[Attention, c'est assez long...]
[Le sous-titre est dédicacé à @Martin_SpriteO !]

Incroyable mais pourtant vrai, le Professeur Layton est de retour, à l'image des feuilles mortes et des écharpes en laine colorées. En vérité, il ne s'agit pas d'une surprise, étant donné que les retrouvailles avec le gentleman au haut chapeau sont devenues un rendez-vous automnal par excellence. Cette année, l'Appel du Spectre ramène sa cartouche sur DS, toujours avec deux ans de retard sur le Japon. A la fois premier, dernier et décalé, un petit topo sur la saga de Level-5 s'impose pour commencer les hostilités.

Souvenez-vous, le précédent opus (Le Destin Perdu) s'était permis de clore la première trilogie du Professeur Layton, non sans émotion. Ainsi, cet Appel du Spectre (anciennement traduit La Flûte du Démon par les fans) est le numéro quatre de la série et se permet d'entamer un paquet original de trois épisodes. La trilogie, ça marche alors pourquoi s'en priver ? Pour bien marquer le coup, Level-5 tape carrément dans la préquelle, situant ces aventures inédites avant les histoires déjà racontées. S'il marque le commencement d'une nouvelle ère, il ne faut pas oublier que cet acte marque également la fin d'une liaison avec la DS. Dès Layton 5 (Le Masque des Miracles), le public sera redirigé vers la petit sœur, celle qui regarde la vie avec ses lunettes bicolores : la 3DS. Pour compliquer légèrement la donne, le long-métrage La Diva Éternelle est sorti chez nous depuis de nombreux mois, en ne respectant pas la chronologie générale. Effectivement : le film se déroule en vérité après l'Appel du Spectre ! Par conséquent, les fans impatients n'auront pas eu la primeur de découvrir les protagonistes tous beaux tous neufs dans l'ordre prédéfini par le studio. Sans que cela soit réellement préjudiciable, l'effet de surprise escompté prend du plomb dans l'aile.

Qu'à cela ne tienne, notre fringuant Hershel Layton est appelé à résoudre, pour changer, un mystère très enfumé. Le village de Misthallery semble en effet victime d'un spectre profitant du brouillard pour casser les chaumières et effrayer les habitants. Interpellé par une lettre de son ancien ami Clark Triton, le Professeur vole à la rescousse, le nez pointé vers l'avant pour renifler et déjouer les manigances en place. Le patronyme Triton n'aura assurément pas échappé aux plus attentifs : Clark n'est autre que le père du jeune Luke, l'apprenti fidèle. Outre l'enquête, qui reste le cœur du récit, le joueur va donc avoir l'occasion d'enfin assister à la rencontre entre Layton et son futur élève.

Pas de surprise au programme concernant la formule : le mélange d'énigmes, d'histoire, des personnages atypiques et de musiques brillantes reste le même. Dans l'optique constante de fondre de plus en plus les puzzles dans le récit, Level-5 continue son bonhomme de chemin. Certaines devinettes se retrouvent fusionnées dans la narration : ouvrir le passage sur un pont, convaincre Luke de sortir de sa chambre, etc. Rien de sérieusement neuf, l'effort n'en reste pas moins louable. Le Professeur en profitera parfois pour lancer un questionnaire à choix multiples, l'occasion de mettre au clair les résolutions du moment. Pour ne plus rien y comprendre, il faut donner de sa personne, tant le cheminement est exposé de manière didactique. Plus de 150 énigmes sont proposées, ainsi que trois minis-jeux, afin de remuer et triturer votre matière grise. Bien entendu, on assiste à quelques redites, toutefois dans l'ensemble les mécanismes sont suffisamment huilés pour couler agréablement sous notre stylet. Attention aux plus sûrs d'entre vous, il faudra de temps en temps ravaler sa fierté et acheter quelques indices, toujours à l'aide de pièces récoltées dans les décors.

