L'apogée de l'ennui



Je relâche la manette, le souffle court. La fin du jeu aura été une souffrance incroyable, un moment à passer malgré l'adversité, un véritable affrontement contre ce qu'on nous présente comme le dernier monument du jeu-vidéo. Je n'ai que rarement autant lutté pour finir un jeu, et c'est bien malheureusement tombé sur ce Red Dead Redemption 2.


Pourtant, tout commençait bien pour le jeu de Rockstar. Tout le monde a déjà maintes et maintes fois souligné la virtuosité des environnement, la beauté des graphismes, cette attention au détail, au réalisme, cette atmosphère réussie, cette écriture maîtrisée... oui mais, et sinon on parle de ce qui fait que c'est un jeu-vidéo, par exemple le gameplay, ou alors on continue à se branler sur des choses que la littérature et le cinéma fait encore mieux ?


Red Dead Redemption 2 est une tragédie, non seulement dans son histoire, mais aussi dans son existence même. Comment autant de talent peut être aussi bien gâché ? Comment peut-on donner autant de soin à des détails, comment peut-on autant peaufiner un jeu, pour qu'au final on arriver à s'emmerder autant dans un monde aussi cohérent ? Red Dead Redemption 2 est le petit cousin frigide du premier, un monument superbe mais qui sonne creux quand on tape dedans. Parce que le jeu ne se résume qu'à un schéma simple : on a une scénette sympathique et bien écrite, souvent drôle et intéressante, puis on a cinq minutes de cheval dans de superbes décors, un élément perturbateur qui va nous amener à buter environ 45 méchants cow-boys, puis on a une scénette, et c'est reparti. Voici le squelette de 90% des missions du jeu, et quand ça change, ça consiste généralement à conduire une barque d'une mollesse incroyable, ou à s'emmerder à ramasser du purin. Les gun-fights sont vifs et plaisants, mais le personnage est d'une lourdeur sans égale, les séquences de combat répétitives, et si jamais vous avez un set d'armes préférées, il va falloir l'oublier sur la majorité des missions ou s'embêter à aller les chercher sur votre cheval quand c'est possible. J'aurais adoré faire l'aventure rien qu'avec mon fusil à pompe pour voir les membres voler dans tous les sens, ce n'est malheureusement pas possible (on s'amuse comme on peut quand on se fait chier hein).


Le jeu est long, terriblement long, à un point qu'il prend l'air d'un film indépendant de 3h30 primé et adoré de tous, mais qui vous fait mourir d'ennui pendant son visionnage (sauf que là ça dure au moins 40 DE PUTAINS D'HEURES). Certaines critiques ont osé le terme de "jeu-vidéo d'auteur" pour qualifier ce Red Dead Redemption 2. C'est une dénomination qui sonne stupide quand on regarde la taille de l'effectif derrière le jeu, mais au fond il y a de ça : Rockstar a pris le partie de faire ressentir la lourdeur, de faire voyager, d'insuffler une certaine âme à son jeu, de pousser le joueur à prendre son temps. C'est une volonté remarquable, mais ça dure vraiment trop longtemps. Fouiller les corps des brigands qu'on vient de flinguer ? Et puis quoi encore, t'as vraiment envie de perdre 1 minute de ta vie à voir Arthur Morgan lourdement soulever un corps pour lui en faire les poches ? T'as vraiment envie de te balader dans ces intérieurs exigus, où on ne peut courir, et ouvrir une par une toutes les portes des commodes pour espérer y trouver 2 dollars ? Tu te régales vraiment à avancer comme une tortue à chaque fois que tu vas dans ton camp, que tu dois traverser de long en large pour aller choper de la soupe, ou alors tu en profites pour t'allumer une clope ? Et sinon, tu crois qu'il y a plusieurs manière de finir une mission ? Non, évidemment. Suit le chemin balisé par Rockstar, sinon c'est Game Over et il faut recommencer du début. C'est bien pour cela que l'on passe son temps à avoir des armes imposées : il faut suivre le plan établi par les créateurs du jeu.


En fait c'est la tout le paradoxe de ce Red Dead Redemption 2 : on a un jeu au comble de la modernité pour son habillage, son écriture, son ambiance, mais on se retrouve avec un système de mission qui n'a pas évolué depuis GTA 3, et un gameplay alourdi du premier Red Dead Redemption.



Allez appuie sur croix !



Le jeu est terriblement, et inutilement, long. Certains arcs narratifs auraient pu être coupés, ça n'aurait été que mieux.


La plus grande partie de l'épilogue ça aurait été bien de ne pas se la taper par exemple, ou au moins pas aussi longtemps. En plus si c'est pour arriver à un tel dénouement, avec un Dutch qui prouve qu'il est bien devenu complètement maboule et illogique, on aurait très bien pu y aller directement.


Et au-delà d'un "take your time" qui pourrait nous rappeler Persona 5, cela aurait été plus agréable s'il y avait une vraie proposition vidéoludique derrière. Les activités annexes sont creuses, peu intéressantes, et bien trop chronophages et lourdes pour vraiment nous pousser à les faire. Si le monde n'est pas avare de rencontres aléatoires, la petite spéciale de Rockstar, elles sont souvent répétitives. La chasse et l'activité de trappeur est aussi rébarbative qu'inutilement complexe, et la quête du Pur Sang Arabe est bien le seul élément qui m'a intéressé.


A côté de cela, il est évident que Rockstar s'est surpassé en terme d'écriture : que ce soit dans la personnalité de Dutch, philosophe anarchiste hors-la-loi, les hésitations d'Arthur Morgan et son dénouement, le développement de John, le personnage de Sadie Adler... Mais je ne fais et ne ferait jamais partie de cette frange de joueur qui juge un jeu-vidéo sur son écriture et son histoire. Surtout que bon, niveau western, y a quand même de sacrés concurrents dans les autres médias. Il y en a même qui ont aussi joué la carte de la lenteur et de l'immersion, mais fort heureusement ça ne durait que 3 heures dans les plus longs des cas, et c'était formidable.


Il serait temps que Rockstar nous écrive une série sur le far-west s'ils aiment tant que ça la mise en scène, cela me ferait sûrement moins chier que ce jeu. Sauf s'il y a autant de temps de dialogue à cheval, là c'est sûr que je lâcherai assez vite. D'ailleurs je pense que Rockstar a caché les statistiques de jeu pour éviter que l'on note le temps que l'on a passé à cheval, à écouter toujours les mêmes conneries : on se rendrait compte que cela compte pour 75% du jeu. Appuyer sur croix en regardant des paysages défiler, je suis heureux de voir qu'au final le jeu-vidéo n'est rien de plus qu'un projecteur de diapositive.

MooleFreet
7
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le 30 juin 2019

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MooleFreet

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