NieR: Automata
8.1
NieR: Automata

Jeu de Platinum Games, Yoko Taro et Square Enix (2017PlayStation 4)

En l'an de grâce 2010 arriva sur nos consoles de 7éme génération (ou du moins sur celle des curieux lui ayant laissé une chance) Nier premier du nom. Développé par le désormais fermé studio Cavia et distribué par Square Enix, Nier est un action RPG au budget plutôt modeste. Et pour cause, la plastique du jeu n'est pas des plus attirantes tant le jeu aurait pu sortir sur PS2. Et tout ceux qui lui auront tourné le dos sont passés sans même le savoir à coté d'une aventure inoubliable... vraiment inoubliable. Car au delà des apparences, le jeu propose un scénario très bien fichu, du genre à alimenter et faire vivre des forums de discussions en spéculant sur son univers. Le jeu possède également une bande son unique. Composée par Keichi Okabe, celle ci propose de nombreux morceaux chantés par la talentueuse Emi Evans, et cela même en pleine phase de jeu. Un choix assez étrange dans le petit monde codifié du jeu vidéo qui confère au titre une identité extrêmement forte. Les pièces musicales d'anthologies se succèdent jusqu'à la fin. L'OST du premier opus est une des plus appréciés par les joueurs du monde entier. Enfin il avait aussi pour lui une galerie de personnages attachants et plus complexe que les stéréotypes du JRPG habituel. Des qualités essentielles et souvent recherchées dans le jeu de rôle.
Mais commercialement le jeu n'aura pas eu le succès escompté, la presse lui reprochant son esthétique dépassée et un système de jeu assez arcade et déroutant. Pourtant Nier c'est finalement plus que ça...

YOKO TARO

Nier c'est aussi son créateur fou : Yoko Taro. Personnage original s'il en est, le monsieur ne se montre jamais à visage découvert puisqu'il arbore un masque étrange à l'effigie d'un personnage du premier Nier. De plus il suffit de lire une interview du personnage pour comprendre qu'effectivement, nous avons à faire à une curiosité dans le paysage vidéo ludique. A la fois désabusé, pragmatique, poétique ou visionnaire, Yoko Taro donnera finalement à ses jeux un soupçon de son âme et de sa variété. A l'image d'un Fumito Ueda ou d'un Hideo Kojima, le créateur est indissociable de ses créations. Déjà à l'œuvre sur le premier Nier mais aussi sur la série des Drakengard (dont l'univers semble lié à Nier et former une seule et même mythologie), Yoko Taro annonce contre toute attente lors de l'E3 2015 une "suite" à Nier : Nier Automata.

Et c'est lors de ce premier trailer que la machine s'emballe. En dépit d'un relatif échec commercial mais fort d'une communauté passionné ayant perpétué la légende, le nom de Nier résonne dans les oreilles des joueurs. Une suite inespérée pour les fans le la première heure et une occasion de rattrapage sur un second opus pour les autres. La bande annonce nous présente son personnage principale, féminin cette fois ci, au design marqué et osé dans la plus pure tradition des productions japonaise. Deuxième source d'enthousiasme, c'est Platinum Games qui développera le jeu. Créateur notamment des excellents Bayonetta et véritable maitre en matière d'action frénétique, Platinum Games c'est la promesse d'un système de combat dynamique et carré. C'est un choix judicieux puisque c'est ce qui faisait défaut au premier opus. Et enfin, le jeu sera toujours orchestré par Yoko Taro, la bande son toujours au main virtuose de Keichi Okabe et au chant cristallin de Emi Evans.

Bref les astres sont alignés pour une suite qui pourrait transcender le matériau original : Sublime mais rugueux.

Calé pour une sortie le 23 février 2017 au japon, c'est le 10 Mars 2017 que nous, européen, pouvons enfin vivre l'aventure Nier Automata.

