Persona 5
8.5
Persona 5

Jeu de Atlus et Deep Silver (2016PlayStation 4)

Pour faire court, j'ai adoré le jeu. Si je devais noter mon appréciation je mettrait 9 en hésitant sur le 10. Malheureusement, des défauts m'empêchent de le noter objectivement plus.
Je précise tout de suite, j'ai suvi le reste de la série de loin : j'ai toujours apprécié les jeux de la série Shin Megami Tensei mais je n'ai joué auparavant qu'à Lucifer's Call et Persona 2. Je ne parlerai donc pas des avantages par rapport aux autres épisodes, et essaierai de juger celui ci comme un one shot. Je pense de toute façon que c'est comme ça qu'il faut le voir.


J'ai été impressionné par la durée de vie du titre : si on lis tout et si on essaie de faire les relations avec les personnages, il atteint facilement la centaine d'heure rien qu'en contenu relatif au scénario (contenu secondaire compris, évidemment). Tout les personnages sont attachants, même ceux qui peuvent sembler détestable à première vue. J'ai adoré le fait que même si ça peut être frustrant quand on est en soif d'action, le jeu prends son temps quand il faut, notamment après le quatrième donjon.


La dépression de Futaba est excellemment mise en scène. Là ou d'autres jeux auraient dit "elle a été libérée c'est bon elle est normale", Persona 5 montre nos personnages principaux essayant un à un de lui redonner gout a la vie, en la faisant se réadapter au monde pendant plusieurs jours, pour au final la faire sortir a la plage et la sauver totalement. C'est beau et c'est touchant.


Pour découvrir l'histoire de ces divers personnages secondaires (jouables ou non), il faudra augmenter ses stats pour améliorer ses relations. Le personnage principal aura des livres à lire, des activités à effectuer (pêche, muscu, concours de nourriture, cinéma, sortie, même les examens) mais devra choisir comment répartir ses semaines pour ne pas à la fin se retrouver avec un game over devant le fait accompli. Car oui, il faudra gérer son calendrier, la victoire des divers ennemis étant datée dans le calendrier et c'est au joueur de se débrouiller pour terminer tout ses objectifs à temps. Au départ, pendant une dizaine d'heures, cela est assez frustrant et peut être rédhibitoire, le jeu empêchant le joueur d'agir à sa volonté à part pour sauvegarder. On a littéralement des heures de dialogues entrecoupées d'un peu de gameplay. Le début était nécessaire pour développer le background mais est trop long pour être amusant, surtout pour ceux qui ont encore un peu de mal avec la lecture de l'anglais.


Ce n'est pas un mauvais choix de game design, c'est un mauvais choix de rythme : en effet, passé les premiers mois (avril et mai), le jeu s'avère bien plus libre et on commence à prendre du plaisir à gérer ses affaires pour optimiser le mieux possible son temps libre. Il est tout à fait possible, contrairement a d'autres jeu avec le même principe, de tout finir en un seul run en gérant bien son temps. Moi même j'ai réussi à monter 6 relations à fond et monter quatre stats sur cinq au maximum, sans vraiment me soucier de l'efficacité du système et en faisant beaucoup d'erreurs. Au delà du côté "visual novel" des dialogues, il est aussi nécessaire de se pencher sur cet aspect du jeu pour gagner des avantages tactiques en combat et des bonus passifs. Par exemple, là ou un autre jeu nous l'interdirait simplement, il est possible, en augmentant sa relation avec Hifumi (un personnage optionnel), de pouvoir switcher de personnage à volonté pendant le combat (moyennement un tour), ce qui change complètement la dynamique des affrontements. Le jeu déborde de petits éléments qui récompensent le joueur quand il prends la peine de se plonger dans l'univers et améliorent son expérience de jeu.


En résumé, le scénario se développe via l'attachement que l'on a pour les divers protagonistes. Chaque donjon représente un vice de la société, et chaque personnage jouable en est une victime impuissante. En gagnant un personnage par donjon en moyenne, chacun est lié a l'histoire de ceux ci, et cela permet de les voir évoluer, de victime à combattant, le persona représentant le réveil de leur détermination. On joue des gens meurtris, déçus et souvent rebuts de la société, qui redeviennent forts et s'en sortent grâce à un but commun, symbolique. Il est tout à fait possible de faire le jeu en totale ligne droite, mais en plus d'enlever nombre d'avantages tactiques, c'est déconseillé si on veut vraiment être impliqué dans le dénouement.


