NieR: Automata
8.1
NieR: Automata

Jeu de Platinum Games, Yoko Taro et Square Enix (2017PlayStation 4)

En plus de deux ans, je n’ai jamais réussi à parler de Nier Automata. Je n’ai jamais trouvé les mots, et ce n’est pas faute d’avoir fait partie de l’inébranlable defense force de son prédécesseur, before it was cool. Ah il est loin le temps où Nier c’était de niche. Automata, tout le monde en a parlé, ironique pour un jeu qui laisse sans voix. Il a été si discuté et disséqué qu’on peut se demander s’il reste encore des choses à en dire.


Je me rappelle encore de l’annonce. Un second Nier, c’était déjà réjouissant. Platinum Games en renfort, c’était fou. Bon dieu, on sortait tout juste de Bayonetta 2. Puis pour le premier trailer, Keiichi Okabe a vite annoncé la couleur avec des chœurs que Ghost in the Shell n’aurait pas renié. Pour un jeu où des androïdes et des robots se disputent autour de l’idée d’humanité, c’était un parallèle appréciable et prometteur. À côté du trailer de l’E3 2016, ce n’était encore rien. Trois minutes de combat de boss, sans coupure, sans fioritures. Un combat comme il y en aurait pourtant des tas, un chapitre parmi d’autres. Sauf que tout Nier Automata tient dans ce combat contre Beauvoir.


Un peu comme le jeu, il sort de nulle part. Un rideau s’ouvre, une cantatrice robot chante quelques notes et se jette sur nos héros pour les déboulonner alors que des chœurs s’élancent de leur côté. La séquence a quelque chose de magique : les attaques se suivent sans se répéter, en collant à l’incroyable musique. C’était une vitrine trop belle pour être vraie. Même sans montage, tout était trop calibré.


On ne me la fait pas, j’ai vu le Godzilla de 2014. Je revois ce premier trailer avec une séquence faite sur mesure et qui perdait son sens une fois intégrée au film. Mais quand le jeu sort, et que Beauvoir commence son petit numéro, elle respecte à la lettre la chorégraphie. Contre toute attente, sa première phase est bien calée sur la musique. L’effet n’en est que décuplé maintenant que c’est pour de vrai. Elle a tant de patterns qu’elle prend le temps de les présenter, les besoins de la mise en scène et du gameplay tombent d’accord. Il y a de tout dans ces coups : corps à corps, projectiles rapides, et surtout ces rideaux de grosses balles lentes. Dans ce seul combat, il y a plus de danmaku que dans tout le premier Nier dont c’était pourtant déjà la signature. Mélanger de l’action RPG avec la variante la plus graphique du shoot’em up, ça marque, et c’est un terrain de jeu pour Platinum qui deviendra ensuite le nôtre.


Automata reprend beaucoup au premier Nier, quitte à frôler à l’occasion le statut de remake de luxe. Après tout, ces idées sont toujours bonnes la seconde fois, et pour la majorité, c’est la première. Il suffit de voir cette caméra changer d’angle d’elle-même pour se sentir chez soi, quand elle passe par exemple au dessus afin de sublimer l’esthétique danmaku d’un pattern de Beauvoir. On est tellement chez soi qu’on ne se sent jamais en danger. Platinum a tellement polit le jeu qu’en difficulté normale, on glisse trop facilement dessus. Dommage que le difficile soit, lui, trop vite trop rude, laissant le vétéran sans juste milieu.


Lorsque le combat s’achève, c’est en fait loin d’être fini. Après le générique de fin, il y a la « route B », et l’histoire se répète. Une tradition, chez Nier et Platinum. Pour le premier c’était un moyen de recycler habillement et compenser de faibles moyens. Pour le second, c’est cet héritage de l’arcade pour mettre en lumière la profondeur des mécaniques. Certes, Automata n’est pas Bayonetta, c’est un action-rpg. C’est donc plutôt avec un nouveau personnage jouable qu’il compense, celui qui n’était que sidekick et finalement vole la vedette tout en apportant avec lui un pan de gameplay que l’on n’avait fait qu’effleurer. Un gameplay qui renouvelle Nier tout en restant dans sa continuité.


