Un pilier plus solide mais qui tire à blanc pour ce qui est de la piraterie.

Pillars of Eternity 2 fait mine de s’inscrire dans la continuité du premier opus mais sans trop y croire non plus. C’est davantage une aventure indépendante qui s’inscrit dans le même univers et qui nous la joue Pirates ! qu’une suite directe.

Dans l’absolu le jeu s’avère un cran au-dessus de son prédécesseur ; c’est, j’imagine, l’avantage de n’avoir pas à repartir de 0, grâce au moteur de jeu largement identique et à univers déjà en partie exploré. De fait le jeu est plus vaste, plus riche, et les combats – toujours omniprésents – sensiblement dilués dans l’ensemble. Exit les trop nombreuses âmes en peine imaginées par les backers et leurs (longues) histoires déconnectées de l’aventure et qui narraient des péripéties manifestement plus intéressantes que celles proposées au joueur (d’ailleurs si nos capacités de Watcher servent désormais plus utilement l’histoire Elles sont malheureusement trop peu exploitées). Techniquement l'ensemble présente bien, en dehors des temps de chargement excessifs et d'un level design qui semble prendre à malin plaisir à multiplier les changements de lieux inutiles.

Pourtant le jeu ne m’a pas semblé meilleur au bout du compte, la faute à un game design qui me semble particulièrement maladroit. Déjà le système de jeu me pose problème : sous l’inspiration D&D évidente il s’avère trop compliqué et trop mal expliqué. Je ne remets pas en cause son intérêt intrinsèque (plus exactement je ne m’y suis pas intéressé au point de pouvoir juger de son efficacité en tant que tel) mais le fait qu’il rend les combats laborieux et focalise l’attention sur ceux-ci. Car même dans le mode ‘relaxed’ il est impossible de faire l’impasse sur le minimax-age sous peine de se retrouver dans une impasse à un moment où à un autre et le jeu ne fait presque aucun effort pour assister le joueur.

Ensuite l’architecture de l’aventure est en partie un échec ; la composante Pirates ! est une coquille vide, dénuée de tout enjeu. Elle ne présente aucun intérêt en tant que telle mais ne sert pas davantage l’histoire : elle ne contribue pas à l’aventure et ne constitue pas davantage une aventure par elle-même. Par ailleurs le poncif heroic fantasy qui consiste à faire du héros le jouet des dieux me semble usé jusqu’à la corde et fait ici office de moteur narratif assez faible : la trame principal est mince et se dilue trop tôt dans les quêtes proposées par les principales factions.
La chronologie du jeu est entièrement suspendue aux actions du joueur et l'urgence Eothas – qu’il est possible d’ignorer à loisir (et la plupart des PNJs ne s’en privent d'ailleurs pas) jusqu’au moment de finir le jeu – peut bien attendre 6 mois ou même 1 an. C’est de mon point de vue un gros problème, tout comme l’est la convergence des principales quêtes qui fait que TOUTES les factions y ont un intérêt et le désormais classique système de réputation, ici largement factice puisqu’il est quasiment permis de bouffer à tous les râteliers sans se fermer de portes jusqu’à la toute fin. Ce qui n’est d'ailleurs pas sans provoquer certaines incohérences ici ou là. Petite frustration personnelle mais les lignes de dialogue proposées forcent parfois la main en omettant des choix pourtant évidents et parfois certaines options disparaissent purement et simplement de la suite de la discussion si on choisit de poser une question plutôt que de prendre immédiatement une décision...

Bref le jeu est construit à l’image de quasiment tous les jeux de rôle PC depuis Baldur’s Gate. Il n’est pas mauvais, et même plutôt bon en réalité, mais sans surprise et sans génie. J’ai bien aimé les interactions scriptées, dont c’est la première fois qu’elles me semblent pleinement à leur place et bien exploitées. J’ai bien aimé certaines ambiances, l’écriture d’une manière générale, même si l’abus d’idiomes régionaux avec renvoi hypertexte et d’argot nuisent parfois un peu trop au confort de lecture, il y a quelques vraies bonnes quêtes mais, dans l’ensemble, je n’ai pas l’impression d’avoir vécu une histoire unique, que les choses auraient pu être spécialement différentes si j’avais joué un autre rôle. Et je regrette vraiment : 1- que la partie pirate rate le coche et 2- l’absence de surprise dans l'aventure en général et dans l’exploration des îles en particulier.
Enfin avis tout personnel et peut-être fortement biaisé mais je trouve la fin assez faible - plutôt décevante même - et la manière dont le jeu valorise notre parcours et nos actions me laisse une désagréable impression de morale réactionnaire.