L'alcool ça fait grossir, les médocs' ça ensuque et les balles ça fait des trous

Après huit grosses années de passage à vide, Max Payne revient sur le devant de la scène. Nouveau look, nouveau décor, mais même situation dramatique... Ouais, Max a certes grossi, vieilli, mais il est toujours aussi torturé : « Time moves foward, nothing changes... », comme l'avoue Max lui-même, lors de ses multiples monologues solitaires.

Dès lors, le décor « tropical » et ultra lumineux du Brésil parvient à trouver sa place scénaristique et prend une réelle valeur cognitive, au fur et à mesure que le récit évolue. Je pense que ne je suis pas le seul à être resté septique lors de l'annonce de ce nouvel environnement de jeu... Il est vrai que les rues sombres et froides de New York tranchent considérablement avec les favelas de Sao Paulo.
Un pari artistique de Rockstar certes, car les studios aiment les paris osés et les contre-pieds esthétiques venant déstabiliser le joueur. Mais à côté de cela, les créateurs bossent sérieusement leur contenu. De fait, la migration de Max est clairement explicitée et décrite durant le jeu, laissant place à des flashbacks significatifs.

Sans trop en révéler pour ceux qui n'ont pas encore eu la chance de jouer à ce jeu, nous pouvons dire que Max part d'une situation précaire. Il a lâché son job de flic, ce qui fait qu'il campe dans des bars et dans son appartement de « schlag », afin de descendre des bouteilles de whisky. Et un jour, il croise un dénommé Passos, un gars qui bosse dans la Sécurité Rapprochée pour de gros poissons. Il propose le job à Max. Max accepte, car après tout, plus rien ne le retient à New York. Et puis le Brésil... Les culs bombés, les strings, le soleil, la plage... Que du bonheur non ? Et bien, pas tout à fait...
Certes, on découvre rapidement un univers de fête, avec des soirées chics, des nanas physiquement intelligentes, de l'alcool, de la drogue, de l'argent... Mais il y a aussi la pauvreté, la misère des favelas. Et c'est de là que viendra la menace.

Et Max dans tous ça ? En réalité, la scène d'ouverture plante le décor. Max bosse et lorsqu'il a fini, il rentre dans son appartement pouilleux pour boire, avaler ses tubes d'antidouleur et vomir dans son évier... Je résume ici. L'histoire contée au sein du jeu est plus complexe et subtile. En réalité, « Max Payne 3 » est la démonstration directe de Rockstar pour sa qualité d'écriture, nous livrant des récits matures, travaillés, intelligents et terriblement cinématographiques...
Dès lors, le personnage de Max est plus travaillé que jamais et son épaisseur psychologique prend du volume, de l'ampleur dans ce nouveau décor. En fait, il faut qu'il goutte à une autre ambiance, à une autre culture, à une autre mentalité de vie, pour prendre du recul sur sa propre existence et ses propres fêlures. La qualité des dialogues et des monologues de Max rend, de fait, ce schéma narratif des plus délectables.

Et techniquement, cela donne quoi ? C'est beau. C'est détaillé, réaliste, immersif, varié. C'est du très bon boulot. Ne croyez pas que ce nouveau titre va mettre en scène un Max en tongs et qui fait des roulades sur du sable chaud. Non, après l'univers lustré et « bourgeoisé » de son client Rodrigo Branco, Max Payne va évoluer dans des environnements sombres, lugubres, sales et où la pauvreté, la misère règnent. Des décors très fouillés, très détaillés, ce qui nous permet d'évoluer dans un espace décoratif crédible et immersif. D'autre part, l'ambiance sombre et froide des premiers « Max Payne » est conservée et cela même en jouant dans des environnements principalement extérieur. Enfin, les flashbacks à New York sont peut-être les moments les plus stimulants du jeu, tant nous retrouvons l'univers fidèle des origines de la saga avec, en plus, un esthétisme plus poussé.

