Le Naufrage

Le naufrage de la série Resident Evil n'a pas été un long et angoissant désastre, ce fut soudain et assourdissant, dès la parution de ce RE4 en réalité.

Oubliez la peur, l'exploration, les énigmes, le rationnement de munitions et de soins, les ennemis peu nombreux mais où chaque rencontre nous obligeait à prendre des décisions drastiques, oubliez les musiques magnifiques et oppressantes, les environnements cohérents et les monstres emblématiques capables de peupler vos cauchemars. Oubliez Resident Evil, oubliez l'héritage de la franchise, oubliez, en fait, ce qui a rendu cette série culte. C'était probablement le mot d'ordre chez Capcom lorsqu'ils ont osé publier ce jeu.

Car ici point de survie ou d'exploration labyrinthique, notre héros doit affronter des milliers (oui !) d'adversaires dans des arènes fermées. Ce qui aurait été peut-être intéressant si le concept avait été assumé à fond, en proposant un panel de mouvements dynamiques, histoire d'en faire un TPS ultra-nerveux. Mais non, pour créer de la "tension" et probablement pour justifier le nom "Resident Evil", notre personnage se contrôle comme un 33 tonnes et les affrontements finissent par tous se ressembler : trouver une échelle, se mettre au-dessus et attendre que la masse de mobs s'approche en alignant les headshots. Et je ne parle pas des incessants QTE, plaie biblique du jeu vidéo, mal foutus, qui cassent le rythme et obligent le joueur à ne jamais éloigner ses doigts des boutons, y compris pendant les cinématiques.

Entre deux arènes, lorsqu'il ne propose pas de couloirs tout vides dans lesquels ramasser deux trois babioles, le jeu va vouloir se diversifier en proposant des phases incroyablement inintéressantes sorties de cerveaux malades : les montagnes russes en chariots de la mine, la balade en bateau et QTE sur le lac, le trajet en tractopelle et bien sûr les fameuses missions d'escorte de PNJ ultra-fragile et con comme ses pieds... C'est un véritable enfer vidéoludique, c'est à la fois mal foutu, frustrant et chiant comme la mort, une sorte de compilations de niveaux à ne pas reproduire lorsqu'on fait un jeu. En réalité, il ne manque qu'un niveau de plateformes aérien avec des ventilateurs et un passage sous-marin pour compléter le tableau des phases relou.

Mais ce n'est pas tout ! Les développeurs ont décidé d'aller dans l'absurdité la plus totale au niveau scénario et ambiance, réussissant à partir d'un concept intéressant (le village et son château paumé dans la montagne espagnole) pour en faire un gloubiboulga écœurant. Je ne nie pas que le scénario des RE a toujours été digne du cinéma bis, ils n'ont jamais été particulièrement originaux ou profonds, mais ils restaient au moins "crédibles" et cohérents au sein leur univers. Là, les mecs ont complètement lâchés la bride : on affrontera donc des dizaines de méchants dans une phase en téléphérique dans la montagne avant d'accéder à un château, le héros étant accueilli par des catapultes balançant des projectiles explosifs, on ouvrira des portes à coups de canon antique sorti du sol, on affrontera des tours lance-flammes dans une salle du château inondée par de la lave en fusion avant d'arriver à la scène qui est l'apogée de ce que propose le jeu et qui restera à jamais gravée dans ma mémoire : Léon poursuivit en QTE par une statue de nain géante et robotisée.

Je pourrais aussi parler des doublages infects, des dialogues ineptes, des musiques horribles à part celle des zones de sauvegardes, du marchand qui est présent partout malgré le danger omniprésent mais c'est pas grave, des ennemis variés mais tous plus oubliables les uns que les autres et de tant d'autres choses... Pendant les 17 heures que durent le jeu, j'ai néanmoins noté deux fulgurances : le tout premier niveau dans le village, qui est angoissant et pourrait faussement laisser présager de grandes choses pour le reste du jeu, et la phase dans le laboratoire contre des ennemis invincibles (ou presque) qui redonne un aspect survival. Tout le reste n'est en fait qu'une sorte de montagne russe loufoque et insensée, une sorte d'auto-parodie qui ne m'a pas vraiment fait rire, un running gag de longue durée qui continuera d'enterrer la licence dans les opus 5 et 6 et qui ne se sera finalement terminé que le 24 Janvier 2017.

J'ai joué au jeu dans version PC, et le moins que l'on puisse dire c'est que le portage est catastrophique : erreur de traductions, mauvaises touches lors des QTE, plantages inopinés...