Dans ses combats, le jeu réussis à apporter un dynamisme fou à un RPG qui est pourtant 100% au tour par tour. Le fait de pouvoir changer d'action à volonté (renforcé quand on peut changer les personnages de notre équipe en temps réel) permet de trouver des centaines de tactiques différentes suivant les faiblesses de l'un ou l'autre. Les capacités d'attaques sont représentées chacune par une touche, ce qui permet de faire très vite l'action escomptée quand on est rodé a ce système. Par exemple, l'ennemi est faible aux armes à feu? Au lieu de changer d'arme dans les options, il suffit d'appuyer sur carré puis de ré appuyer plusieurs fois pour mettre le nombre de tirs escomptés. Ça semble pas grand chose comme ça mais cela permet d'avoir un jeu au tour par tour très classique qui semble beaucoup moins clivant que ce qu'il est, uniquement grâce a une gestion des capacités et un visuel ultras dynamiques. C'est "dommage" que les ennemis des dernières zone soient si "puissants" et que certains n'aient aucune faiblesse, mais c'est largement surmontable si on a bien géré les skills de nos personnages.


Quand les occasions sont réunies, on peut capturer les ennemis via des dialogues généralement amusants (les "persona" du titre, qui signifient autant les avatars de l'esprit combatif des héros que les monstres que l'on capture), et utiliser leurs magies. Ce sera un apport tactique supplémentaire, le personnage principal étant le seul à pouvoir utiliser chaque persona, il faudra donc qu'il soit polyvalent en toute circonstance et pallie aux faiblesses de la team. Cela peut lui assurer des résistances, voire renvoyer les attaques si l'élément est complètement compatible, mais attention à ne pas oublier de changer de persona entre les combats pour ne pas risquer d'essuyer un coup fatal d'un ennemi aux propriétés opposées.


Le point faible du système de combat, et certains ne seront peut-être pas d'accord vu les débats houleux auxquels j'ai assisté sur divers forums, c'est le fait que si le personnage principal meure, c'est game over direct. Il suffit de n'avoir pas de chance ou de n'avoir pas prévu quelle attaque allait faire l'ennemi pour perdre en un tour de façon totalement arbitraire. Je m'explique : pour vaincre les ennemis, la manière la plus simple et de trouver leurs points faibles et une fois chacun "sonné", on peut occasionner un "hold up", une action qui permet généralement de tous les tuer en une seule fois (ou de discuter avec eux pour les capturer) car, si le joueur à attaqué une faiblesse, il peut re-attaquer tant qu'il continue de viser les faiblesses d'un ennemi différent (ou changer avec un partenaire qui a aussi l'attaque adéquate) et donc détruire une team entière en un tour. Le revers de ce système, c'est que l'ennemi peut aussi nous faire des coups critiques et nous enchaîner, et certains ont des capacités très puissantes qui peuvent tuer un personnage quasi instantanément (quasi tous dans les derniers donjons). Le problème, c'est que certains ennemis n'ont aucun point faible : il faut donc leur faire un coup critique, ce qui est aléatoire (on peut augmenter la probabilité mais ça reste aléatoire). C'est sans compter quand l'ennemi évite le coup critique/la faiblesse. On est donc obligé dans tous les cas de figures, si on ne le tue pas en un tour, d'encaisser une attaque. Ce qui veut dire que, en résumé, si les conditions se présentent, le personnage principal peut se faire tuer de façon arbitraire et occasionner un game over.


Pour donner un exemple, voici une de mes morts : contre un certain ennemi avec un bouclier physique permanent (qui renvoie l'attaque), je me suis fait infliger l’altération d'état rage sur le héros, qui le fait attaquer automatiquement à chaque tour. Exactement après cette action, le héros l'a attaqué, a pris ses propres dégâts et est mort instantanément. C'était comique à voir, mais ça l'est moins quand on doit se retaper 30 min de donjon à cause de ça (et c'est très frustrant quand on prends en compte que la quasi intégralité de mes game over ont été de ce fait, parfois par manque de prudence, mais pas que). On est donc obligé de privilégier le personnage principal pour tout, qu'il ait sans cesse le meilleur équipement, et qu'il soit toujours avec sa vie au max pour survivre à un coup puissant : c'est dommage car ça limite le système de combat à "sécuriser le personnage principal et attaquer ensuite", là ou le fait qu'il puisse utiliser plusieurs personas aurait pu le rendre bien plus polyvalent (même si il l'est déjà pas mal, on est d'accord). Certains peuvent me dire qu'il faut se protéger avec des boucliers, mais à part siphonner sa magie à chaque tour et ne plus l'avoir pour des combats futurs, je ne vois l’intérêt de ce système sur le long terme.