Un épisode révolutionnaire ? Jamais ! Sans pour autant diffuser de la lassitude, il est légitime de se poser la question : est-ce que la série ne commence par à tourner en rond, comme un poisson dans son bocal ? A cette problématique, Le Destin Perdu avait trouvé sa réponse, celle des sentiments. Fort de sa dimension conclusive, le troisième larron s'était permis entre deux séquences animées acrobatiques de développer -enfin- ses personnages. Layton révélait ses failles et le scénario virevoltait avec brio jusqu'à sa fin touchante. A cette image, la rencontre passée entre Layton et Luke laissait entrevoir moult promesses. En pionnier d'un triptyque renouvelé, l'Appel du Spectre se retrouve dès lors chargé de nombreuses missions, dont celles de décrire les fondements d'une relation déjà familière au joueur et d'introduire des protagonistes encore inconnus. Sur le premier point, la subtilité peine à s'épanouir. D'un Luke réfractaire et méfiant, on passe très (trop ?) rapidement à un duo qui repart presque comme si de rien n'était. En exceptant quelques anecdotiques références au fait qu'il ne se connaissent pas, ce Layton 4 pourrait quasiment se passer après les trois précédents. Un retour en arrière clair par rapport aux développements psychologiques antérieurs. Cela s'explique probablement par la place à la case de départ de ce numéro, le meilleur reste sur le feu à mijoter. Quant aux compagnons de route qui rejoignent l'aventure, ils s'avèrent réjouissants, de l'intrépide Emmy au prometteur Inspecteur Groski. On regrettera simplement, si l'on a regardé la Diva Éternelle, de connaître à l'avance le look du nemesis, remplaçant de Don Paolo, planqué jusqu'au bouquet final.

Techniquement, le jeu continue son « sans faute ». Les graphismes 2D, le chara-design unique, les excellentes scènes animées, tout est là. La charte est respectée, toujours accompagnée d'une BO de très haute qualité. On ne nous épargne malheureusement pas de nombreux allers-retours, l'action restant engluée dans un unique village, à part une courte escapade le temps d'un chapitre. Le ton tout public ne vacille point, poussant le bouchon un peu loin dans sa conclusion tire-larmes. Difficile de ne pas rouler des yeux (mouillés malgré tout) quand le récit fonce droit dans la direction du pathos. Après une grosse dizaine d'heures, le constat est moyen : l'efficacité d'une construction solide se dispute à un manque d'ambition. Succéder à un final en apothéose reste compliqué, surtout quand il s'agit de relancer la machine calmement. On pardonne donc sans mal les facilités empruntées, sans doute nécessaires pour servir de tremplin aux Layton 5 et 6.

Il reste à aborder un point important : le cas London Life, un bonus king size. Développé par Brownie Brown (en attendant son futur Fantasy Life sur 3DS), London Life est plus qu'un mini-jeu supplémentaire, il est carrément un second jeu à part entière. Strictement en 2D dans un style rappelant les Mother (et pour cause, Brownie Brown a travaillé sur Mother 3), ce pseudo-RPG a de plus acquis la réputation de durer plus de cent heures. De quoi donner envie ! Sauf qu'avant de rentrer dans les détails, une précision de taille s'impose. En Europe, vous ne trouverez pas London Life sur vos cartouches. Ce dernier est et restera exclusif au Japon et aux USA, la faute vraisemblablement à un problème de traduction et de timing : très fourni en texte, le travail pour le proposer en plusieurs langues européennes à l'automne aura eu raison de sa sortie. Un bémol pouvant peser lourd dans la balance de l'import.

Plutôt qu'un RPG, London Life s'apparente davantage à un mix détonnant entre Animal Crossing pour la manière de jouer, Mother pour les graphismes et l'humour et bien entendu Layton pour l'univers. Le temps de créer son avatar et c'est parti. Le cadre est sans surprise un Londres miniature dans lequel on retrouvera des figures emblématiques de la saga, dont le Professeur ! Bien que disponible aux USA dès le départ (contrairement au Japon), il est conseillé de n'enchaîner London Life qu'après avoir terminé le véritable Layton 4, afin de profiter d'un maximum d'objets et personnages débloqués. Découpé selon un calendrier et muni d'un cycle jour / nuit, le jeu s'appuie quasiment uniquement sur un système de quêtes.

Chaque matin, le journal local vous est envoyé et présente les missions disponibles. Il s'agira principalement d'aller chercher tel objet pour telle personne, le tout enrobé de dialogues rigolos. Les particularités de chacun sont marquées, de l'éternel bougon toujours de mauvaise humeur au facteur débordé en passant par le patient amoureux transi attendant sa bien-aimée devant la gare. Evidemment ultra répétitif dans son principe de base, London Life devient rapidement addictif si l'on se prête au jeu. Le plaisir de retrouver Don Paolo, de venir à la rescousse de l'inspecteur Chelmey, de croiser Mamie Mystère ou Pavel, atteint son but, à savoir un énorme fan-service, qui de plus émerveillera les amateurs de pixels. Tout y est petit, tout y est mignon. Pour accentuer l'amusement, il n'est désormais plus question d'incarner le Professeur mais de créer sa propre histoire, en résolvant soi-même le plus grand mystère de la ville. Une remise en place intéressante, qui nous plonge au centre de l'aventure. Avec l'occasion en cours de route de décorer son appartement selon ses goûts et d'arborer différents looks, selon les habits gagnés en rendant service ou achetés dans les divers magasins.

