NieR: Automata
8.1
NieR: Automata

Jeu de Platinum Games, Yoko Taro et Square Enix (2017PlayStation 4)

Attention, les lignes qui suivent vont divulguer sans vergogne l’intrigue du jeu. Vous êtes prévenus.


J’ai enfin terminé Nier Automata.


J’insiste pour placer cette phrase comme ouverture tant il m’est bon de mettre enfin un point à cette aventure. Il en est des jeux/films/oeuvres où l’enthousiasme général vous pousse presque contre votre volonté, par une euphorie contagieuse, à vous jeter sur le contenu en question.
Et rarement une hype ne m’aura autant mis en faux que sur Nier Automata.


Avant de me tomber dessus à bras raccourcis, sachez que j’ai bien terminé l’aventure telle qu’elle l’était prévue, des “fins” A à E, sans compter quelques autres fins, bonus (et plus de 80% des quêtes secondaires).


Tout d’abord, commençons par l’évidence et ce qui subjugue le plus dans ce jeu : ses musiques. Délice auditif de début à la fin, les compositions qui parsèment le jeu s’adaptent surtout de façon dynamique à l’action, tantôt plus douces, tantôt plus nerveuses, avec même des versions chip tune lors des phases de “hacking”. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de simplement poser la manette et d’apprécier le thème en cours, le niveau de la fête foraine vient immédiatement en tête par exemple.


Je pourrais aussi vous dire que les combats, dans un plus pur style Platinum s’enchaînent avec plaisir, mais ce serait déjà trahir mon véritable ressenti. Car avec seulement 4 types d’armes (donc 4 modèles d’animation) et très peu de possibilités de combo, on se retrouve à simplement bourriner la même chose, aucun ennemi ne nécessitant de varier ses attaques, et pire, les armes de départ, seules que j’ai pu réussir à upgrader rapidement, ont par conséquence toujours été les plus efficaces.
Car c’est là mon premier grief de taille avec ce jeu, le loot abondant, inutile et chronophage.


Je n’ai réussi à apprécier le jeu qu’une fois engagé dans la route C (après presque 20h), le module “auto pick-up” acheté, permettant enfin de sortir de ce cercle insupportable de cassure du rythme, pour mitrailler O afin de récupérer son dû. Une fois l’aspect collecte automatisé, on peut se concentrer sur les combats uniquement et là, le plaisir revient. Quel intérêt y avait-il à mettre la collecte d’items sur un bouton, je me le demande encore...


Sans compter que malgré la montagne d’objets ramassés, jamais ceux nécessaires pour monter à niveau ses armes, ou ses pods, ne me furent disponibles, et ce jusqu’aux 3-4 dernières heures du jeu (quand, par hasard, Emil m’a proposé autre chose que les puces toutes nazes qu’il vendait d’habitude).
C’est un défaut qu’on retrouvait dans Demon’s Souls et Dark Souls par extension, cette abondance de matériaux à accumuler jusqu’à plus soif pour espérer peut-être enfin monter en niveau ses armes, et la nécessité d’aller fouiner sur le net pour savoir quel ennemi va peut-être dropper tel item.


Continuons sur les griefs, avec un autre rarement mentionné : la technique à la ramasse totale. Joué sur PS4 normale (pas sur PC, sachant les risques de non compatibilité avec ma CG, et que le jeu n’a pas été patché depuis sa sortie…), le jeu se met à ramer terriblement dans certaines zones (la forêt, oscour), au point de ne plus répondre aux commandes, d’avoir de nombreux “sauts” de caméra dûs à la chute du frame rate. Et enfin surtout, des loading interminables. Tellement qu’une fois le fast travel débloqué, il est préférable de se rendre dans certaines zones proches à pinces, ce qui sera moins long qu’un loading.


Quand on sait que les quêtes secondaires sont principalement des quêtes FedEx toutes fades, et comme le combat est loin d’apporter le challenge ou la jouissance d’un Bayonetta (tout frais dans ma mémoire, merci à la ressortie Steam), on touche là dans ce qui achève le jeu pour moi : la répétition jusqu’au dégoût.
C’est simple, jouer et terminer Nier Automata, se retaper entièrement le jeu une seconde fois avec un perso moins intéressant à manier, c’est du niveau “saisie de données” du travail. Un labeur ingrat et répétitif, dont on ne veut qu’une chose : en terminer, au plus vite.