N'étant pas anglophone total, je peux me tromper, mais la traduction m'a semblé vraiment limite sur certains aspects. Je ne dis pas que ce n'est pas compréhensible, au contraire, mais l'emploi excessif de mots comme "those" "there" ou "guys" pour toute occasion possible est vraiment fatiguant a la longue, surtout quand ça ne colle pas du tout au personnage. Cela ne fait à force absolument plus naturel, comme si chacun parlais d'une même voix, et et ça trahis une certaine fainéantise des traducteurs dans le choix du vocabulaire. C'est pas gênant quand c'est des jeunes lambda, mais c'est gênant quand c'est Morgana ou Sojiro qui commencent à parler comme dans un commentaire facebook de Kotaku. Les négociations avec les personas sont parfois aussi un peu nébuleuses, tellement que j'ai fini par répondre généralement par hasard. Je pourrais pas en dire plus sans pouvoir comparer avec le texte en VO.


L'esthétique est géniale et apporte toute l'identité du titre. Sans parler du design des personnages qui reste dans la droite lignée des autres épisodes, le gros du visuel est concentré dans les palais, chacun devant représenter les vices de son propriétaire. Chacun fourmille de détails savamment pensés qu'on s'amusera à décrypter si on est un tant soi peu porté sur la psychologie.


Par exemple, le palais de Sae Najima est un casino. Pourquoi? Parce qu'elle a perdu foi en la justice, qui est devenue pour elle seulement un jeu de hasard. La mort de son père l'a rendue cynique et désabusée. Et comme elle est procureure, et que le système judiciaire est biaisé envers eux, son casino est truqué : il est impossible de gagner sans tricher. Cela représente donc le fait qu'elle pense que la corruption est partout et que malgré les possibilité données on ne peut que perdre si on attaque les mauvaises personnes. Le but du changement de cœur est donc de lui faire reprendre foi en la justice dans son absolu, ce qui sera plus tard primordial pour vaincre Shido.


Leur conception est d'autant plus marquante en contraste avec les derniers palais qui semblent bâclés. Ça commence à se voir vers les 3/4 de l'histoire, mais ça devient évident lors du dernier palace. En effet, le niveau est très simple et est quasi-totalement constitué de couloirs avec des portes qu'il faudra contourner via d'autres couloirs pour les déverrouiller (80% du palais, des heures de fun). Là où les autres palais essayaient de varier le parcours (des lasers à esquiver, des puzzle timés, etc), le dernier sera juste une course entre différentes pièces identiques avec un décor générique où la seule peur est de devoir tout refaire si un ennemi nous tue sur le chemin. Pour tout dire, au bout d'un moment j'avais vraiment envie d'arrêter de jouer tellement le donjon infini en mode survie m'a gonflé et la seule chose qui m'a laissé la manette en main était l'envie de connaitre la suite de l'histoire. Je précise encore une fois que je parle uniquement des phases de gameplay et non des phases d'histoire qui sont égales du début à la fin.


On commence à voir ces défauts lors du cinquième palais qui malgré de très bonnes idées de gameplay a un design très répétitif. Le sixième est pareil : on s'attend à visiter un casino non stop et glisser sur les lustres comme dans l'intro et on se retrouve à voyager dans les coulisses lambda et parfois tomber sur des pièces de casino, mais là encore, ça va. Le pire est le septième palais, celui de Shido, qui est juste un bateau générique avec des couloirs infinis. La transformation en rat est drôle la première fois mais devient rapidement encore un moyen d'augmenter la longueur du palais. Et puis, elle n'est au final pas logique : pourquoi mettrait-il (même inconsciemment) un moyen de désactiver son ego, étant dépeint comme le plus pourri des pourris, sans aucune chance de rédemption?
Bien que j'aie adoré le design du Mementos, c'est exactement pareil : on arrive dans des pièces labyrinthiques toutes identiques. Le donjon final également, là ou on pourrait s'attendre à un truc épique, on est juste au milieu de la gare de Tokyo avec 1000 personnes qui nous regardent combattre un dieu, et le "donjon" si on peut appeler ça comme ça, est juste composé de chemins d'os dans les airs ou on combat quatre archanges sortis de nulle part. J'avais vu des gens parler du fait que le jeu ait eu un développement houleux, et ça ne m’étonnerais pas qu'une équipe réduite ait bâclé la fin du jeu pour qu'il sorte enfin.


Histoire de préciser, je n'ai rien de particulier à dire sur la bande son, une des valeurs sures de la série. Si vous avez aimé les autres, vous aimerez celle ci, et je suis toujours aussi fan des musiques chantées pendant les combats.


