Simplement pour donner le contexte, j'ai joué à "Pubegé" sur Xbox One dans sa dernière version en date (à priori le patch 15 de Juin 2018). Au moment où j'écris ceci, j'ai joué environ 150 parties, en solo principalement. Les parties techniques et de prise en main de ma critique sont donc relatives à la console et au jeu à la manette ET en "early access".


Depuis qu'un ami m'a fait découvrir Battle Royale de Fukazaku il y a de ça quinze ans, j'ai un peu rêvé d'une adaptation en jeu vidéo du concept. Le caractère aléatoire des armes, le côté "boss" à battre au fur et à mesure, et l'île qui pourrait être une excellente excuse diégétique pour créer un monde ouvert "fermé" (je suis grave en forme pour la sémantique), j'imaginais tout ça comme une transposition facile et m'étonnait, même des années plus tard, que personne n'ait jamais essayé d'en faire quelque chose. Le truc qui manquait par contre à ce que je pouvais bien imaginer, c'était l'une des composantes les plus importantes de cette conversion du concept vers le jeu vidéo qu'est PUBG: le multijoueur. PUBG, c'est cent joueurs sur une map énorme qui s'éliminent jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un. Et avec cette première tentative qui a un peu donné le LA aux Fortnite et autres suiveurs plus ou moins réussis, il faut bien admettre que Bluehole studio n'a pas raté son coup. PUBG, ou plutôt ce qu'il deviendra peut-être une fois bien polishé, est probablement mon jeu en ligne "solo" préféré.


"Elle a pas un physique facile."


J'ai l'habitude de commencer mes critiques par la partie esthétique ou plutôt stylistique d'une oeuvre. Ici, on ne risque pas de tergiverser sur les ambitions artistique: c'est plat. Ça n'est pas offensant, ça n'est pas provocateur; c'est simplement ni beau, ni moche. Ça vise le réalisme visuel mais, sur console au moins, c'est à peine passable en 2018. Les textures et lumières tirent l'esthétique vers le bas. Avec un LOD un peu particulier qui sert avant tout le gameplay (je vais en reparler après) on observe pas mal de bouillie dès qu'on regarde au loin. Même de près, les personnages avec leurs cheveux luminescents comme les décors sont assez peu détaillés sur ce plan; certaines zones de la carte désertique en particulier donne la sensation d'être peintes avec du provisoire, des textures étirées ou très basses en terme de résolution. Les modélisations et animations des personnages font le travail, mais les lumières ultra plates et les effets de fumées et d'explosions sommaires donnent une image qu'on ne se plaira pas particulièrement à archiver avec ses plus belles photos de The Witcher 3 ou Assassin's Creed Origins. Bref, le parti pris est ce qu'il est, par contre l'exécution fait penser que ça manque quand même de budget...même s'il y a des raisons de gameplay derrière.


Musicalement, c'est le néant. Il y a un thème pour le menu et c'est marre. Comme il n'y a aucune narration, cinématique ou annonceur, on ne se plaindra pas des acteurs vocaux.


Mais ça ne veut pas dire pour autant que la partie sonore est en reste. Parce que de ce côté là, on est pas loin de la réussite d'un Dice avec beaucoup moins de moyens, bien entendu. PUBG est assez admirable pour ce qui est de calibrer les sons. Sans même parler de la spatialisation qui aidera à jouer comme il faut, il y a un savoir faire notable pour produire des sons variés et qui arrive au joueur de manière cohérente en fonction de la distance et de l'environnement. Forcément, ce sont avant tout les coups de feu et explosions qui bénéficient de ce soin: il y a (au minimum) trois couches sonores, trois distances avec des séries de sons différents, ce qui permet évidemment de jauger le danger ou non d'une situation, mais aussi de donner une atmosphère tendue de guerre. Le reste du temps, c'est le silence le plus complet. Et ça marche. Le design sonore de PUBG est minimaliste mais participe pleinement à l'atmosphère tendue du titre.


"C'est un peu court jeune homme!"