2B, 9S, A2 .... TOUCHÉ COULÉ

Des machines ont pris le contrôle de la Terre poussant l'humanité à se réfugier sur la Lune. Depuis une base située en Orbite, l'organisation Yorha composée d'Androïdes envoie des unités en missions sur Terre afin de mener à bien sa reconquête. Ainsi à terme, l'Homme pourra quitter la Lune où il s'est exilé et retourner sur sa planète natale. Vous Incarnez l'Androïde de Combat 2B, en pleine mission de reconnaissance et qui sera rapidement rejointe (contre son gré) d'un autre androïde : 9S. Ce dernier étant plutôt un androïde prédisposé au soutient logistique, hacking etc... Dans leur quête ils feront également la connaissance de A2, une androïde renégate et taciturne. L'aventure les amènera à devoir découvrir la nature de leurs ennemis, leurs buts, à s'interroger sur leur condition d'androïdes etc... Le jeu soulève un nombre considérable de question métaphysique desquels aucune réponse ferme ne peut découler. C'est tout le talent de Yoko Taro de traiter ses sujets avec brio tout en esquivant les réponses archétypales. La question de la condition robotique a été soulevée à mainte reprise et cela depuis de longues années. Isaac Asimov dans la littérature par exemple mais aussi dans le cinéma, les séries télévisées... Le thème est pour le moins à la mode.

Plus qu'un message binaire, Yoko Taro livre ici une analyse fine, pertinente, qui allie psychologie et philosophie. D'ailleurs il est intéressant de constater que nombre de personnage porte le nom de philosophe ou d'écrivain traitant les questions existentielles : Marx, Beauvoir, Engels, Hegel, Jean Paul Sartre... Des détails jamais anodin qui s'offre à l'œil observateur. Certaine séquence parfaitement optionnelle offre des scènes troublantes remettant en cause nos actes et notre façon de jouer. Il faut adhérer au partie pris métaphysique car la ou certains y trouveront un coté prétentieux, j'y vois du génie et une opportunité de bousculer le média. Le scénario et l'écriture sont encore une fois un des points fort de ce second opus.

DANSE AVEC LES SABRES

Ce qui frappe des les premières secondes manette en main c'est l'aisance avec laquelle le personnage se déplace et répond aux commandes. Le travail de Platinum Game se fait ici ressentir et le résultat est d'une fluidité qui ne sera jamais prise en défaut (60 images par seconde s'il vous plait). Quel régal d'avoir des déplacements rapides. Il suffit d'appuyer sur quelques boutons pour enchainer un combo aux airs de ballet virtuose et destructeur. Le simple fait de diriger le personnage est un plaisir en soit et on prend toute la pleine mesure du choix judicieux du studio. Les combats gagnent ainsi en dynamisme et surtout en précision. Mention spéciale aux combats de Boss, véritable moments de bravoure donnant toute ses lettres de noblesse au mot : épique.

Une des particularités du premier opus était ses changements de caméra faisant basculer le jeu dans des phases différentes. Un changement de caméra et hop, vous passez d'une exploration en 3D a un passage en scrolling horizontal (perso ne se déplaçant que de gauche à droite, à la mario) puis revenant à la normale. Le jeu retrouve également ses phases de Shoot Them Up / Bullet Hell via l'utilisation des méchas (robots). Ces phases de tirs débridées ont le bon gout de ne pas se répéter au delà du raisonnable apportant une variété de jouabilité et de situation appréciable. D'autant qu'elles sont réussis.

Le monde de Nier Automata est à l'image de celui du premier Nier, à savoir d'une taille plutôt modeste. Ne vous attendez pas à avoir une carte du monde à parcourir débordant de secrets. Ici le monde a une structure en étoile, à savoir une zone centrale de laquelle l'on accède à toute les autres selon la direction choisie. Ce qui joue probablement en la défaveur d'un monde "cohérent" à cause de ce découpage. Exemple : Au nord le désert, à l'Est l'Usine etc... Vous avez saisi le principe. De plus le tout est assez vide par nature, univers post apocalyptique oblige. La direction artistique aura plus de poids que la technique. Car même si les animations sont parmi les plus belles qu'il m'ait été donné de voir, la richesse visuelle, elle, s'en tient au minimum. Je n'aurai personnellement pas sacrifié les 60 images par secondes contre quelques polygones de plus. Le cœur du jeu est ailleurs...