C’est dans cette répétition que le jeu prend tout son sens. Parce que les choses ne sont plus vraiment les mêmes. On ne joue plus comme avant, des séquences diffèrent ou de nouvelles apparaissent, comme ces passages de pur texte conspués dans le premier jeu (donc deux fois plus nombreux ici). C’est toujours malin, revivre l’histoire n’a jamais été aussi peu une pirouette économique. Mais surtout, on voit à travers d’autres yeux, et là ça change tout. Le background approfondi, les retrouvailles avec Beauvoir ne sont que plus tragiques. Combattre des boss qui auraient surtout besoin d’un gros câlin, c’est aussi ça l’esprit Nier. Pas de chance, on n’est pas dans Undertale, malgré les airs. Nier est un rude héritier de Shadow of the Colossus, le genre de jeu qui appelle à la violence avant de mieux nous mettre le nez dans notre propre monstruosité. On ne spoilera pas l’histoire de Beauvoir, mais vous l’avez compris : elle est triste, mélancolique et injuste. Une histoire où le désespoir lui donne la réplique. C’est un leitmotiv du réalisateur : admirer des êtres sombrer dans la folie quand leur monde s’effondre. Souvent, ce monde, ce sont d’autres individus. Leçon numéro 1 du guide de survie en territoire Taro Yoko : se méfier des duos de personnages.


Par chance, l’histoire se termine mieux pour Automata que pour Beauvoir. Son succès en est la preuve. Peut-être que finalement, elle n’incarne pas tout le jeu à elle seule, et qu’il y a encore des tas de choses à découvrir. Après tout, cette séquence manquait cruellement de beaux jumeaux torse nu.

Ensis
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 23 mars 2019

Critique lue 475 fois

3 j'aime

Ensis

Écrit par

Critique lue 475 fois

3

D'autres avis sur NieR: Automata

NieR: Automata
LaVeine
9

Gloire à l'humanité

J’en ai bouffé du NieR, ces derniers temps. Pour tout vous dire, quand j’ai vu les trailers de ce NieR Automata, j’me suis dit que j’allais clairement le sécher, mais comme j’aime faire les choses...

le 13 mars 2017

51 j'aime

19

NieR: Automata
DilonInJapan
5

You Can [Not] Redo

Attention, les lignes qui suivent vont divulguer sans vergogne l’intrigue du jeu. Vous êtes prévenus. J’ai enfin terminé Nier Automata. J’insiste pour placer cette phrase comme ouverture tant il...

le 19 déc. 2017

46 j'aime

4

NieR: Automata
Nadium
5

Oscillation entre un chaud et un froid métallique

Quitte à m’attirer les foudres des adorateurs, autant l’annoncer tout de suite : je n’ai pas aimé Nier Automata autant que je ne l’aurais espéré. Il faut dire que je m’y suis mis après avoir platiné...

le 3 avr. 2017

40 j'aime

9

Du même critique

Metroid: Samus Returns
Ensis
6

Entre révisionnisme et modernité

ATTENTION, CETTE CRITIQUE COMPORTE DES RÉVÉLATIONS SUR LA FIN DU JEU Entre un Other M qui ne met personne d’accord et un Federation Forces qui fait l’unanimité pour les mauvaises raisons, voilà dix...

le 17 avr. 2019

4 j'aime

1

Persona 5
Ensis
8

Passage à l'âge adulte

Dans la vie de toute saga de niche, il arrive que les astres s’alignent et qu’un épisode ait la possibilité de devenir la coqueluche du public. Persona 5, entre dungeon-RPG et psychanalyse nekketsu,...

le 7 mai 2019

3 j'aime

1

NieR: Automata
Ensis
8

En voiture, Simone

En plus de deux ans, je n’ai jamais réussi à parler de Nier Automata. Je n’ai jamais trouvé les mots, et ce n’est pas faute d’avoir fait partie de l’inébranlable defense force de son prédécesseur,...

le 23 mars 2019

3 j'aime