Ce jeu est un mélange de coups sympas et de trucs un peu loupés.
Déjà, le thème. Je suis parti dans Oxenfree sans trop savoir à quoi m'attendre. Il s'avère que c'est du paranormal. Aïe : je déteste le paranormal. Non seulement ça fourmille de clichés, mais surtout, ça rend tout possible, et ça ruine toute forme de tension parce qu'on sait jamais si ce à quoi on vient d'assister est réel ou une illusion. Un perso se suicide ? Ah non, ce n'était qu'un mirage. Un arbre se transforme en dragon et avale l'île ? Ah non, ce n'était qu'un cauchemar. Donald Trump gagne la présidentielle ? Ah non, c'est... hum.
Bref, déjà ça partait mal là dessus, et en effet, le jeu joue à fond sur ces ressorts. Trucs chelous qui se passent mais qui à la fois ne se passent pas vraiment, time loops, flashs étranges, lumières inquiétantes, radio qui fait peur, tout le florilège du paranormal y est.
Ce qui sauve Oxenfree, c'est que les persos sont sympas. On part d'un premisse hyper classique (des ados sur une plage d'une île déserte bien partis pour se la mettre sévère, le tout préchargé de tensions sexuelles et de rivalités, bref le El Clásico du slasher quoi), mais les persos se révèlent être relativement matures et intéressants, avec des backgrounds pas dégueulasses et une approche assez rationnelle aux problèmes qu'ils rencontrent. Dans quasiment chacun des dialogues proposés, y'a toujours un truc où je me suis dit "tient, j'aurais eu la même réaction".
Les dialogues, parlons en. C'est à la fois la force du jeu et une source constante d'irritation. Contrairement à l'immense majorité des jeux où on suit un système disons de "pièce de théâtre" – perso A dit un truc, perso B répond un truc, et ainsi de suite et si on est sage, au bout d'un moment on a le choix entre plusieurs réponses – les dialogues dans Oxenfree sont beaucoup plus fluides. Les gens parlent, et on peut - ou non - intervenir avec notre opinion. Le problème, c'est que c'est la seule façon qu'on peut parler. On peut pas juste attendre son tour dans la conversation et choisir que dire. Quand le jeu propose des bulles de dialogue à choisir, on a entre 5 et 10 secondes pour en choisir une sinon les bulles disparaissent. Forcément, l'instinct de joueur pousse à vouloir choisir un dialogue le plus souvent, ce qui fait qu'on se retrouve constamment à couper la parole à tout le monde. Car oui : de temps en temps notre perso attend que les autres aient fini leur phrase pour intervenir, mais le plus souvent ça coupe net le dialogue en cours pour imposer le notre. Parfois l'effet rend bien : le groupe se chamaille, notre perso coupe le truc pour dire à tout le monde se la fermer. Niquel. Mais dans la majorité des cas, ça parait juste hyper impoli ou non naturel.
Un autre truc qui peut couper les dialogues comme ça, c'est qu'on n'est pas immobilisé dans une cut scene pendant que les gens parlent. Notre perso peut se déplacer à droite à gauche, faire d'autres trucs, etc. Du coup ça arrive très fréquemment que l'on déclenche accidentellement le dialogue suivant (par example en avançant trop loin dans le niveau), ce qui passe direct le dialogue existant. Là encore, des fois c'est pas mal : les filles parlent de leurs vacances ou whatever, et d'un seul coup elles tombent sur un truc choquant, et la réaction prend le pas sur la discussion triviale. Ok, ça arriverait en réalité également. Mais souvent, ça parait juste bizarre.
On peut pas nier en tout cas que ça rend les dialogues dynamiques, malgré la masse de texte enregistrée dans le jeu. Là où un modèle classique voudrait dire des cinématiques interminables et omniprésentes qui ruineraient le rythme du jeu, le système Oxenfree permet de rendre la narration supportable. Le problème c'est que c'est stressant : on a constamment l'impression de rater des trucs quand on se trouve forcé à interrompre quelqu'un pour en placer une. Le jeu impose son rythme dans les dialogues; on peut pas juste attendre sur une bulle de dialogue et se demander quoi faire, mijoter ce qui vient de se produire, ou aller chercher une bière : non, il faut direct répondre, être du tac au tac. Ça rend les dialogues plutôt réaliste (là encore, quand ils ne sont pas rudement coupés par notre perso ou les circonstances), mais ça peut être frustrant. Comme dans la vraie vie, en somme.