Persona 5
8.5
Persona 5

Jeu de Atlus et Deep Silver (2016PlayStation 4)

Quand j’ai lançé Persona 5 cela faisait plusieurs mois que j’attendais sa sortie avec impatience, on m’avait beaucoup vanté la licence, à laquelle je n’avais moi-même jamais joué, et j’avais beaucoup d’espoir dans ce jeu. Au final, j’aurais surement dû limiter mes attentes parce qu’après 115 heures de jeu et l’écran des crédits sous les yeux je n’ai pas l’impression d’avoir joué au jeu de la décennie, ni même au jeu de l’année et j’aurais bien aimé me passer de la torture qu’ont été mes vingt dernières heures de jeu.


En apparence, le jeu est superbe. Le charadesign des persos est très cool, les décors sont très beaux, l’OST est surement l'une des meilleurs que j’ai vus et je propose de sanctifier ces menues tellement ils sont uniques et magnifiques. Le jeu regorge de petits détails qui lui donnent de la profondeur (j’ai par exemple beaucoup aimé voir Tokyo évoluer en raison des changements de saisons). Aucun bug à signaler non plus, tout est très propre. Tout ça m’a donné le sentiment d’un jeu travaillé, soigné et bien fini.


Voilà pour les propos introductifs, il est maintenant temps de rentrer dans les détails. (Oh, et pour placer le décor : première fois que je joue à un Persona, à un SMT voire à un jeu d’Atlus. J’ai alterné entre les difficultés normale et difficile selon mes envies. J’ai romancé Makoto et augmenté à fond les liens sociaux de Ryuji, Ann, Makoto, Mishima, Hifumi, le gamer et le politicien.)


Pour faire bref, Persona 5 parle d’un groupe d’adolescents qui ont la capacité de naviguer dans le Metaverse, une sorte de monde parallèle crée par le désir des gens. Les personnes ayant la vision du monde la plus pervertie y créent des Palaces au fond desquelles se trouve leur trésor, la matérialisation physique de leur perversion. Dérober ces trésors entraine l’écroulement du palace et le « changement de cœur » de leur propriétaire…
Nos protagonistes voient dans leurs nouveaux pouvoirs une occasion d’améliorer cette société qui les a jusqu’alors rejetés en changeant le cœur des personnes corrompues. On se retrouve donc au contrôle d’un groupe d’ados ayant pour ambition de devenir des héros pour donner du courage aux gens et, in fine, changer le monde.

Et… J’ai trouvé ça plutôt cool. C’est sympa de jouer des personnages qui ont cherché à devenir des héros, avec tout ce que cela apporte comme problématiques, plutôt que des personnages qui sont devenus des héros par la force des évènements. Pendant tout le début du jeu, ce sont nos persos qui mènent la danse, qui décident qui frapper et quand frapper. Ils ne se contentent pas de réagir à des évènements, ils sont les initiateurs de ces évènements.
Les Phantom Thieves, tel est le nom que se sont donné nos héros, se font ainsi les défenseurs des opprimés, s’attaquant à des personnes privilégiés, protégés par le système. Plus ils gagnent en notoriété, plus leurs adversaires sont puissants et dangereux.
Cela permet au scénario de s’arrêter sur pas mal de thématiques intéressantes. L’opposition entre la loi et la morale est l’une de celles qui m’a le plus touchée. Elle est représentée tout au cours du jeu par l’opposition entre notre protagoniste, Akira, et son rival, le détective de génie, Akechi. La question de la moralité des actions des Phantom Thieves est pas mal soulevée (est ce qu’on peut utiliser des pouvoirs illégaux et quand même pas mal immoraux lorsque l’on poursuit le noble but de changer la société ?) ainsi que celle de leur légitimité à décider qui mérite ou non un changement de cœur.
La gestion par les Phantom Thieves de leur notoriété nouvelle est aussi pas mal intéressante. Idem pour le rôle des médias, la flexibilité de l’opinion populaire, etc.


