Prey
7.4
Prey

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2017PC)

Il ne pouvait guère arriver de mieux à la licence semi-confidentielle et condamnée aux errances de production qu’est Prey que de finir entre les mains expertes d’Arkane Studios. Confié à l’équipe secondaire d’Austin, ce reboot infidèle n’est en fin de compte qu’un prétexte à poursuivre ses marottes du FPS hybride dans son berceau originel qu’est la Science-Fiction.


De fait, Prey embrasse plus explicitement encore les grandes influences du studio français dans un prologue qui reprend les dispositifs d’introduction des Half-Life. Parachuté, amnésique, dans une station spatiale envahie accidentellement d’aliens belliqueux nommés Typhons, le joueur devra construire son propre chemin de survie dans ce cadre hostile. Fidèle à ses obsessions, Arkane et ses orfèvres ont établi un système de jeu centré sur la liberté du joueur dans l’appréhension de son environnement. Associant une montée en puissance et diversification de l’équipement et pouvoirs du joueur à un level design à multiples lectures, un système de craft très malin à une déclinaison constante des types d’ennemis, le jeu trouve son équilibre dans l’expérimentation permanente. Chaque situation donnée est amenée à vivre, à travers les décisions du joueur, une multitude de variations possibles: opter pour une approche frontale et risquer ses munitions ou contourner le danger en créant son chemin sur les parois grâce au canon GLUE pour atteindre une plateforme en hauteur, disposer des tourelles pour préparer le terrain d’une bataille ou prendre la forme d’une tasse pour passer sous le nez des ennemis; l’ingéniosité et les initiatives du joueur seront toujours récompensées.


Là où Prey se démarque des précédents systèmes développés par Arkane et notamment celui des Dishonored c’est dans la construction de son monde. Le jeu prend une dimension supplémentaire en connectant les aires de jeux qui structurent la station spatiale, véritable monde dans lequel le joueur pourra naviguer librement. Dans la planification de son itinéraire au gré des divers objectifs qui se déclareront dans l’exploration de la station, la liberté du joueur atteint un deuxième degré, encore plus grisant et immersif. Un degré que Dishonored 2 et ses prédécesseurs, tournés vers une virtuosité compartimentée en niveaux et phases de jeu strictement délimités, n’avaient encore jamais atteint. Avec Prey, Arkane tient son jeu-monde et le présente comme tel: dans des séquences à l’extérieur de la station, sublimes et vertigineuses le jeu opère sa petite révolution copernicienne en donnant à voir sous tous les angles les contours du monde qu’il parcourait.


Cette ouverture structurelle a une autre conséquence qui est celle (encore une fois dans les pas de Valve) de fondre dans son environnement et dans le parcours du joueur le déroulement organique de sa narration. Gravitant autour des thématiques du faux-semblant et de la paranoïa, celle-ci s’injecte dans tous les secteurs de jeu. Des mises en contradiction des PNJ donneurs de mission aux capacités de mimétismes des mimics, toute l’aventure est mise sous une tension paranoïaque qui tiendra le joueur jusqu’à sa conclusion. Le jeu construit ainsi insidieusement par tous les moyens la contamination de l’univers et du personnage par une civilisation alien fascinante.


Les Typhons, créatures célestes brumeuses et protéiformes coloniseront petit à petit la station, tissant leurs fabuleuses toiles de lumière hallucinogènes dans tous les recoins et se multipliant en des formes de plus en plus complexes et puissantes. Cette évolution dynamique du bestiaire laissera le joueur dans une incertitude constante, quand revenant sur ses pas, il verra les zones précédemment nettoyées, envahies par des adversaires encore plus retors. L’intelligence artificielle des extra-terrestres a été raffinée au delà de la simple opposition belliqueuse : blessés ils s’échapperont et se cacheront pour mieux vous prendre par surprise. On les sent finalement animés par un instinct de survie qui génère une forme d’empathie relayée par les pistes narratives et l’appropriation, via des modifications neurologiques, des capacités surnaturelles des typhons par le personnage-joueur.


C’est finalement la grande force de Prey que de jouer l’incertitude contre la liberté du joueur, de quoi transcender son apparente modestie (le jeu n’est, en dépit d’une direction artistique très fine et cohérente, pas ostensiblement impressionnant) en une expérience furieuse et passionnante, riche et immersive. Sous ses oripeaux de petite série B, Prey cache un vrai grand jeu, complètement habité par une vision et un ton qu’il déploie dans une alchimie inespérée. Et si Arkane tenait là son chef d’oeuvre?


Mon blog ici

Créée

le 30 oct. 2017

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MystèreOrange

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