Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty
8.1
Metal Gear Solid 2: Sons of Liberty

Jeu de Hideo Kojima et Konami (2001PlayStation 2)

Metal Gear Solid 2 est la concrétisation du game design abordé dans le premier épisode. Il suffit de voir pour s’en convaincre le remake du précédent opus, Twin Snakes, sorti sur GAMECUBE et reprenant les ajouts et les améliorations graphiques faites dans le second titre. La grosse surprise de MGS2 vient du changement du personnage principal, laissant Snake d’un point de vue extérieur. Certes, il est contrôlable durant tout le prologue sur le tanker, long de deux-trois heures. Mais même s’il est au centre de l’histoire dans le reste du jeu, le joueur sera du point de vue de Raiden. Kojima ira même jusqu’à cacher la présence de ce personnage avant la sortie du jeu. Evidemment, la plupart des tests imports avaient vendu la mèche. Mais avant l’avènement d’Internet, c’était quand même un petit exploit. De l’aveu de son créateur, même si Raiden a été introduit pour faire plaisir au public féminin japonais (véridique), il en profite pour prendre du recul avec le personnage de Snake et le voir sous un autre jour, ce qui est plutôt malin. Snake (ou Iroquois Pliskin) apparaît comme un mentor, comme une sorte de sensei qui apprend tous les trucs à Raiden. C’est la plus grande force du jeu : avoir su faire basculer Snake du soldat-pion qu’il était dans le premier opus à un véritable soldat indépendant, qui comprend les ficelles et parvient à saisir les véritables enjeux de la mission, tandis que Raiden ne fera que répéter les mêmes erreurs que Shadow Moses (ce qui n’est pas anodin et parfaitement prévu dans le scénario).


Metal Gear Solid 2, c’est aussi les prémices de toute la mythologie de la saga. Même si le premier opus laissait une fin ouverte (la désormais célèbre séquence téléphonique après générique), Kojima n’avait jamais prévu de plan sur le long terme. C’est sur cet épisode qu’il commence à parler des Patriotes, cette entité qui est censé contrôler le monde et dont on ignore tout de leur fonctionnement et de l’identité de leurs membres, si ce n’est qu’ils ont un contrôle total sur les gouvernements et la politique internationale. L’histoire n’est qu’un éternel recommencement et cet épisode ne déroge pas à la règle. Raiden sera utilisé comme un pantin, encore plus que Snake, et même si plus tard il aura l’occasion de prendre sa revanche, il ne parviendra jamais à égaler l’aura de Snake en terme d’importance et de charisme. C’est d’ailleurs pour ça que cet épisode figure parmi les moins appréciés de la série, notamment à cause de ce personnage. Pourtant, le jeu est clairement à la hauteur de tous les autres.


L’une des idées brillantes est ce système de prologue qui sera d’ailleurs réutilisé sur l’épisode Snake Eater. Utilisant un Snake réduit à un pistolet tranquillisant et pas mal de nouveaux mouvements, on découvre le jeu dans un environnement petit et relativement clos mais qui permet de découvrir toutes les nouvelles subtilités du gameplay qui sont l’évolution logique des prémices aperçus sur le premier épisode. C’est la force de ce prologue, qui est probablement le meilleur passage du jeu d’un point de vue strictement ludique. Alors que les joueurs ont passé du temps sur l’héliport du premier épisode en testant plein de choses, le tanker est un terrain de jeu similaire et véritablement fun, puisqu’il propose toutes les idées de gameplay et laisse le joueur jouer avec sans aucune obligation. Kojima a l’art de laisser le contrôle du jeu au joueur, en le laissant libre de s’amuser : cacher les cadavres dans les casiers ou les balancer à la flotte, gestion des ombres qui peuvent signaler notre présence, interaction poussée du décor (il suffit d’aller dans le garde-manger pour s’éclater avec les pastèques et les sacs de farine), possibilité de braquer les ennemis. On notera pas mal d’idées franchement bien trouvées, comme la gestion des dégâts sur les ennemis qui traînent la patte lorsqu’ils ont une blessure à la jambe ou leur étonnement lorsqu’on a réussi à tirer sur leur radio pour qu’ils ne puissent plus appeler du renfort. La gestion des renforts, justement, est extrêmement bien fichue, avec une graduation de leur efficacité invisible qui fait intervenir des gardes de plus en plus balèzes et bien plus retors, forçant le joueur à se cacher et à rivaliser d’astuces pour se planquer.


On notera quand même une galerie de personnages moins charismatiques, et c’est ce qui causera du tort dans le cœur des fans, Raiden en tête. La tripotée de boss n’est pas aussi marquante que le premier opus : Vamp restera un personnage « méchant » sympathique pour ses capacités physiques, Fatman ne restera pas dans nos mémoires et Solidus Snake, le grand méchant de l’histoire, n’aura pas la folie destructrice de Liquid Snake. Seule Fortune sort un peu du lot, puisque ses ambitions seront moins limitées que ses collègues, et sa mélancolie face à son pouvoir de « chance » offre de jolis moments, même si malheureusement il n’y aura pas de réel affrontement durant le jeu. Reste que le jeu offre de chouettes moments : toute la partie sur le tanker, donc, mais aussi la recherche des otages, la course à la bombe, la séquence de sniper avec Emma et sa conclusion, les combats finaux au katana. Il est amusant de constater que la structure de la partie sur la plate-forme Big Shell est très similaire aux événements de Shadow Moses, mais force est de constater qu’on a du mal à se souvenir de séquences aussi marquantes que celle du premier.


C’est aussi ici que Kojima rentre de plein pied dans les thèmes qui lui sont chers, notamment le rapport entre le jeu et le joueur. Alors que Psycho Mantis figure parmi les grandes tentatives de briser le quatrième mur,


MGS2 propose à la fin du jeu un dérèglement de l’IA de l’Arsenal Gear (l’énorme structure se cachant sous la Big Shell) et la révélation que Raiden n’a été qu’un pion, une expérimentation basée sur les analyses de la mission de Shadow Moses.


Le jeu demande même au joueur d’éteindre sa console, et simulera un faux game over pour se moquer de lui. Kojima révèle en pleine face cette espèce de vérité comme quoi le contrôle du personnage n’est régi que par un schéma qui peut se répéter à l’infini, simplement en changeant les décors et les personnages. En vérité, MGS2 apparaît presque comme un remake du premier opus avec toutes les nuances que ça comporte, comme pouvait l’être Escape from Los Angeles avec Escape from New York. Le fait de transformer « Snake » en « Pliskin » n’est peut-être pas anodin, sachant que Kojima adore ce genre de petites références. Evidemment, tout est lié à la mythologie de la saga, au contrôle de l’information par les Patriotes.


La fin de Metal Gear Solid 2 se déroule en plein cœur de New York, sur le toit du Federal Hall, symbole de Wall Street et de la puissance économique américaine.


Si Metal Gear Solid 2 a « déçu » les joueurs (je mets un bémol vu que le jeu n’est pas non plus conspué), c’est surtout parce que l’aspect « léger » du premier opus, avec ses personnages charismatiques et ses séquences purement fun, sont moins légions. Mais le jeu tire sa force tout d’abord d’un gameplay enrichi et flamboyant, qui réussit à renouveler toutes les possibilités de MGS1 en le sublimant, doté d’un scénario bien plus subtil qu’il n’y paraît. Certes, le jeu paraît d’un coup plus court que son prédécesseur car moins dense et plus étalé dans ses séquences, mais il est loin d’être mauvais.

Cronos
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le 8 janv. 2016

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