D’un point de vue de gameplay, le jeu se sépare en deux principale phases.
Dans la journée vous incarnez Akira qui vit sa banale vie de lycéen japonais. Vous allez prendre le métro à l’équivalent tokyoïte de Chatelet-Les-Halles, suivre des cours, pendant lesquels on risque de vous poser des questions auxquelles vous ne saurez fichtrement pas quoi répondre parce qu’elles portent très souvent sur la culture japonaise et que vous n’êtes pas japonais mais heureusement le bouton central de la manette est là pour vous dire quoi faire, mais surtout c’est le moment où vous allez pouvoir augmenter vos stats sociales et vos liens sociaux.
Persona fonctionne avec un système de calendrier, chaque soir le jeu vous laisse l’occasion de faire deux actions : la question est alors de bien savoir gérer son temps. Augmenter les statistiques sociales, telles que le cran, le charisme ou l’intelligence, de votre personnage permet de débloquer de nouvelles actions, cela sera parfois nécessaire pour approfondir sa relation avec un personnage. A côté de ça augmenter les liens sociaux consistent à passer du temps avec des PNJ qui peuvent, ou non, être des membres de votre équipe. Cela permet d’en apprendre plus sur eux mais aussi de débloquer des pouvoirs utiles lors de vos phases d’exploration de donjon (quelques exemples : en augmentant votre lien avec un homme politique cherchant à se racheter une conduite vous allez débloquer de nouvelles options lors des dialogues de négociation avec les démons, tandis que si vous aidez une lycéenne aspirant à devenir joueuse professionnelle de shoji vous pourrez changer les membres de votre équipe en cours de combat et fuir plus facilement ; généralement augmenter l’affection des autres Phantom Thieves leur fait acquérir de nouvelles interactions pendant les combats). Petit plus : si la personne de qui vous vous êtes rapproché est de sexe féminin vous pourrez commencer une romance avec elle.
C’est le moment où je me dois de soulever quelques points négatifs. A mes yeux, concernant les relations sociales, le jeu a clairement préféré la quantité à la qualité. Peu de personnage sont vraiment intéressants, leurs histoires sont sympas mais sans plus et finissent par se répéter entre elles.


C’est la nuit que les choses intéressantes ont lieu, lorsque vos personnages pénètrent dans les donjons de leurs ennemis pour voler leur trésor.
Je répète ce que j’ai dit plus haut mais tout est beau et tout est cool. Les donjons sont superbes et remplis de détails en lien avec la personnalité de leur propriétaire. Certains sont bien sûr plus réussis que d’autre, j’ai trouvé le troisième palace assez banal par exemple alors que j’avais adoré les deux premiers. Pour varier les plaisirs, le jeu essaie de vous proposer des logiques différentes dans chaque donjon.
Le système d’infiltration traduit bien le fait que nos héros sont des intrus. Le jeu nous invite à adopter des approches discrètes en utilisant divers procédés (prendre en embuscades les ennemis permet de les surprendre et d’avoir un tour d’avance, tandis que se faire repérer accroit la jauge de vigilance de l’antagoniste ce qui rend la progression dans le donjon plus difficile)).
Et les combats sont eux aussi très cool. Ils m’ont complètement séduite alors que je suis normalement très indifférente vis-à-vis des jeux au tour par tour. Là tout est dynamique, on a le choix entre beaucoup d’actions à chaque tour, y a des combos plutôt sympas, pas mal d’effets de statut différents… En gros, on est loin de ces RPG où on se contente de faire healer le healer et dps les dps en utilisant toujours les mêmes actions. L’une des principales techniques est de stun tous les ennemis en les attaquant sur leur point faible. Lorsque tous les ennemis sont à terre un choix s’offre à vous : les taper, les racketter, les racketter encore mais pour avoir des objets cette fois et : les recruter. Cette dernière option offre des dialogues qui au début semble assez sympas pendant lesquels vous devez convaincre le démon de venir avec vous. Une fois que vous avez recruter ce Persona vous pouvez l’utiliser en combat ou le fusionner pour avoir un Persona plus puissant (oui ce jeu c’est un mélange de Pokémon et Yu-Gi-Oh, mon rêve d’enfance en bref). Ah, et pourquoi ai-je dit que la négociation semble assez sympa « au début » ? Parce qu’on s’en lasse très vite. A partir du moment où on remarque que chaque dialogue n’est pas propre à un Persona en fait mais que tous disent des trucs similaires. Je n’ai pas été mécontente de débloquer un pouvoir spécial me permettant de recruter des Persona sans passer par cette phase de négociation.
Petit point sur les boss : ils sont généralement assez impressionnants mais pas particulièrement difficiles à battre. Les combats sont plus longs qu’autre chose.


