Return of the Obra Dinn
8.3
Return of the Obra Dinn

Jeu de Lucas Pope et 3909 (2018PC)

Après un premier jeu, Papers, Please, impressionnant d'efficacité et tirant parti d'un concept simple pour développer autour de celui-ci toute une palanquée de variations de gameplay, j'attendais énormément le nouveau jeu de Lucas Pope, Return of the Obra Dinn. Mais je n'y ai pas joué tout de suite, le laissant dans ma liste de Jeux à faire pendant 2 ans, sans qu'il quitte mes pensée. Verdict: attendre 2 ans pour jouer à Return of the Obra Dinn fût un affront!


La boucle de gameplay de Return of the Obra Dinn peut se résumer ainsi: vous trouvez un cadavre, enclenchez un flashback, une séquence auditive (sans image) avec/sans dialogues se déclenche, et enfin un tableau figé d'un événement se présente à vos yeux, dans lequel vous pouvez vous déplacer relativement librement. Au joueur de trouver sur ces bases ce qu'il est advenu de chacun des passagers de l'Obra Dinn. Avec cette nouvelle oeuvre, Pope démontre encore toute sa maîtrise d'un game design basé sur l'observation et les liens logiques et poussant le joueur à faire attention à tout détail, même apparemment insignifiant de prime abord mais dont le jeu arrive à faire comprendre l'importance au joueur par la seule force de son déroulement: l'accent régional, l'origine, l'habillement, un élément de dialogue, la configuration des salles du navire, les proximités apparentes entre personnages, la liste des passagers et les rôles indiqués de chacun, etc. Toutes les informations nécessaires sont à disposition et il ne tient qu'à nous de faire le cheminement logique sur cette base, plusieurs raisonnements étant parfois possibles, sans qu'à aucun moment le jeu ne nous prenne explicitement par la main.


Toutes les solutions peuvent être trouvées sans y aller au petit bonheur la chance; de toute façon, le jeu nous demandant de saisir parmi une liste de destins celui qui convient, avec le cas échéant la nécessité de nommer un meurtrier, c'est la plupart du temps compliqué de procéder de la sorte. Les énigmes ne sont pas non plus outrement tordues, la difficulté est parfaitement réglée, cela ayant pour résultat un vrai sentiment d'accomplissement et d'avancement. Une seule exception notable pour 4 personnages, pour qui la solution est cachée dans un coin plus par défaut de jouabilité que par sadisme.


Les graphismes du jeu, mêlant une esthétique d'affichages de vieux ordinateurs personnels (Macintosh, IBM, Commodore, etc.) à une modélisation 3D, sont non seulement originaux, rafraîchissants et agréables à l’œil mais également non dénués de sens d'un point de vue de game design, rendant flous certaines situations ou éléments (par ex. lorsque c'est le gros bordel avec des tirs et explosions dans tous les coins, poussant le joueur à rechercher les éléments qui pourraient l'aider au milieu de tout cela, mais aussi, et cela fait écho à l'approche graphique déjà choisie dans Papers, Please, les visages, coupant ainsi la voie de la facilité pour identifier certains personnages trop facilement et rapidement).


La boucle de gameplay évoquée plus haut permet d'ailleurs à Pope de développer également de vraies idées de mise en scènes: on entend quelque chose avant de voir de quoi il s'agit, la scène figée laisse parfois place à l'imagination de ce qui a pu se passer juste avant ou après, et surtout, la scène étant physiquement limitée (vous ne pouvez pas vous déplacer sur tout le bateau lors d'un souvenir, des murs invisibles vous en empêchent), vous êtes parfois obligés d'observer une scène depuis un point de vue spécial (en hauteur, à travers un trou), ce qui est efficace de plusieurs façons: premièrement, cela renvoie le joueur à sa qualité d'observateur extérieur, deuxièmement, c'est particulièrement bien trouvé lorsque l'ambiance vire sur le fantastique, et troisièmement, cela limite encore plus le joueur dans l'examen des scènes qui lui sont présentées.


La musique est excellente. Rien de plus à dire. Celle de Papers, Please était déjà de très bonne facture, mais là on atteint encore le stade supérieur, avec une composition tantôt entraînante, tantôt sombre et mélancolique, extrêmement agréable à l'oreille et qui peut s'écouter toute seule. Mon prochain morceau à apprendre au piano est tout trouvé!


L'ami Pope nous livre donc encore une partition extrêmement propre, maîtrisée et bigrement intéressante. L'intelligence de son game design fait encore une fois merveille, et j'attends avec impatience ce que ce nom solide du jeu indépendant de réflexion nous réserve pour la suite. Promis, la prochaine fois, j'y jouerai plus vite!

fcbat
8
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le 17 juin 2020

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fcbat

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