Qu'as-tu fait, BioWare ?
Pourquoi as-tu poursuivi ton chemin vers la facilité, l'amateurisme, voire le ridicule ? N'as-tu pas conscience que tu risques d'exploser en plein vol à force de prendre de telles décisions ? Ou doit-on te mettre un sérieux coup de pied dans les burnes pour te ramener sur la Terre ?
Cette mise en bouche était pourtant délicieuse ! Partant avec Shepard (femme, bien entendu) vers l'assaut de la planète par les Moissonneurs tentaculaires, avides de civilisations avancées à dévorer, cette entrée posait des bases relativement saines. Donc, on allait forcément être le spectateur de l'invasion sur les terres ancestrales des Turiens, Quariens, Asaris, Krogans, etc. (la mise en scène sur la lune de Palaven, des Turiens, est époustouflante), dévorées par les cyber-poulpes vieux de plusieurs millions d'années. On découvre comment chaque espèce mute chez les Moissonneurs, parfois un corps fusionné avec un autre, ou encore un ajout considérable de circuits électroniques, provoquant des résultats effrayants, bien plus que durant Mass Effect 1 et 2 réunis.
Cet épisode des aventures de Shepard se tourne sur une galaxie en perdition, où toutes les répercussions depuis le premier opus vont heurter avec violence le pauvre joueur qui aura commencé par le troisième Mass Effect. Une course contre la montre pour délivrer la galaxie entière d'un état critique. Cette pression constante affecte notre héroïne, soumise à de lourds dilemmes, comme la guerre des Geths contre les Quariens ou bien le genophage héréditaire des Krogans, avec à l'appui les réminiscences des évènements passés (Saren, Sovereign, les Collecteurs).
Ce danger permanent est relativement bien illustré par les voyages dans l'espace : certains systèmes solaires ont déjà été conquis par les Moissonneurs, il faut être prudent lors des scans radar, ne pas gaspiller sa furtivité. Retrouver des factions armées, une escouade perdue dans un système reculé ou un groupe de scientifiques pour bâtir l'arme anti-Moissonneur, une belle initiative... si elle n'était pas quasiment fondée sur un pop-up annonçant la recherche fructueuse.
Pas besoin de s'attarder sur l'élagage des dialogues (la réponse dite "neutre" a été tout bonnement retirée du lot), en particulier avec les anciens compagnons de Shepard, qui figurent comme de vulgaires "cameos" des séries américaines, pour dénoncer ce qui émerge de Mass Effect 3 : il est bâclé.
Réduit à quelques moments intenses, comme le final avec Mordin et les dialogues avec Legion, les doigts du joueur se crispent affreusement, par la hâte de découvrir l'ultime boss de cette saga mais également par la consternation devant le level-design rabougri. Certaines zones, comme la planète Thessia, sont réglées en moins de dix minutes d'action. La progression offre beaucoup moins d'alternatives de combat sur une aire de jeu déjà peu étendue. Autrement dit, c'est un match de boxe. Shepard monte sur le ring, enfile ses gants de boxe biotique, salue son opposant, et lui délivre le K.-O. instantanément.
Les seuls lieux de balade sont le Normandy, à l'aspect crade et brouillon, et la Citadelle, où le nombre de quêtes secondaires semble égaler celui de Mass Effect 1, avec une grande différence cependant : aucune aventure en Mako (le char grimpeur par excellence) dans le 3. Impossible de visiter ailleurs. Oubliées Omega, Feros, Illium, Noveria, Ilos, Aite. Le temps des zones étendues semble révolu. A ce titre, BioWare néglige tout le potentiel délivré par le premier Mass Effect et essore le contenu en bridant un maximum pour galvaniser l'action. Mais alors, Elysium ? Mindoir ? Torfan ? Pourquoi mettre de côté ces mondes, proposés pour les profils de Shepard au début de l'aventure, alors qu'ils sont sans cesse évoqués en cours de partie, du 1 au 3 ? L'héroïne, native de Mindoir ou à bord d'un vaisseau de l'Alliance, aurait pu être bien plus mise à mal si on apprenait la destruction de son lieu natal.
Ne parlons pas de la fainéantise de Clint Mansell, abusant du thème larmoyant et noyant le joueur dans un mélodrame quasiment insipide. Pire, de nombreuses musiques de Mass Effect 1 et 2 surgissent de façon chaotique, comme un baladeur MP3 branché en mode aléatoire.
Non, BioWare a été happé par la vertigineuse machine à fric, nommée Electronic Arts, déjà responsable pour avoir littéralement massacré la saga Command and Conquer (d'ailleurs, les fins de C&C4 et de ME3 provoquent les mêmes sensations). Sorti début 2012, avec un DLC dès le premier jour, cette épouvantable odeur de l'argent a eu raison de la bande de Casey Hudson et a provoqué une sortie en touche de cette saga. Incarner une femme badass sauvant maintes fois le monde, c'est bien. Etoffer son histoire, c'est mieux. Reconnaissons qu'il est jouissif d'achever l'histoire avec son propre personnage qui aura vu la galaxie entière changer en l'espace de trois ans, renouer des relations avec certains, briser avec d'autres. Malheureusement, ce n'est pas suffisant pour replonger une nouvelle fois dans Mass Effect 3.
Qu'as-tu fait, BioWare ?