Pour revenir maintenant au personnage incarné, des modifications de taille ont été apportées. On sent bien, via les mécanismes de gameplay, que les créateurs ont voulu accentuer le processus d'immersion. Dès lors, fini le Max Payne léger qui court comme une gazelle et qui glisse comme un savonnette. Aujourd'hui, le tonton Maxou a pris du bide, il est anesthésié au whisky et aux médocs'. Du coup, nous avons en main un personnage lourd, lent, vite essoufflé. Un détail immersif de taille, mais qui déstabilise au départ. Nous devons donc nous adapter au contraste entre la lourdeur du personnage et l'esprit aérien du Bullet Time.
Une lourdeur accentuée par le poids des armes, dans le mesure où le personnage ralentit son rythme de course selon le gabarit de l'arme portée (rien d'innovant, en somme). Toutefois, il n'y a plus de poche magique ! De fait, Max ne peut pas porter plus de trois armes sur lui (à savoir deux armes légères et une arme lourde). Un dispositif plus réaliste certes, mais qui incite également le joueur à tester l'ensemble des armes du jeu en se renouvelant, au lieu d'accumuler une vingtaine de joujoux dans un inventaire.

Nous parlons des armes, parlons des dégâts causés par ces dernières. Car, « Max Payne », c'est avant tout du shoot. Pour moi c'est clair, sur le plan du gameplay, les dégâts causés sont la plus grosse innovation du jeu. Les impacts de balle sont bluffants, impacts qui varient selon le type d'arme porté. De fait, on se régale de voir le cerveau éclaté d'un soldat ennemi, tout en accentuant le ralenti de la Finish Cam. Ou comment rendre classe et stylé, un mec qui se fait trouer comme une passoire. De même, en faisant « Pause Start » et en tournant la caméra lors d'une phase de shoot, on se rend bien compte de la modélisation très fine des armes et des personnages, de la douille qui s'échappe du fusil à pompe, à la gueule crispée de Max qui tire.

Nous avons donc droit à un gameplay nerveux, violent, physique et très rythmé, et ce malgré un personnage un brin cubique. Les décors sont destructibles, variés, interactifs, ce qui nous permet de diversifier nos stratégies d'attaque. Le script est toutefois bien présent, nous laissant devant quelques séquences très stylisées et spectaculaires. Je vous laisse découvrir cela par vous-même.
Un gameplay séduisant donc, malgré un level design un peu répétitif, dans la mesure où on se contente d'avancer dans des couloirs plus ou moins vastes en tirant sur des méchants. Malheureusement, « Max Payne 3 » ne nous offre pas des séquences hallucinatoires du type de ses prédécesseurs, troquant ainsi cet esprit onirique et fantasmagorique pour un univers dur et réaliste. De ce point de vue là, nous perdons le charme envoûtant de Remedy...

Reste le caractère « Old School » du titre, avec ses munitions limitées, le système d'auto-régénération de vie supprimé, par exemple. Mais les cinématiques, quant à elles, ont été « rockstardisées » . Fini les interludes à l'esthétique de comics. Place à la cinématique purement cinématographique. Beau moteur de développement, belle mise en scène, mais mauvais choix esthétique. En effet, les filtres de couleurs flashies floutant l'image (afin de nous rappeler que Max est bourré) sont juste un calvaire pour nos rétines, surtout que le titre n'est pas avare en cinématiques (identité cinématographique oblige). Et il est vrai que ces séquences audiovisuelles sont trop présentes, ce qui hache le gameplay, malgré un système de transition cut-scene très réussi. Dès lors, pas besoin de nous infliger une cinématique pour nous montrer que Max traverse une porte...
D'autre part, les sous-titres sont justes microscopiques... « Max Payne 3 » aurait pu être sponsorisé par des ophtalmos', afin qu'ils puissent augmenter leur chiffre d'affaire... Dommage, car le jeu est très bien doublé et scénarisé !

Pour résumer, « Max Payne 3 » est un bon produit, sérieux et efficace. L'attente a été longue, mais le résultat est là. La mutation du récit est à la hauteur du travail de départ, ce qui est un excellent point. Il reste des imperfections techniques, des changements de tonalités dramaturgiques qui nous laissent parfois nostalgiques, mais le fait de re-camper ce personnage torturé et violent... quel plaisir ! Et quand les évolutions techniques sont à la hauteur du récit de fond, ce n'est que du bonus !

On ne boudera pas le mode Multijoueurs, assez complet et ludique avec ses divers modes de jeu et son système de progression, malgré le fait que la lourdeur caractéristique du personnage joué (dans le cadre de la campagne Solo) n'est pas forcément adéquat pour un mode en ligne, où la rapidité et la réactivité doivent régner.
Théo-C
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Créée

le 4 juil. 2012

Modifiée

le 23 juil. 2012

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Théo-C

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