UNE HISTOIRE, PLUSIEURS VERSIONS

Originalité du créateur, ce dernier aime exiger du joueur qu'il parcourt plusieurs fois l'aventure afin d'en saisir tout le sens. Lorsque les crédits de fin apparaissent pour la première fois vous n'avez absolument pas fini le jeu, loin de la. La quasi totalité de vos questions sur la trame scénaristique resteront sans réponse à ce moment. C'est par la multiplication des points de vues que l'œuvre se dévoile. Ainsi il vous sera demandé de refaire le jeu (cependant toute vos quêtes annexes seront conservées) avec un autre personnage afin de voir l'aventure d'un autre œil, notamment via des scènes supplémentaires... Bien que ce second tour soit dans les grandes lignes identiques au premier il conserve un intérêt : Premièrement scénaristique, mais également dans son gameplay par l'ajout d'une nouvelle mécanique de jeu inédite purement et simplement brillante...
A la fin de ce 2éme Run, le 3éme totalement inédit et s'apparentant à la conclusion de l'histoire se débloquera.

Si sur le papier cela peut inspirer de la répétitivité sachez qu'il n'en est rien. Le processus est complexe à décrire mais se vit logiquement dans le jeu. Comptez sur environ 40/60 Heures pour voir la totalité du jeu (selon votre propension à faire les quêtes annexes).

REQUIEM FOR A DREAM

Parlons maintenant de la bande son. Si succéder à une bande son culte est toujours délicat, le virtuose Keichi Okabe et la voix sublime de Emi Evans font une fois encore mouche. Que ce soit les thèmes d'ambiance (Le Parc d'attraction, Le Camp de la Resistance...) ou dans les thèmes des combats (euh... Tous ?) en passant par le thème "Weight of The World" qui vous étreint littéralement le cœur à chaque Fin du jeu, tout ou presque de cette OST confine à l'excellence. Je ne résiste pas à l'envie de partager quelques morceaux ici, faites vous plaisir :

https://www.youtube.com/watch?v=BAObwjP2bFc

https://www.youtube.com/watch?v=uUmktoDFFKM

https://www.youtube.com/watch?v=9y8GLHLOCbk

PHILO DE ROBOTS

Qu'on l'aime ou pas ,il faut bien reconnaitre que la saga Nier est particulière dans le jeux vidéo. Elle porte en son ADN la pluralité des influences de son créateur. Original de la bande pour certains, Génie schizophrène pour d'autres. Yoko Taro ne ménage pas son audience par ses choix tranchés. Il exige du joueur un investissement intellectuel certain pour saisir toute la portée de son message. Primant le fond avant toute chose, il a pu avec cet "Automata" également améliorer la forme. Il se dégage de Nier Automata une tristesse profonde, un pessimisme ambiant. L'appréciation du jeu passera avant tout par le degrés de sensibilité du joueur. Sa capacité à voir la beauté lorsqu'elle implique d'être cachée et déverrouillée par l'introspection, loin des émotions simples et immédiates.
Nier Automata est la synergie de son propos, de ses musiques, de ses personnages. Formant un tout cohérent où chaque idée a eu droit à un traitement adroit, évitant d'en faire trop, sachant user de silence évocateurs. Il m'a offert une poignée d'heures qui ont provoquées tant de questionnements, il m'a offert des personnages que je n'oublierai jamais, il m'a offert une OST qui m'accompagne encore un an plus tard. Un Grand Jeu.
Et si j'y retournais ?

Joo-Hwan
9
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les Joo-Hwan Awards 2017, Journal d'un dévoreur de J-RPG et Mon Top 100 Jeu Vidéo

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le 7 juin 2023

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Joo-Hwan

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