Après pas moins de 8 longues années d’attente, j’attendais Red Dead Redemption 2 fébrilement, persuadée que Rockstar allait une nouvelle fois me scotcher et satisfaire mes besoins vidéoludiques les plus profonds. Tant du point de vue des environnements réalistes, du scénario que de l’expérience dans son ensemble. Les aventures de John Marston furent en 2010 l’une de mes premières expériences en monde ouvert. Adolescente j’avais été totalement subjuguée par la proposition du studio de San Diego, me permettant de chevaucher dans le Grand Ouest américain du début du XXe siècle. L’un de mes rêves d’enfant les plus captivants, rendu possible par un univers virtuel riche et passionnant.


L’histoire de ce deuxième opus a lieu au cours d’une période intéressante où l’ancien mode de vie américain hérité des premiers colons, se heurte aux bonnes mœurs et à la bonne tenue d’une société capitaliste en devenir. Dominée par les plus riches et subit par les plus pauvres. Sur le modèle européen, il n’est désormais plus besoin de découvrir ou de conquérir le nouveau monde mais d’assouvir les populations installées pour enrichir la classe dominante.


Après des premières critiques élogieuses le portant au rang de nouveau classique du jeu vidéo, je fonçais sans me poser de question dans mon magasin préféré ce fameux 26 octobre, sans me douter que j’allais être autant satisfaite et émerveillée que déçue !


Les premières heures de jeu m’ont d’abord totalement comblées. RDR2 peut se targuer d’être le jeu vidéo le plus réaliste avec la meilleure retranscription visuelle de l’histoire. Jamais un jeu vidéo n’a autant approché le 7e art dans son rendu visuel. Chaque geste, chaque objet, chaque élément météorologique est criant de vérité, de jour comme de nuit. La lumière semble totalement naturelle, les environnements évoluent en permanence, nous permettant de redécouvrir sans cesse de nouvelles sensations visuelles et sonores (rosée du matin, brouillard, humidité ambiante, chaleur du soleil, orage, etc.). Les textures fines et nuancées sont accompagnées par différentes musiques d’ambiance propices à l’émerveillement dans un monde entièrement dynamique et cohérent, d’un bout à l’autre de la carte.


Le monde visuel et sonore de RDR2 favorise une immersion totale grâce à un véritable travail d’orfèvre. Devant de tels panoramas, nous pouvons aisément pardonner ces 8 années d’attente. Il est d’ailleurs impossible de passer à côté de l’aspect contemplatif voulu par les développeurs. N’en déplaisent à certains joueurs avides de challenges et de scoring, cette aventure d’Arthur Morgan s’apprécie totalement comme un film. Avec ces moments de tension-action et ces moments de lenteur-contemplation auxquels on ne peut échapper. Le premier reproche que l’on pourrait faire concerne ces derniers. Après quelques heures passées à lutter contre la lourdeur des mouvements du personnage, le joueur n’a d’autres possibilités que d’accepter ce rythme lourd contre-nature aux productions AAA.


Vécu comme une récompense, la lenteur permet dans certains jeux comme The Last of Us d’apprécier plus fortement les moments d’action pure, faisant monter l’adrénaline et le plaisir du joueur. Ralenti volontairement dans nos mouvements et notre progression dans l’environnement, accentue cette sensation d’être devant un film vidéoludique.


Malheureusement le dosage entre un rythme lent et les scènes d’action me semblent mal ajusté dans RDR2. Mon palpitant n’a vibré que trop rarement au cours de missions linéaires et répétitives. Le potentiel immersif gargantuesque des premières heures s’est révélé finalement « plombant ». Le réalisme jouissif se fait au détriment d’une expérience ludique que j’ai ressenti comme « punitive » à de nombreuses reprises. J’ai été particulièrement agacée lorsqu’Arthur descend de cheval tout seul ou face à l’impossibilité de courir de partout où on le souhaite.


Cette sensation d’être sous contrôle tout au long du jeu est accentuée par les nombreuses quêtes inintéressantes qui jalonnent notre parcours. La narration toute tracée enlève les montées d’adrénaline attendues à l’instar de GTA V ou de RDR1. Le potentiel offert par l’environnement si dense est gâché par le manque de variété dans les missions. Trop pris par la main, l’évolution du jeu donne la sensation que les développeurs voulaient absolument qu’on fasse telle action ou que l’on voit tel élément à tel moment. Nous enlevant le plaisir de la découverte par soi-même et de la création de notre propre histoire (ajout d’un chapeau automatiquement sans avoir rien demandé par exemple). Bref, peu importe nos actions dans le monde ouvert, l’intrigue principale est écrite, tel un destin inévitable.


Dans ce sens, la rejouabilité des missions est également quasi nulle. Les défis se résumant à la réussite de tirer plusieurs fois en pleine tête ou de finir la mission dans un temps imparti. Les quêtes principales ou secondaires se restreignent tristement à aller d’un point A à un point B en discutant avec un autre personnage. Puis d’arriver sur place, de foncer dans le tas et de récupérer l’objet de la mission ou de fuir. Trop guidée, j’ai suivi les intrigues avec intérêt mais sans avoir le sentiment de prendre part à cette aventure. Nous passons finalement notre temps en mission à subir les zones à atteindre, la visée dirigiste et le peu d’actions à mener de notre propre chef (et ce même durant l’épilogue qui traîne en longueur).


Quid de la gestion de l’inventaire des armes et des objets ? Ce manque d’intuitivité ne fait que renforcer la lourdeur générale du jeu.


On sent la recette Rockstar usée jusqu’à la corde, ultra rodée provoquant un sentiment de trop-plein ou de « jeu de trop ». Des propositions plus complètes autant dans l’environnement proposé, que dans la richesse des missions (The Witcher 3), mettent d’autant plus à mal cette absence de prise de risque.


In fine, les meilleurs moments du jeu se trouvent en dehors des sentiers battus. L’exploration pure en dehors des quêtes s’avèrent exaltant et vivifiant ! Les meilleurs surprises et découvertes sont permises lors des grandes chevauchées en solitaire, au détour d’un bois ou d’une rivière. Cette sensation de liberté nous rapprochant au mieux du mythe du cow-boy solitaire, assisté d’une maniabilité quasi parfaite de notre monture. L’immersion est d’autant plus appréciable qu’elle alterne entre des moments seul en pleine nature et des moments en groupe.


En effet, les possibilités d’interaction avec les autres membres du gang sont des actions « gratuites », ne procurant aucun autre avantage que de favoriser l’immersion du joueur. Ces moments de complicité et de tendresse parfois inattendus, amplifient la dimension humaine et sensible du jeu. Chaque personnage évolue au fil de l’intrigue, permettant de présenter une dynamique de groupe réaliste ainsi que la complexité de la nature humaine. L’intensité de certaines personnalités affirmées vont même jusqu’à faire de l’ombre à notre protagoniste principal.


Arthur a également le mérite de ne pas tomber dans la facilité du héros vs. anti-héros à laquelle je m’attendais. On découvre un homme simple aux ambitions mesurées, cherchant le sens de sa vie à l’aube d’un nouveau jour. Il casse avec l’image du personnage invincible pour exprimer toute en pudeur sa part humaine et vulnérable.


Red Dead Redemption 2 présente donc deux facettes inégales et cohabitant difficilement. Je vais essayer de n'en retenir que la meilleure.

Eilujrig
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le 8 janv. 2019

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Eilujrig

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