Mais alors pourquoi s’accrocher à ce jeu, si chaque minute passée dedans me semblait si pénible ? Eh bien, pour cette fameuse histoire ! Ce petit bijou de narration, construit comme un mille feuilles à explorer jusqu’au bout, même si cela implique se faire violence et se manger plusieurs fois le jeu en entier.
Tout du moins, c’est ce qu’on m’avait vendu.


Car la manette posée après le dernier générique de fin, et attendez-vous à le voir un paquet de fois, tel un running gag gênant, l’impression d’esbroufe est toujours là.


Rien ne marche dans l’univers de Nier Automata.


Les règles s’appliquant aux personnages changent autant de fois qu’un deus ex machina est nécessaire pour faire avancer le scénario. Il ne reste qu’une multitude de questions sans-réponses, ou pire, cachées dans les wiki dédiés à la série, car en référence à Nier premier du nom, lui-même en référence à Drakengard.


Entrons maintenant dans la zone gros spoiler.


Commençons par le début et ce qui cloche. Les androïdes.
Dès les première minutes du jeu, on comprend qu’ils sont immortels, car disposant d’une “sauvegarde” placée bien au chaud dans leur base en orbite. Ce qui détruit, dès le début, l’enjeu de la mort. Car après tout, même dans le gameplay, quand vous mourrez, vous pouvez aller récupérer votre corps là où vous avez péri.
Pourquoi donc cette fin A, où on veut nous faire croire la mort imminente de 9S si tragique.
“Tu ne seras plus le toi de maintenant” dit 2B.
Cela implique-t-il une perte de soi à chaque nouveau corps ?
En revenant sur le début du jeu, on peut le penser, mais ce n’est jamais approfondi.
Puis, 9S revient flambant neuf dès le début de la route C, sans aucune mention de son passage dans le corps d’une machine, ce qui finit de montrer l’inutilité de ce passage.
Les androïdes ne sont au final pas plus des androïdes que des IA habitant des corps de metal.


D’ailleurs, où sont produits les corps des androïdes ?
On nous pond des nouveaux corps sur demande pour les héros, mais pas pour les autres, les pauvres résistants qui ont peur de se battre et mourir. Mais pourquoi ?
Pourquoi Anémone et son unité à Pearl Harbor vont mourir, alors qu’on peut reproduire des 2B/9S à la pelle ?
Aussi, où se cache leur usine à corps, quelque part sur le satellite ?
On veut nous choquer avec des scènes où s’entassent des corps d’androïdes, mais encore une fois, si ceux-ci ont une conscience bien au chaud dans un serveur au loin, ce ramassis de métal ne devrait avoir aucune valeur sentimentale.
Tout ça n’est que peu clair, de même que la répartition de la population. L’histoire est centrée sur une ville en ruine où l’avenir du monde semble se jouer, mais à plusieurs reprises, des androïdes alliés ou ennemis sortent de nulle part, comme s’il n’y avait pas que la zone de jeu dans ce monde.


Autres soucis majeur, les capacités des androïdes. Jamais explicitées, à tel point que 9S fera nombre de tours de passe-passe à coup de jargon de hacker pour se sortir de certaines situations. Nombre de fois, j’ai eu envie de hurler à l’écran “mais pourquoi t’as pas fait ça avant !?”.


Passons enfin au gros du scénario. Je me demande encore où est le twist de génie qui a fait tant couler d’encre sur la qualité du jeu. Le twist de l’extinction des hommes est aussi évident que celui dans Oblivion avec Tom Cruise. C’est un peu le niveau 1 en termes d’écriture S-F.
Quel autre twist reste-t-il pour étonner ? Le fait que 2B soit 2E (holà… grosse révélation) et son but de tuer 9S ad vitam eternam à chaque fois qu’il découvre le pot-aux-roses ?
Mais alors pourquoi reproduire 9S à nouveau ? Pourquoi 2B garde-t-elle ça en mémoire (ou pas) ?
Dernière révélation en carton, même pas exploitée : les YoRHa ont leur boîte noire fabriquée avec des morceaux de machines (“機械生命体” ou “machine lifeforms” en US). Mis à part expliquer comment 9S passe un instant dans le corps des machines, ce n’est jamais approfondi. D’ailleurs que sont vraiment ces boîtes noires, quels impact ont-elles sur la personnalité des androïdes YoRHa, mis à part leur offrir un moyen d’auto destruction efficace ?


