Cent-soixante heures de jeu. Cent-soixante. Plus de quatre ans in-game. Qu'est-ce que c'est long.


Ce n'est que le jeu ne soit pas sans mérites. C'est un jeu conçu par des fans de Pathfinder/D&D 3 pour des fans. Ca en a du coup toutes les qualités et tous les défauts.
Ma partie a été extrêmement longue alors que je suis passé de normal en facile (avec un chouïa de customisation, on peut customiser beaucoup de choses dans ce jeu) dès le premier gros donjon, celui des trolls, parce que je m'étais engagé sans possibilité d'en sortir et que je n'avais pas de rations pour me reposer. Je prenais déjà de gros dégâts à chaque rencontre... Je ne suis pas joueur de JDR; je ne connais de D&D que Baldur's Gate, Icewind Dale et Planescape Torment. Je préfère l'aventure et l'histoire à la baston, or Pathfinder est avant tout un module de combat, un module extrêmement touffu conçu pour les minmaxeurs fous, un jeu à équations et calculs chimiques. Or Kingmaker ne fait que très peu d'efforts pour intégrer le débutant. Il apprendra les bases, aura accès à de très nombreuses infobulles... Mais un très grand nombre de données resteront pas ou mal expliquées ou cryptiques. L'encyclopédie du jeu est parcellaire, rébarbative, mal faite, rebutante. J'ai fait toute la partie sans jamais m'intéresser à des notions comme la métamagie ou l'antimagie, parce qu'il ne cherche pas à m'y intéresser, alors que la didactique est éminemment nécessaire dans ce type de jeu complexe. On ne vous introduit même pas au grimoire de sorts !
Plus je montai de niveau et plus j'étais noyé sous des centaines de sorts et d'items magiques. De quoi ai-je besoin ? Quel sort produit cet effet ? En disposé-je dans mon inventaire ? C'est lourd, bien trop lourd. Heureusement, l'interface se montre à la hauteur autant que possible, claire, lisible et souple, mais parfois ce n'est pas encore assez. Je suis arrivé au boss de fin en balançant tout ce que j'avais et mes personnages avaient entre 20 et 25 buffs chacun ! Sérieusement c'est du délire. Et il n'y a pas que ça mais aussi plein de petits soucis d'ergonomie qui datent de Baldur's Gate et qui restent tels quels car considérés comme part de l'expérience. Jouer en facile transforme quasiment le jeu en hack'n slash, ce qui n'est pas beaucoup plus intéressant. (je suis même passé en mode histoire au dernier donjon qui est un enfer absolu). J'en venais à regretter Pillars of Eternity qui avait compris, lui, bien des choses sur ce que doit être un système de CRPG clair, souple, adapté au jeu vidéo PC. Pourtant cette variété pourrait autoriser toutes les folies ! Je suis tombé amoureux du sort de gouffre acide : vous faites apparaître un gouffre qui attire et engloutit tout personnage ratant un jet de Réflexes, c'est ultra cool.


Cette richesse, les développeurs de Owlcat ont voulu la reproduire à tous les niveaux possibles. Kingmaker est un gigantesque pot-pourri de tout ce qu'on peut mettre dans un CRPG. L'aventure est très longue, très scénarisée, l'histoire est intéressante; on sent que Chris Avellone était là pour écrire le principal méchant du jeu qui est un vrai bon personnage qui se révèle progressivement et donne son sens au game design particulier. De Torment, Fallout et Pillars, les développeurs ont retenu les skillchecks à gogo qui donnent du sens à vos interactions avec le monde, mais aussi des idées comme les passages façon livre dont vous êtes le héros. Le loot est énorme avec des dizaines et des dizaines d'armes uniques et d'objets qui prennent un temps très long à trier et revendre; on peut d'ailleurs se demander pourquoi il y a autant d'objets destinés à la classe moine (le nombre de bâtons et d'amulettes de combat à mains nues !). Alors que pas moyen de mettre la main sur une arbalète valable...
Il faut noter que de très nombreuses quêtes sont timées, et cette gestion du temps qui passe est un vrai atout. D'abord, il résoud la célèbre contradiction dite "dilemme de Ciri": faut-il retrouver la vache de grand-père alors que la fin du monde approche ? Désormais, vous disposez d'une plage de liberté en dehors de la quête principale qu'il faudra gérer, et cette contrainte fonctionne d'autant mieux que les timers des quêtes secondaires sont cachés. Il se pourra donc que vous arriviez trop tard pour certaines histoires, ce qui change leur résolution et donne de la vie au monde qui vous entoure.
Il y a onze compagnons uniques avec chacun son histoire, et j'avoue avoir été un peu déçu par cette partie : les quêtes manquent d'intérêt quand ce ne sont pas les personnages eux-mêmes (Harrim t'es sympa comme prêtre mais t'es vraiment unidimensionnel au possible), les romances sont trop peu nombreuses et ne concernent même pas les personnages les plus charismatiques, et sur onze persos, sept sont chaotiques dont quatre chaotique neutre ! Reste leurs remarques, leurs interventions et leurs piques, qui les rendent vivants et appréciables.
Votre propre alignement se modifie progressivement en fonction de vos décisions et il faut un peu jouer des coudes pour s'accorder avec tout le monde tout en restant dans votre personnage, mais dans l'ensemble ça se gère facilement, mais il y a plus d'une manière de mécontenter ou de perdre quelqu'un. Parlons du housing le plus développé jamais vu, c'est à dire la gestion de royaume. C'est plus un élément d'immersion que de gameplay; ça apporte très peu de choses concrètement. Les mécaniques sont du niveau jeu Facebook. Vos compagnons et quelques autres personnages vous serviront de ministres, ce qui est cool. Mais globalement, ça prend quand même énormément de temps à gérer. Il est possible de passer cette gestion en automatique...
Le royaume en question se situant en pleine cambrousse sauvage, cela lui confère un aspect très Baldur's Gate avec beaucoup, beaucoup de paysages forestiers, d'où cette sensation de filiation avec la saga de Bioware, mais vous allez également souffrir d'un petit manque de variété dans les décors (pas de grande ville, peu de coruscants palais) et un petit côté campagnard plan-plan. La musique n'a rien d'extraordinaire non plus, on est dans le conservatisme, de même que l'univers qui est du med fan sans audace. Mais "ça fonctionne".


En bref, l'immense richesse du jeu lui permet de donner son content de tout à tout le monde; mais tout ce qui ne servira pas au joueur sera ressenti comme autant de poids mort et de frustration. Je préfère encore un Pillars ou un Torment qui tentent des choses dans l'environnement et l'interaction, quitte à se planter, plutôt que de viser la quantité et bourrer à raz bord.

Créée

le 30 mai 2020

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Catel_

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