Metroid: Samus Returns
7.4
Metroid: Samus Returns

Jeu de MercurySteam Entertainment et Nintendo (2017Nintendo 3DS)

"Segasex" de confession, ma première incursion dans l’univers Metroid s’est faite par le biais de l’austère et monochrome Metroid 2 : Return of Samus.
Rétrospectivement, je me dis qu’il est parfaitement normal de ne pas avoir accroché à cet objet curieux, glauque et rugueux quand on a tout juste l’âge d’apprendre à lire. En l’espace de quelques heures de voitures je remisais définitivement la cartouche dans son petit boîtier de protection, en vue de la restituer à son propriétaire, sans donner suite.
La naissance de ma passion pour la série Metroid n’arriva que bien plus tard, avec la sortie de Metroid Fusion, période à laquelle je proclamais Alien le 8° Passager comme mon film préféré.
Au cours d’une rétrospective, il m’aura coûté de me replonger dans ce second opus de la série, tant la forme était rebutante et à des années lumières du charme désuet de Metroid et de la beauté d’une 2D maîtrisée comme celle de Super Metroid.


Sombre et surprenamment mature dans le message qu’il délivre au joueur tant par son pitch minimaliste qu’au travers de son game design et de son sound design, Metroid 2 nous narre l’histoire d’une guerrière née, instrumentalisée par une fédération galactique en proie à une terreur primaire devant une nouvelle menace qu’elle ne comprend pas. Mandatée pour aller traquer chaque individu de cette espèce, Samus se jette dans la gueule du loup et à corps perdu dans une quête génocidaire dont la moralité peut être largement remise en question.
Le changement de posture n’est pas anodin, dans tous les autres Metroid, Samus est la proie. Elle tente de survivre par tous les moyens et de contrecarrer les plans d’une congrégation malfaisante et endiguer du mieux qu’elle peut ses conséquences directes, donnant lieux à des missions vertueuses dont la justesse n’est pas remise en cause.


Samus Returns avait le potentiel de faire découvrir aux plus réticents un épisode fondamental de série Metroid et ce message particulièrement important, étonnamment engagé de la firme de Kyoto. Fondamental, Return of Samus l’était pour son importance scénaristique de premier plan et ses répercussions sur nombre d’épisodes suivants tout comme pour l’apparition de bon nombre de designs et upgrades que l’on retrouvera dans les épisodes suivants de la saga.


Si visuellement, la rénovation de l’esthétique, passant aussi bien par le remplissage des arrière-plans anxiogènes de la version gameboy, le redesign du bestiaire et les modifications des thématiques des différentes zones de SR88 permet de cocher toute les cases du cahier des charges du parfait petit Metroidvania, elle brise de facto la singulière esthétique de l’original pour le faire se rapprocher de n’importe quel autre épisode de la série. Le choix d’une vue 2.5 D, un moteur 3D utilisé en scrolling horizontal, si elle est plutôt bien maîtrisée comme dans le jeu précédant de Mercury Steam, n’atteint jamais la grâce et le cachet des épisodes 2D. Le rendu de l’ensemble s’approche plutôt du travail de la Team Ninja sur Other M (Le Maudit), avec une 3DS qui met toutes ses tripes dans un probable baroud d‘honneur.


Sur le plan du game design, même constat : la lucarne resserrée autour de Samus s’élargit, comme pour donner plus de respiration à un jeu qui misait beaucoup sur l’effet de surprise. Bien entendu, les limitations techniques inhérentes aux capacitées contenues d’une machine aussi modestes qu’un Game Boy n’y étaient pas étrangères, mais ce choix délibéré d’augmenter la taille du sprite du personnage joueur confirme cette volonté de se recentrer sur l’évolution de la jeune guerrière au cours de cette quête, plutôt que de la découverte des entrailles d’une planète, personnage à part entière des jeux Metroid les plus réussis.
La modernisation bienvenue d’un gameplay rigide et archaïque n’aura elle non plus pas été particulièrement soigneuse dans le respect du message du jeu original, car si la fluidité des actions, les petits ajustements et les ajouts au gameplay-type des Metroid 2D sont d’une manière générale plutôt apprécié, bien que je reste particulièrement attaché à Super Metroid et son feeling absolument parfait, Mercury Steam s’est senti obligé d’ajouter 2 éléments qui entrent en totale contradiction avec l’essence même du jeu original et son propos. Dissonance ludo-narrative, vieille garce, tu as encore frappé.
Pourquoi, au grand pourquoi avoir implémenté un système de contre vital dans un jeu ou je suis l’agresseur, l’intrus, l’envahisseur ? Ce changement de paradigme, antithèse absolue de ce que voulait la Metroid Team pour Return of Samus, incarne le sommet de l’incompréhension des développeurs de ce qui caractérisait le jeu original. D’une position pro-active d’agresseur franchement discutable moralement, on progresse vers une attitude d'autodéfense, une mécanique de gameplay qui dédouane le joueur de sa propre responsabilité. Sur les boss, l'enchaînement d’une riposte d’une violence très cinématique renforcera davantage cette révision très contradictoire.