Pour ce qui est du reste de l'emballage, on pourrait se plaindre du modèle économique qui semble un peu agressif pour la quantité de contenu. Le jeu ne propose qu'un seul mode de jeu, la fameuse bataille royale, avec quatre types de grouping pour y jouer (seul, en duo, en escouades avec des inconnus, et en escouade avec des amis) et deux cartes (trois sur PC)...un peu chiche. Le reste du contenu est de l'ordre cosmétique et se débloque en jouant et en gagnant ((très)lentement) des points en fonction des classements, des dégâts et des meurtres que l'on fait. Bref, rien de bien folichon pour un paquet à une trentaine d'euros et en particulier aussi peu fini en terme visuel.


Une fois qu'on a avalé la volumineuse pilule des textures misérables et du nombre de map à faire pâlir Splatoon, on entre au cœur du jeu et là, c'est un vraiment une nouvelle expérience que seule la bataille royale peut provoquer.


"Erangel is a big place..."


Même si le principe est déjà connu, je me sens obligé de revenir sur la manière dont fonctionne une partie de PUBG. On démarre en se faisant larguer par avion sur une map de plusieurs kilomètres carrés en compagnie de 99 autres joueurs. Quelques minutes après l'atterrissage, la carte va produire un nuage électrique qui tue progressivement si l'on y reste et qui va se resserrer autour d'une zone sécurisée. Plus la partie avance et plus le cercle se réduit. La partie prend fin quand il ne reste qu'un seul joueur vivant. Le but est donc d'être le dernier vivant sur la carte.


Et là est un peu l'élément CRUCIAL du concept de PUBG. Le but du jeu n'est pas de tuer et encore moins de tuer le plus possible. Non, le but est de survivre le plus longtemps possible. Et laissez moi vous dire que pour cela, tous les moyens sont bons...même les plus ennuyeux.


PUBG et les jeux de bataille royale d'une manière générale ont un rythme qui est hors du commun pour des jeux en ligne compétitif, en particulier ceux où l'interaction avec les autres joueurs est la violence. Se cacher, attendre, détourner l'attention ou encore fuir sont tout autant des options que tuer. Et dans le cas particulier de PUBG, le game-design est très clairement orienté vers l'infiltration et la patience.


Déjà la carte est vaste et propose un équilibre assez particulier entre zones sans abris et zones couvertes par des arbres, des herbes hautes, des bâtiments ou simplement un dénivelé assez raide. Dans PUBG, se cacher est tout à fait faisable, mais parfois, pour aller vite en zone sûre, courir au milieu d'un champ aux vues et sus de tout le monde sera nécessaire. Seulement le jeu propose également de conduire des véhicules qui permettront de couvrir de longues distances plus aisément. Il est donc globalement encouragé de se déplacer soit vite, soit caché.


Cela se voit corroboré par l'arsenal qui, toujours dans une idée d'une certaine fidélité à la réalité, est composé essentiellement d'armes militaires réelles que l'on va modifier. Ainsi, la plupart des fusils d'assaut peut être transformée en fusil de précision grâce à l'apport d'une lunette. Ajoutez à cela, les suppresseurs de flammes, les rares silencieux pour ces mêmes fusils et leur pendant plus communs pour les pistolets et l'on obtient un panel d'armes qui encourage à abattre de loin, en sécurité et tant qu'à faire, de manière silencieuse pour ne pas donner sa position.


PUBG propose en sus des contrôles qui ne sont pas sans rappeler la flexibilité d'un Metal Gear Solid V. Le joueur peut se tenir debout et accroupi, "sprinter" dans ces deux positions, mais il peut également s'allonger complètement et ramper. Il a la possibilité de tirer à la hanche, derrière le viseur et de retenir son souffle, de se pencher pour tirer à des angles d'éléments du décors. Il peut conduire divers véhicules terrestres et marin donc et changer de place parfois pour se cacher (ou laisser quelqu'un conduire en escouade). Et finalement, la seule restriction est l'impossibilité de frapper au corps à corps avec une arme à feu; il faut repasser par ses poings ou une arme contondante comme la fameuse poêle.