Voilà, maintenant que j’ai bien jeté des fleurs au jeu, on arrive au moment où je dois justifier ma note, qui, bien que pas mauvaise, est inférieure à la moyenne générale et dénote comparée à cette marrée de 9 et de 10.


Premier défaut : Le jeu est lent. Genre vraiment. Lent.
Les personnages répètent énormément de fois la même chose et c’est rarement très intéressant. J’ai joué 115h au total, j’ai l’impression d’en avoir passé au moins trente à lire des dialogues en diagonal parce que omg je sais déjà tout ça, vous l’avez déjà dit et je ne suis pas stupide. Mention spéciale pour ces moments où, après avoir récupérer le trésor d’une de leur cible les Phantom Thieves s’inquiètent longuement et systématiquement de la réussite de leur mission. Un jour sur deux vous allez avoir le droit à des discussions de groupe pendant lesquels les amis d’Akira vont venir le voir pour lui poser LA question fatidique : « est-ce que tu penses que le changement de cœur va fonctionner ??? :(((». Ce à quoi vous le rassurez pour que dix minutes de jeu plus tard un personnage, ayant pris part à la discussion précédente viennent vous poser la même question. C’est franchement fastidieux.
D’autant plus fastidieux qu’à côté de ça je n’ai pas trouvé les personnages principaux réellement attachants ou bien développés. Ils sont sympas mais leurs liens sociaux sont très souvent quelconques et leur place dans l’intrigue reste pour certain limitée. Au final il n’y a que Makoto, Morgana et vite fait Futaba qui jouent un rôle important dans l’histoire. Ryuji quant à lui, bien que useless, est omniprésent par son rôle de meilleur pote du MC et son franc parler. A côté de ça, Ann mais surtout Haru et Yusuke sont franchement mis de côté une fois leur arc respectif terminé.
Cette longueur des dialogues accentue à mes yeux un autre défaut du jeu : son côté extrêmement dirigiste. Je me suis rendu compte en jouant à Persona qu’un des trucs que j’aime bien dans les RPG c’est pouvoir prendre mon temps, trainer à droite et à gauche, allez vendre des objets quand j’en ai envie, parler à des gens pour savoir ce qu’il pensent de la vie, éventuellement faire des missions secondaires (bon sur ce point on évite l’extrème inverse, soit FF XV),… Là je ne compte pas le nombre d’heures de jeu successives que j’ai passé sans pouvoir faire un pas en dehors de la trame scénaristique sans que Morgana me dise d’aller au lit.
Tout ça mis ensemble a fait qu’il m’a été très douloureux de finir ce jeu et que vois le générique de fin a été une vraie libération tellement j’avais envie de passer à autre chose.


Dernier point négatif mais non des moindres : la représentation des minorités est franchement bien pourrie.
Pour un jeu qui a vocation à traiter de sujet tel que l’amélioration de la société c’est franchement nul de faire des blagues bien oppressives sur les homosexuels.
Idem en ce qui concerne la représentation des femmes, le jeu se perd complètement. D’un côté on a des personnages féminins forts de l’autre… On a pas mal de fan-service et de moments où ces « femmes fortes » se retrouvent dans des positions dégradantes. On en arrive à un point où le jeu contredit ses propres messages [léger spoil sur les deux premiers donjons] :


Dans le premier donjon vous affrontez un professeur de sport qui traitent ses élèves comme des esclaves, harcèle sexuellement l’une de ses étudiantes et lui fait du chantage sexuel : c’est mal, le jeu fait tout pour vous le montrer. Dans le second donjon vous rencontrez l’un des protagonistes qui… harcèle sexuellement l’un de vos persos féminins et lui fait du chantage sexuel : c’est marrant et pas bien grave, le jeu fait tout pour vous le montrer. La morale de tout ça c’est quoi ? Etre un connard c’est pas bien à part quand tu fais partis des Phantom Thieves ?


C’est malheureusement pas aujourd’hui que Persona sera progressif ou essayera de changer les mentalité.

Rhayake
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Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes ~ 30 Day Video Game Challenge ~ et Les meilleurs jeux vidéo de 2017

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le 14 mai 2017

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