le FPS qui s'avère néanmoins assez payant en terme de sensations manette en main. La réorganisation de la circulation dans la Citadelle est plus laborieuse et laisse moins de place à la contemplation des paysages apaisants du Présidium. Le nouveau système de scan des planètes remplaçant les phases en Mako du premier volet (parfois fastidieuses mais assez gratifiantes quand tu abats un Dévoreur avec ton pauvre canon à eau) est lassant à la longue, même si au final comme un bon fan dévoué j'ai scanné toutes les planètes de la galaxie. L'absence de continuité dans la composition de l'escouade est elle aussi assez frustrante, avec la moitié de tes acolytes avec qui tu n'as aucune interaction dans le 2 après avoir passé une trentaine d'heures à sillonner la galaxie (car oui merde, j'ai romancé Liara et elle m'accorde à peine deux phrases dans le 2, tu m'étonnes après que je doive coucher avec Miranda pour me consoler!). Et la mission finale est un tout petit peu déceptive car un peu courte.

La question n'est pas de savoir si Mass Effect est un jeu parfait. Le jeu parfait n'existe pas au contraire du 10 sur SensCritique. Mais Mass Effect, pour des raisons que je concède comme étant essentiellement subjectives, est sans aucun doute l'une des mes plus grandes expériences vidéoludiques, tout en questionnant ce qui fait que je peux complètement adhérer à un gameplay qui, pour la moitié du temps, passe presque pour un livre interactif.
Dans mes jeux préférés, on retrouve entre autres un Zelda 8-bits, où tu avais au bas mot deux touches et quatre actions à faire. Un point'n'click sur DS. Un puzzle-game sur la SNES. Un jeu PS2 où tu ne fais que rouler une boule. Et même un jeu de David Cage. Mon Rockstar préféré, c'est L.A Noire, un QTE de 12 heures. Et même dans Mass Effect 2, les passages qui m'embarquent le plus sont ceux qui ne reposent que sur des kilomètres de dialogues et des actions contextuelles.

Ce qui fait la différence, c'est que rarement un jeu n'aura éveillé dans ma petite âme de gamer une telle vague d'émotion. Ca va paraître bateau, mais je n'ai pas joué à ME2, j'ai vécu ME2. Parce que le travail abattu autour de ce gameplay qui ne révolutionne rien est proprement sidérant. Mass Effect, c'est le space opera ultime, qui est au média vidéoludique ce que Star Wars fut au cinéma ou ce qu'un Hypérion ou un Dune furent à la littérature. L'univers initié par Drew Karpyshyn est d'une complexité et d'une profondeur rarement atteinte, y compris dans le genre même du space opera. Chacune de la centaine de planètes qu'on doit croiser dans le jeu a son histoire, sa géographie, son écosystème. Chaque race a sa mythologie, sa religion, ses dilemmes moraux et éthiques, ses motivations politiques et sa propre vision du monde. Jamais manichéen, l'univers de Mass Effect est une immense encyclopédie qu'on prend un plaisir fou à consulter au gré de nos visites dans les entrées du Codex, dont on se prend à imaginer les ramifications encore plus subtiles qui pourraient constituer un multivers transmédia au niveau des plus grandes sagas de SF. Dans ME, chaque personnage a son background, a sa propre raison pour intégrer la croisade de Shepard contre les Moissonneurs.

Les personnages, justement, bénéficient d'un traitement encore plus poussé que dans le premier épisode. On perd quelques noms du premier volet, certes, mais on est loin de perdre au change avec les nouveaux équipiers, entre le Galarien Mordin Solus, le Geth Légion et surtour le Drell Thane Krios, un concentré d'awesomeness sous les écailles d'un lézard parlant. Les Krogans prennent également une nouvelle dimension avec le petit nouveau, Grunt, et surtout l'approfondissement de l'histoire du Génophage qui les oppose aux Galariens, le sommet d'écriture de la saga. Et n'oublions pas notre fidèle Garrus Vakarian, LE MEC, LE DUDE, LE VRAI, ton BFF ultime au moins quand tu joues un Shepard mâle, ainsi que Tali (sur laquelle tu peux quand même commencer à un peu fantasmer en te demandant "Bordel c'est pas possible, y a quoi sous cette combi) à laquelle on se lie réellement d'affection au cours de son excellente storyline au milieu de politiciens lâches et puants.
Bon, on a toujours droit au personnage mâle humain inutile et au charisme d'huître avec Jacob, mais les humains s'en sortent mieux avec les arrivées conjointes de Miranda et son fessier venu du ciel (ça vient pas de moi mais des soixante-dix gros plans gratuits sur ledit popotin auquel on aura droit dans le jeu.) et de Jack, l'ex-enfant-cobaye, encore une fois un personnage super bien travaillé.

Au fil des heures, Mass Effect devient moins un jeu vidéo qu'une expérience aux frontières de différents médias : la jouissance de joueur évidemment, mais aussi la contemplation béate du cinéphile et le sentiment de proximité et de familiarité presque rassurante que l'on éprouve auprès des héros de sa série télé préférée. C'est simple, mon commando c'est mes potos et l'une des grandes sources de plaisir de Mass Effect 2 consiste à arpenter le Normandy de long en large afin de prendre des nouvelles de tout l'équipage, constater l'évolution de leur moral, de leur relation avec Shepard. Quitte à entendre vingt fois la même chose, tant que tu ne rates pas LA petite phrase inédite, souvent inutile au déroulement de l'intrigue mais tellement gratifiante d'un point de vue simplement personnel. Cet attachement émotionnel profond et sincère aux personnages auxquels se lie Shepard est très rare dans le jeu vidéo (en tout cas à un tel degré) : quand tu perds un perso de vue dans ME2, tu as un peu le coeur qui saigne. Alors oui, ME2 peut se boucler en une quinzaine d'heures, mais uniquement pour ceux qui ne jugent pas intéressant de s'intéresser réellement à l'expérience que veut proposer Bioware. Une expérience humaine qui place le joueur au coeur des enjeux d'un univers entier sur lequel il n'a pas toujours l'emprise démiurgique qu'on lui prête parfois et qui l'amène à s'interroger sur la nature de son espèce, sur les difficultés du vivre ensemble. Au fond, Mass Effect, c'est un concentré de la vie parfaite : voyager dans l'espace avec ses amis, buter des aliens pour sauver le monde, et tomber amoureux si tout se passe bien.
Sharpshooter
10
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Créée

le 17 mai 2013

Critique lue 233 fois

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Julien Lada

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