Return of the Obra Dinn
8.3
Return of the Obra Dinn

Jeu de Lucas Pope et 3909 (2018PC)

La mécanique de gameplay a déjà été décrite abondamment dans les autres critiques, ainsi que l'originalité des graphismes, je ne vais donc pas m'attarder dessus.


Je tiens tout de même à avertir que le jeu, pour si beau qu'il soit, ne plaira pas forcément à tout le monde. Le fait d'attribuer à chaque mort une manière de mourir, voire le cas échéant un assassin, est une mécanique d'énigme à laquelle les pointer-cliquer ne nous ont plus habitué sinon en passant. Il y a dedans quelque chose de rigide. Par exemple vous pouvez avoir le bon personnage, mais si vous dites qu'il a été abattu par une flèche alors qu'il a été frappé par un javelot, le jeu ne validera pas. Au fonds, il s'agit de mettre les bons mots sur les situations. Ce personnage a-t-il été soufflé par un boulet de canon ou est-il mort dans une explosion ? Discussion de jésuite à laquelle vous vous livrerez en monologue intérieur. Le jeu est paradoxalement peut-être plus drôle à faire à plusieurs.


Ah, et cette histoire de trouver l'assassin vous fera penser au Cluedo. Il y a de ça, mais en vérité, du moins en début de partie, Return of the Obra Dinn fait plutôt penser au Mastermind : si vous hésitez entre deux noms, il suffit de les essayer l'un après l'autre jusqu'à ce qu'un des deux marche. Le système de validation, qui ne marche que par groupe de trois sorts identifiés, pour limiter ce type de dérive, trouve cependant assez vite ses limites.


Le jeu n'a rien à voir avec Papers please, qui proposait une jouabilité très riches en interactions. Ici, vous sortez votre montre et l'activez, vous ouvrez des portes, et les interactions avec le décor s'arrêtent là. Il n'y a pas non plus de jeu sur la verticalité, vous ne pouvez pas grimper ou sauter. C'est un peu dommage. On touche là aux limites d'un jeu développé en solitaire.


Ces quelques réserves mises à part, on est en face d'une perle, qui au niveau esthétique me rappelle les gravures de Gustave Doré pour la Rime of the Ancient Marinere de Coleridge. Les illustrations rappellent un peu celles de Darkest Dungeon, et il y a quelques clins d'oeil à Lovecraft.


Le jeu a l'intelligence de miser sur la magie du hors-champ et de l'ellipse, puisque vous ne voyez que des sortes de dioramas fixes des scènes de crime, dans lesquels vous évoluez à votre guise. On aimerait parfois changer d'étage pour voir ce qui se passe ailleurs, mais c'est impossible.
Par la complexité des interactions entre les personnages et par le recours à un espace clos, dans lequel on fait des va-et-vient dans le temps pour développer une histoire, enfin par son atmosphère unique, hantée par un sentiment de désastre inévitable, je trouve une parenté entre ce jeu et l'incroyable The last express de Jordan Mechner, que je porte très haut (plus haut qu'Obra Dinn, pour être honnête) dans mon petit coeur de joueur. Mais comparer Pope à Mechner, c'est je trouve lui faire un bien beau compliment.


J'ai beaucoup tâtonné pour les deux derniers morts qui permettaient de débloquer la vraie fin. C'est un jeu qu'il faut faire vite pour garder la mémoire fraîche.
Verdict final : un concept très bon, qu'on aimerait voir décliné dans des suites, qui explorerait encore d'autres possibilités.

zardoz6704
8
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le 4 nov. 2018

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zardoz6704

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