Question prise en main, cette variété de mouvements n'est pas évidente à gérer au premier abord. Mais une fois conquise, la maniabilité certes un peu raide (n'est pas Venom Snake qui veut) permet d'appréhender et de contrôler les décors et les armes avec plus de détails que son concurrent principal Fortnite, qui lui joue plus sur son accessibilité et son système de construction. La balistique demande de l'apprentissage, la conduite un peu de prudence. Mais tout est là pour qu'on ne puisse que rarement se plaindre de s'être fait tuer à cause d'une impossibilité de gameplay - on peut se prendre une chasse au fusil à pompe à travers une porte en bois par exemple. Le seul élément plus sujet à caution est la géométrie du sol qui peut parfois poser des problèmes de dégâts quand on conduit (on va perdre une moitié de barre de vie pour une simple bosse), ou d'escalade et plus généralement d'appréhension des éléments un peu plus haut qu'une marche. Le personnage est un peu plus lourd que dans un FPS/TPS normal, et peine parfois à enjamber des bouts de murets à peine plus haut que sa cheville.


L'interface participe aussi à ce côté infiltration. Alors qu'un Fortnite va tracer les balles d'un fil blanc pour montrer leur trajectoire, qu'un Call Of Duty va créer un arc de cercle rouge pour indiquer tout vient une balle et créer une petite croix pour signifier que l'on touche un ennemi, PUBG n'a aucune interface qui indique d'où l'on se fait agresser et si oui ou non on a touché sa cible. Il faudra bien écouter la prochaine balle dans un cas, et se contenter d'une belle gerbe de sang dans l'autre.


Le seul bémol à ce design qui est jusqu'ici très satisfaisant pour les joueurs les plus filous, c'est la partie sonore. Elle est excellente, je l'ai déjà dit, mais malheureusement je n'ai pu m'empêcher de trouver dommage l'absence d'une possibilité: se déplacer sans faire de bruit. Le moindre mouvement, même le plus lent possible, en poussant à peine le joystick, fourni le même nombre de décibels que le déplacement en poussant le joystick. Il met avis que cela a été fait dans le but d'éviter des frags abusifs. Même si c'est une option tactique, PUBG n'est pas à proprement parlé un jeu d'infiltration. C'est simplement l'ensemble de ses mécaniques qui permet d'y jouer ainsi.


"So today's lesson is, you kill each other off till there's only one left."


Le jeu propose un système de loot aléatoire. Pas aléatoire comme Battle Royale le film cependant. Ici, tout le monde commence "nu" et doit trouver son équipement sur le terrain. Chaque bâtiment, de la cabane de chasse paumée en rase campagne au HLM post-apocalyptique, va proposer au moins un élément d'équipement. Plus il y a de bâtiments regroupés (en domaine de trois/quatre maisons, en ville etc...) plus le loot à trouver sera nombreux, utile et puissant. Cela invite les joueurs à choisir au début du jeu entre la tranquillité (visiter un truc perdu que personne ne va aller voir) et s'équiper lourdement au risque d'avoir à se battre dès les premières secondes de la partie. C'est aussi ici que la variété des parties apparaît: le joueur est imprévisible. Un joueur peut très bien en voir un autre et ne pas engager le combat et inversement, il peut vraiment réagir à des mouvements mêmes minimes.


À ce sujet, je me vois dans l'obligation de parler de nouveau de la partie graphique du jeu comme promis dans les premiers paragraphes: le LOD est fonctionnel, mais un peu problématique. Bluehole a choisi d'afficher toujours en priorité les autres joueurs, même à très longue distance; c'était évidemment le choix à faire, puisque sinon, il suffirait être assez loin pour échapper aux autres joueurs en disparaissant purement et simplement, ce qui serait frustrant. En revanche, certains éléments de décors perdent en qualité graphique et certains, comme l'herbe, disparaissent purement et simplement. Le truc, c'est qu'on peut alors se retrouver en position de force face à un ennemi proche, caché dans l'herbe ou assez peu visible, et en même temps en position de faiblesse face à un ennemi lointain qui lui voit le joueur mais pas les herbes qui le cache. Ça n'a aucun sens...