En vérité, la quête principale ne prend que quelques heures si l'on se cantonne à tracer droit devant. L'intérêt reste précisément de consacrer du temps au reste. Pourtant, les missions qui semblent inépuisables finissent à regret par revenir avec des intitulés identiques, après avoir passé quelques semaines dans le jeu. Néanmoins, il y a de quoi faire avant d'arriver à cette inéluctable conclusion et encore plus si l'on décide de tout terminer. On passera sur la moralité discutable de l'ensemble : si rendre service est honorable et toujours récompensé, la collectionnite aiguë et le bonheur associé à la possession et à l'achat d'objets toujours plus chers trônent en haut de l'affiche. Pas de quoi entamer un procès d'intention, à moins de vouloir couper les cheveux en quatre. Redondant dans l'âme et par conséquent problématique à conseiller à tous, London Life fournit quoiqu'il en soit un rallongement de durée de vie providentiel. Son absence de la version européenne reste une déception de taille et encouragera peut-être les fans les plus acharnés à passer par la section import.

En conclusion, Professeur Layton et l'Appel du Spectre est un Layton de bonne facture mais un Layton classique. Amputé de son jeu bonus « London Life » en Europe, le joueur se consolera sur les énigmes retorses post-game ou à télécharger. Posant les bases d'une nouvelle trilogie, le renouvellement de la licence se passera, on l'espère, dans le Masque des Miracles sur 3DS. Ultime opus en 2D, ultime opus sur DS, le gentleman nous tire sa révérence pour mieux préparer son retour. Rendez-vous à l'automne prochain sans doute, d'ici là notre Professeur aura eu le temps de croiser la route de Phoenix Wright au Japon. L'impatience grandit, sans objection.
Molo
7
Écrit par

Créée

le 29 nov. 2011

Critique lue 692 fois

7 j'aime

Molo

Écrit par

Critique lue 692 fois

7

D'autres avis sur Professeur Layton et l'Appel du Spectre

Professeur Layton et l'Appel du Spectre
Sheyru
6

Professeur Laiton et l'appel de l'endormissement

Meeeh. Et bien déçu de ce layton dont j'en attendais plus avec une jaquette et une histoire de spectre qui me faisaient envie, et bien que nenni ! J'ai trouvé ce jeu sans saveur, fade alors que les...

le 12 août 2016

4 j'aime

Professeur Layton et l'Appel du Spectre
sseb22
6

Prof. Layton et l'appel de la routine

Cet "Appel du Spectre" est le quatrième épisode de la série des Prof. Layton et se déroule trois ans avant la première trilogie de jeux. Cette fois-ci, Layton est accompagné d'Emmy, sa nouvelle...

le 11 mars 2013

2 j'aime

6

Professeur Layton et l'Appel du Spectre
eipiplusun
9

Le meilleur Layton, tout simplement.

La plupart des avis que j'avais lu le concernant le décrivait comme le vilain petit canard de la série, un bon épisode mais qui n'arrivait pas à se distinguer après son excellent prédécesseur, "et le...

le 4 août 2014

1 j'aime

Du même critique

999: Nine Hours, Nine Persons, Nine Doors
Molo
8

Le neuf ou la poule ?

[Test écrit en janvier 2011] Jusqu'en décembre dernier, les jeux DS classés « Mature » aux USA se comptaient sur les doigts des deux mains. Pile poil. Désormais, il faudra sortir un orteil et prendre...

Par

le 1 juin 2011

32 j'aime

18

System Shock 2
Molo
8

Dans l'espace, SHODAN vous entendra crier

Si certains jeux résistent au temps et gardent une place privilégiée dans nos mémoires, d'autres ont vite fait de tomber dans l'oubli. Non pas qu'ils déméritent, au contraire, ils n'ont simplement...

Par

le 30 avr. 2011

27 j'aime

10

Le Manoir de Mortevielle
Molo
8

"Vous êtes trop curieux !"

Plus de 20 ans après y avoir joué, le Manoir de Mortevielle est un des rares jeux, le seul probablement, dont je peux encore réciter l'introduction par cœur (ceci n'est pas du bluff). Si j'en suis...

Par

le 26 oct. 2010

22 j'aime

7