Cette volonté de distordre l’original pour le faire rentrer dans le moule de la série avec un acharnement scolaire me laisse perplexe, surtout quand les développeurs se voulaient rassurant quant au traitement de cette reconstruction du jeu. Ne vous méprenez, j’ai apprécié Metroid : Samus Returns en tant que bon Metroidvania, mais la direction prise par le studio de développement me paraît être une grosse erreur. Pourquoi quitte à modifier le jeu aussi profondément, ne pas en avoir profité pour apporter une petite touche de personnalisation à chaque Metroide que l’on affronte ? Pourquoi ne pas avoir repensé, moins timidement, le level design, quitte à ajouter un vrai backtracking et obligé à véritablement à redécouvrir les zones déjà explorée plutôt que de conserver le caractère archi-linéaire de Metroid 2 ? Pourquoi ne pas avoir jugulé la montée en puissance de Samus qui converge fatalement vers une traversée des derniers stages en mode “bulldozer, vite qu’on en finisse” ?


Parlons également de la bande son de ce remake, qui oscille maladroitement entre excellentes réinterprétations des quelques thèmes originaux et curieux remplissage avec emprunts à la BO de Metroid Prime. Que s’est-il passé ? Au moment de passer gold, l’équipe s’est aperçue qu’il manquait des tracks ? Quel dommage...


Ressortir aujourd’hui un jeu vieux de 26 ans, relativement méconnu et moins apprécié que les autre opus de la série Metroid est parfaitement louable, mais l’exécution un trop peu scolaire mais surtout méchamment hors sujet discrédite ce qui reste une bonne proposition de Mercury Steam pour redonner un peu de vigueur à une série qui n’avait pas produit d’épisode 2D depuis 2004. Le plaisir de jeu est là, le gap qualitatif entre Mirror of Fate et cette nouvelle production est bien perceptible et il est impossible de ne pas ressentir la passion des développeurs espagnols pour cette grande série de jeux d’aventure, en témoignent notamment les 2 boss ajoutés spécifiquement dans ce remake.


Ce qui est le plus dommageable dans cette histoire, et ce qu’explique de façon extrêmement pertinente Mark Brown, c’est qu’à terme ce remake se substituera inévitablement dans la mémoire collective à l’ancien Metroid 2.
Son message profondément moralisateur et finalement très anti-militariste s'estompera donc, tout comme ce statut de vilain petit canard, singularité dans une épopée plus classique.
Dommage, il s’inscrivait parfaitement dans une saga nippone où une chasseuse de prime en sous-vêtement affronte des Kaijus sur fond de réflexion sur la responsabilité de l’activité humaine sur son environnement avec en toile de fond la persistance du traumatisme de la puissance atomique.

YvesSignal
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs jeux Metroid et Les meilleurs jeux vidéo de 2017

Créée

le 9 oct. 2017

Critique lue 453 fois

1 j'aime

Yves_Signal

Écrit par

Critique lue 453 fois

1

D'autres avis sur Metroid: Samus Returns

Metroid: Samus Returns
Vash
8

Metroid de poche 2.0

Avec Metroid Samus Returns, c'est Metroid II Return of Samus qui s'offre un remake de qualité, et dans la lignée de ce qui a été fait précédemment. Pour faire simple, prenez Metroid Zero Mission et...

Par

le 18 sept. 2017

8 j'aime

Metroid: Samus Returns
cosmoschtroumpf
4

Critique de Metroid: Samus Returns par cosmoschtroumpf

Le premier contact avec Metroid Samus Returns est déroutant mais sympathique : une ambiance un peu oppressante et claustrophobique, des ennemis tous très agressifs, un système de combat qui favorise...

le 10 mai 2019

5 j'aime

Metroid: Samus Returns
Ensis
6

Entre révisionnisme et modernité

ATTENTION, CETTE CRITIQUE COMPORTE DES RÉVÉLATIONS SUR LA FIN DU JEU Entre un Other M qui ne met personne d’accord et un Federation Forces qui fait l’unanimité pour les mauvaises raisons, voilà dix...

le 17 avr. 2019

4 j'aime

1

Du même critique

Sekiro: Shadows Die Twice
YvesSignal
10

De gifles et de crocs

Trente-deux heures. Il m'aura fallu trente-deux heures pour arriver aux crédits de Sekiro : Shadow Die Twice. Trente-deux heures en deux jours, pour être plus précis. Je viens de vivre une tranche de...

le 27 mars 2019

45 j'aime

22

Wolfenstein II: The New Colossus
YvesSignal
8

Prendre du plomb dans le ciboulot

Relecture pulp décomplexée du précurseur des jeux d'action à la première personne - que beaucoup prétendent adorer mais auquel personne n'a jamais véritablement joué - The New Order, malgré une...

le 6 nov. 2017

25 j'aime

1

Apex Legends
YvesSignal
9

Dans la famille des BR, je demande le plus affuté

Genre phare de 2018, mais pourtant déjà largement saturé, la famille des Battle Royale n'a cessé de s'agrandir, accueillant toujours plus de rejetons, pas nécessairement bien portants. Largement...

le 12 févr. 2019

21 j'aime

6