Ce qui aplati un peu le terrain sur console, c'est que tous les joueurs sont loger à la même enseigne. Il reste un peu frustrant de se prendre une balle de sniper qui alerte un joueur proche alors que ce dernier ne nous avait pas vu grâce au feuillage environnant. Sur PC, j'imagine que la problématique peut-être exacerbée, avec des joueurs jouant en low paradoxalement avantagés. Pour un jeu qui veut jouer la carte du réalisme graphique, c'est dommage de se retrouver avec ce souci qui pour le coup est vraiment lié au budget du jeu. Avec le succès financier colossale, on peut attendre que le jeu trouve un moyen d'optimiser un peu la version console pour proposer un LOD plus cohérent niveau gameplay...on peut rêver en tout cas.


Un livre sur la guerre et la paix. Aux éditions plomb.


Ce que tout cela donne, c'est un jeu où aller dans le tas n'est pas forcément l'idée la plus brillante. Un jeu où les détours, les tirs à distance ou les attaques éclaires à coup de grenades flash et fumigène, en bref les stratégies du GIGN ou des fantassins modernes perdus en Afghanistan sont des options viables, voire conseillées. Cela donne aussi un jeu où la tension est constante, même en cas de silence (surtout en cas de silence) que l'on soit dans une position de nette supériorité en train de viser dans le dos un joueur allongé depuis une colline, en train d'observer depuis une maison une fusillade qui a lieu juste devant la porte, en train de chercher un moyen de s'échapper d'une cabane en étant sous-équipé, ou en train de courir sans couverture vers la zone sûre avec le nuage électrique aux fesses.


Le fait que le jeu soit du chacun pour soi et propose un large choix de tactiques via ses mouvements et son level-design permet de jouer à sa manière et d'aller loin en compensant ses faiblesses par de la jugeote. Je suis personnellement assez démuni en terme de visée; en particulier sur console, je suis tout à fait capable de perdre des fusillades que j'ai engagé avec un large avantage. Et pourtant, dès les dix ou quinze premières parties, j'ai réussi à me placer régulièrement puis à chaque partie dans le top 15. En étant discret, en jouant avec la ligne de la zone de sécurité, en utilisant plus les armes comme des instruments de dissuasion ou en dernier recours, en cachant les véhicules que j'utilise quand j'arrive sur un nouveau lieu, en fermant les portes derrière moi etc. j'ai développé une manière de jouer certes peu passionnante à regarder, mais toujours passionnante à jouer et surtout payante, ce qui est extrêmement gratifiant et rare dans les jeux en ligne compétitif.


J'aurai du mal à recommander PUBG en l'état sur console, et je ne sais dire si son optimisation et sa troisième map en font une meilleure offre sur PC. Le prix d'entrée me semble un peu élevé compte tenu du paquet proposé à l'heure actuelle. Le nombre de maps et le temps aberrant que peut mettre Bluehole à créer plus de contenu font un peu pâle figure quand on a des free-to-play plus remplis. La partie technique est limite sur console, avec des textures et du feuillage qui parfois font même du mal au gameplay et à l'ambition de réalisme du titre. Bref, c'est de l' early access et c'est toujours compliqué de pleinement embrasser un projet proposé sous cette forme qui est dans cet état depuis des mois/années. À côté de cela et si le prix ne vous effraie pas, la qualité de la mécanique de jeu, de son format (largage, réduction de la zone de jeu etc.), à son architecture, en passant par son arsenal et sa prise en main, pourront séduire sans aucun doute. C'est littéralement le premier jeu d'infiltration pleinement compétitif en ligne parfaitement jouable tout seul. Et j'aime énormément ce jeu. Les parties sont tendues en permanence et l'imprudence est vite punie. Malgré leur extrême lenteur en comparaison des succès multijoueurs de ces dernières années, axés sur l'extrême réactivité et la précision, ces parties sont systématiquement engageantes. Grâce à la fragilité de son personnage et de ses adversaires, à la possibilité de tuer de loin de bouger caché et de survivre sans engager de combat, il y a de la place pour les moins professionnels d'entre nous et ça fait vraiment du bien dans un paysage où le 360 no-scope met vite l'éteignoir sur l'enthousiasme des joueurs plus occasionnels. Plus encore que son suivant,Fortnite que j'aime également beaucoup, PUBG bouche un trou: celui du jeu d'infiltration compétitif. Clairement un de mes jeux en ligne préférés de ces dernières années. Juste un peu trop court en terme de production pour être pleinement recommandable.

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le 31 juil. 2018

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seblecaribou

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