Mirror's Edge
7.1
Mirror's Edge

Jeu de DICE et Electronic Arts (2008PC)

Il n'est pas rare que le comportement de mes congénères m'échappe. Pourquoi les victimes d'une catastrophe naturelle survenue sur un territoire séparé du mien par des milliers de kilomètres mériteraient-elles plus de considération que mon voisin salaryman, retrouvé pendu chez lui à cause d'un patron incompétent ? Pourquoi un illettré, n'ayant aucune base grammaticale si ce n'est des flashbacks morcelés de sa vaine et lointaine scolarité, se déciderait-il soudain de noircir des pages afin de vanter les mérites de son dernier produit de consommation de masse favori sur SensCritique ? Pourquoi 9Gag (c'est un nom allemand) est-il le site favori des gens qui ont décidés d'enterrer l'humour au nom de références de références de références ? Pourquoi un titre aussi oubliable que Mirror's Edge est-il considéré comme un classique ?


Car à entendre (et lire) ses adorateurs, je n'ai pas l'impression d'avoir joué au même jeu. C'est pas faute d'avoir fait de mon mieux pour l'apprécier, pourtant. L'idée centrale de "faire Prince Of Persia à la première personne dans un monde futuriste dystopique" est même une idée sympathique, admettons-le. Mais avec une idée aussi casse-gueule, encore faut-il savoir s'y prendre. Ce qui ne semble pas être le cas de DICE. Pour rappel, un bon jeu de plateforme, vue subjective ou non, c'est l'intuitivité des inputs et un level-design adapté. Voilà pourquoi Super Mario Bros est toujours aussi plaisant des décennies après sa sortie. Mirror's Edge n'a pas ces deux fondamentaux nécessaires à sa réussite. Ce que Mario fait en deux boutons, il faut à Faith une palette de touches pour ne serait-ce que sauter par-dessus un échafaudage. Là où Mario progresse aisément à travers l'espace, Faith passe son temps à se péter les tibias et à se démonter les poignets à force de foncer la tête baissée dans les couloirs étriqués ou de sauter du cinquième étage. D'ailleurs, le simple fait d'avoir mis une option pour indiquer plus clairement le chemin à prendre est un bel aveu d'échec. Peut-être que je suis décidément très mauvais dans ce genre de plaisanterie, me direz-vous. Je le suis, assurément. Mais pour ma défense, je dirais que la longévité de 5h n'est pas suffisante pour se familiariser avec la complexité du titre. Peut-être aurait-il été plus judicieux de simplifier les actions, sans tomber dans le côté Uncharted le la plateforme. Ou simplement de rallonger l'expérience de quelques heures. Peut-être aurait-il été plus judicieux de choisir un setting plus irréaliste. J'sais pas, moi, un ninja-cyborg qui peut utiliser ses implants cybernétiques pour accomplir des prouesses athlétiques surhumaines afin de se venger du terrible Dark Lord, seigneur du malin qui a exterminé son peuple et a torturé notre protagoniste pendant des années ? C'est bateau, hein, je suis pas scénariste de jeu vidéo, mais pas beaucoup plus que l'intrigue de Mirror's Edge.


L'intrigue. C'est le deuxième gros problème. Incarner une fugitive d'un système probablement totalitaire et unicolore fait sens. Il y a l'urgence, l'immédiateté de la situation. Mais quitte à y mettre un setting, autant le faire proprement. Parce qu'honnêtement, l'histoire de Faith, la petite fashion-victim en survèt', mocassins Louis Vuitton et aux cheveux parfaitement laqués qui doit sauver sa soeur policière piégée par un type que l'on pensait sympathique (c'est vrai quoi, il a une veste en cuir trop cool), je m'en tamponne. On ne sait pas quels messages les "messagers" sont censés délivrer. Sont-ils postiers ? Sont-ils livreurs de pizzas ? Livrent-ils des colis piégés ? La question se pose. Et que réprime donc ce fameux régime totalitaire qui ne recrute que les brigadiers ayant moins de 5/10ème d'acuité visuel, incapables de trouer la peau d'une anorexique dans un couloir de 6m de large ? Sont-ils contre les pizzas ? Sont-ils contre les postiers ? Sont-ils contre les colis piégés ? Sont-ils contre les baltringues sapées n'importe comment ? Mauvaise foi et blague à part, le monde qui nous est imposé manque de cohérence, rien n'est expliqué, et l'intrigue est cousu de fils aussi blancs que les très moches textures des immeubles. Il existait une solution pourtant très simple: ne pas s'encombrer de contraintes scénaristiques, ou alors s'appuyer sur une base très mince, et se concentrer sur le gameplay. Faire ce que fait Mario, en sorte.


Mais je comprend ce qui plaît tant dans Mirror's Edge, c'est son concept presque novateur. Même s'il est raté. A mon sens, du moins. Il y a bien quelques instants où cette combinaison de touches improbables s'harmonisent parfaitement avec les structures simplistes d'un niveau, où la sensation de vitesse et la facilité avec laquelle on se faufile entre les policiers myopes et les poutrelles prennent forme. Mais le reste du temps, pas la peine d'y penser.
Ca, et peut-être aussi un manque de culture vidéoludique de la part des joueurs. Après, c'que j'en dis...

Rn_Ganon
5
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le 10 sept. 2017

Critique lue 210 fois

Rèné_Ganon

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