Et enfin ce qui m’a fait le plus hurler dans toute cette incohérence : QUI planifie ce magnifique plan YoRHa ? Quel est ce conseil de l’ombre qui a tout prévu, jusqu’à son auto-destruction, jusqu’à cacher ses desseins aux commandants les plus hauts placés ? Y’a-t-il une hiérarchie androïde cachée qu’on ne nous présente jamais ?
Cela rejoint le point du dessus d’avoir l’impression d’être au centre du monde pendant une grande partie du jeu, avant de se faire rappeler à l’ordre qu’il se passe toute une autre histoire hors champ, avec les principaux antagonistes au final jamais révélés...


Dans les autres choses pénibles, les références à Nier premier du nom, avec les notes optionnelles sur le “Projet Gestalt”, floues au possible : qu’est-ce qu’un Gestalt (on peut deviner) ou un Replicant ? En plus les-dites notes sont bien cachées un peu partout dans le jeu. Il faut vraiment avoir une bonne connaissance de Nier 1 pour comprendre le pourquoi de l’extinction des hommes et tout l’arc sur Devola & Popola, quel dommage.
Dans un plus pur style MGS5, certaines infos sont reçues par les personnages, qui réagissent aux révélations, mais le joueur doit lui attendre la fin de la cinématique (voir la fin du jeu) pour aller fouiner dans les menus et trouver le mémo en question (End of YoRHa par exemple). Pourquoi ? Quand certains mémos poppent au premier plan pendant d’autres passages du jeu...


Seul bon point de l’histoire, la jolie mise en abyme avec les Pods qui prennent conscience de la vie et perpétue le cycle de créateur/création. L'esprit Jurassic Park est là : "la vie trouve toujours son chemin". J’aurais aimé avoir un peu plus de matière là-dedans, espérant même jusqu’à un twist fou où l’on découvre que ce sont les Pods qui tirent les ficelles dans l’ombre.


Par contre, les fameuses vraies fins C, D et E ne sont que des pieds-de-nez à tous ceux cherchant un quelconque besoin de dénouement. Seul le générique de la fin E apporte une touche de frais, et le sacrifice final demandé rejoint certains projets fous d’avoir des jeux qui s’auto-détruisent/s'effacent à la fin. (je pense que Kojima par ex. avait eu lui aussi cette idée)


Bref, en tant que très gros lecteur de littérature SF, Nier Automata m’a clairement laissé sur ma faim. Je trouve que Dans Simmons, dans son diptyque Hypérion ou dans Ilium/Olympos, traite bien mieux certains sujets similaires : l’évolution de l’humanité, le transhumanisme, la condition des machines, des IA, des cyborgs, l'ajout de philosophes et poètes dans l'intrigue, et j’en passe.


Au final, Nier aurait pu être un sympathique passe temps, un beat’em all avec pour une fois une histoire qui n’est pas ni complètement doux-dingue (DMC, Bayonetta) ni totalement "over the top" (God of War).
Mais la méga-hype sur le titre a fini par décupler mes attentes et me laisser un goût amer. La route B, totalement inutile et chronophage m’a dégoûté du jeu, après déjà une fin A qui tombe comme un cheveu sur la soupe, alors qu’une narration alternée aurait été la bienvenue comme sur la route C/D, bien plus appréciable.


Si vous avez lu ce pataquès de critique jusqu’au bout, sans avoir touché au jeu, retenez une chose : Nier Automata est un de ces jeux AA qui manque de peu d’être exceptionnel. Faites fi de l’aura de culte qui l’entoure et laissez-vous enchanter par la musique qui mérite à elle seule l’achat du jeu.
Si par contre vous êtes à la recherche de quelque chose qui va bouleverser votre vision des jeux-vidéo en vous offrant un challenge ludique et narratif, passez votre chemin.

DilonInJapan
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le 19 déc. 2017

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