Spoils sur l'histoire :


Mon principal reproche, c'est que les héros ne sont jamais remis en cause. Pourtant, ne sont-ils pas des criminels à changer des gens contre leur volonté? D'accord, la population les critiquent à la fin, mais c'est car ils sont possédés par le graal. A aucun moment les gens qui sont contre les héros sont vus comme légitimes : ils sont toujours possédés par leurs pulsions ou ne voient pas la vérité dans leur coeur (la procureure). Pourtant, la fin du jeu nous explique que le monde est "libre" une fois que plus personne ne peut changer le cœur des autres, ce qui veut dire que les criminels sont libres d'être criminels sans que personne ne puisse les arrêter, à part une justice qu'on nous dépeins comme corrompue. Alors pourquoi changer le cœur au début est "bien" car il est fait sur des gens subjectivement méchants (selon le point de vue des héros) mais à la fin c'est "mal"? Je comprends où le jeu veut en venir, je trouve ça juste dommage que les personnages principaux ne se remettent pas en question une fois leur pouvoir disparu.
C'est également dommage que le thème "les adultes sont des méchants" soit aussi présent alors que des personnes adultes (Sojiro, Takemi, Chihaya, etc) aident le héros. Il y a de toute façon un problème de continuité entre les relations secondaires et l'histoire principale sur certains points (les relations amoureuses notamment), mais c'est du chipotage car on comprends bien pourquoi ils ne l'ont pas fait dans la plupart des cas.


Cependant, j'ai beaucoup aimé qu'une fois le boss final vaincu, le retour à la réalité soit aussi violent. Oui, le personnage principal est un héros, mais il doit répondre de ses actes à la police pour assurer la condamnation de Shido. Maintenant que le système simpliste de changer les cœurs est abrogé, il faut jouer selon les règles, et espérer gagner. Ainsi, les personnage avec qui on a augmenté les relations se mobilisent pour aider le héros et réussissent à le faire innocenter. Là ou le jeu nous dit tout le long que le monde des adultes est gangrené par le mal, c'est ce monde des adultes (la police) qui met un point final à l'histoire. Nos héros, à l'aube de l'age adulte, apprennent ainsi que c'est aussi à eux d'améliorer les choses, les Phantom Thieves n'étant qu'une métaphore de la fin de l'enfance et la prise de responsabilité. La dernière scène qui montre nos héros voyageant seuls en voiture ensemble, libres de toute influence extérieure, sublime cette idée.


Au final, que penser du jeu? Comme j'ai dit, je l'ai adoré dans sa globalité, mais certains combats aléatoire très frustrants, le début longuet, le manque d’intérêt des dernières phases du jeu (en terme de gameplay) et quelques petits détails ci et là me font passer la note à 8.
Ça reste une valeur sûre, si on est un habitué de l'anglais, et la durée de vie gargantuesque de son histoire assurera de longues heures de jeu passionnantes. A réserver toutefois à un public amateur de japonaiseries.

Kaposi
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Le "méta" dans les jeux vidéo & les metagames. et Mes jeux possédés (physique)

Créée

le 23 avr. 2017

Critique lue 1.9K fois

10 j'aime

1 commentaire

Kaposi

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

10
1

D'autres avis sur Persona 5

Persona 5
Nivarea
10

Take your time

On va rapidement mettre les choses au clair : j’étais déjà un admirateur de Persona 3 et 4, Persona 5 était donc de très loin le jeu que j’attendais le plus. Et autant être encore plus clair, Persona...

le 12 avr. 2017

27 j'aime

11

Persona 5
Saint-Just
4

Dédicacé aux fans de FF6

Alors Persona 5… Un jeu que j’attendais depuis 2009 pour enfin me réconcilier avec la série. Un jeu qui promettait beaucoup par sa volonté non dissimulée d’aller au bout de la "nouvelle formule post...

le 4 janv. 2018

19 j'aime

7

Persona 5
MaSQuEdePuSTA
9

"Une personne... à cinq ?!"

Je vais vous révéler l'un des secrets les mieux gardés du domaine vidéoludique japonais : le J-RPG se porte mal. Très mal. Il suffit de regarder les diverses compagnies autrefois spécialisées...

le 10 oct. 2017

18 j'aime

Du même critique

Castlevania
Kaposi
7

Dracula terrifierait même Netflix?

Mon 7 est une note provisoire. En effet, je ne vois pas comment noter honnêtement cette série. Des efforts ont été faits : l'histoire de Castlevania III est respectée et mêle habilement les...

le 7 juil. 2017

17 j'aime

18

Kingdom Hearts III
Kaposi
7

Kingdom Hearts 10

Il est enfin là, l'épisode final à un des crossovers les plus ambitieux de tous les temps, et le point d'orgue d'une douzaine d'épisodes répartis sur dix ans qui se rejoignent enfin en une conclusion...

le 2 févr. 2019

15 j'aime

11

The Legend of Zelda: Breath of the Wild
Kaposi
8

Première vraie révolution dans la série Zelda... Mais à quel prix?

N'étant pas un fan hardcore de Zelda, les mécanismes de la série me laissant froid, j'ai acheté ce jeu par pure curiosité vu les critiques dithyrambiques et unanimes à son sujet (et aussi pour...

le 13 mars 2017

15 j'aime

26