Vieillit très bien

J'ai enfin joué à Rise of the Tomb Raider (ROTR), que j'avais laissé de côté car il me donnait l'impression d'un jeu beau, mais assez générique, où Lara ne faisait que tomber au milieu de trucs qui s'effondrent. Et j'ai toujours été très prévenu contre les origin stories, les reboots, ce qui peut se comprendre à une époque où Star Wars est désormais une vache qui sera traite jusqu'à ce que la fin du capitalisme arrive. Il y avait aussi les polémiques autour du jeu, qui faisait un peu torture porn (même si ça valait davantage pour l'opus précédent, Tomb Raider, je crois).

Pourtant j'ai passé un très bon moment avec ce jeu. Après avoir eu ma dose de mondes ouvertes, ça fait parfois du bien de revenir à quelque chose de plus scripté et linéaire. Je précise que je ne suis pas particulièrement fan des Uncharted, dans la lignée desquels ROTR s'inscrit pleinement, mais il y a quelques points qui m'ont beaucoup plu dans cet opus. Merci à David de me l'avoir recommandé.

Premier point, j'aime beaucoup l'histoire. Lara veut terminer la quête de son père, à la recherche d'un artefact donnant la vie éternelle, ce qui l'amène en Syrie, puis dans une vallée perdue de Sibérie, à la recherche de la cité de Kitej (véritable mythe russe proche de celui de la ville d'Ys). On se retrouve dans un cadre assez original, incluant du folklore byzantin orthodoxe, de l'architecture ukrainienne médiévale, des Mongols, des ruines soviétiques. Les décors sont également très chouettes : glaciers, forêt enneigée (avec une arène qui rappelera pas mal Metal Gear Solid 3, qui est clairement une influence), désert syrien, canyons, grottes, et le décor final de Kitej, que j'aime énormément. Tout cela change un peu et c'est bienvenu. A noter qu'au départ, la haute montagne, la notion de vie éternelle et ce paysage de vallée paradisiaque perdue faisait que je croyais qu'on allait avoir une nouvelle adaptation du mythe de Shangri-La (qui est une inspiration secondaire).

La narration est également assez fine. Le scénario est cliché et relève du cahier des charges de la licence ; un méchant illuminé et cruel doté d'une armée de sbires poursuit Lara qui cherche les ruines pour mettre la main dessus avant elle, des gentils autochtones rebelles, Lara prisonnière à la fin du premier tiers, une grosse bataille dans le dernier quart. Mais il y a une idée qui a beaucoup augmenté mon investissement dans l'histoire, c'est celle des objets. Chaque zone possède un certain nombre de collectables complètement optionnels, des extraits de journaux ou des objets. Vous pouvez regarder ces objets sous toutes les coutures, et parfois en les regardant sous un certain angle, cela amène un commentaire de Lara. Et peu à peu, ces journaux et ces objets s'ordonnent pour reconstituer la chronologie de Kitej, de sa fondation au Xe siècle à l'époque actuelle. Peu à peu, on comprend comment une communauté s'est organisée (plutôt mal que bien) après avoir perdu son inspirateur. J'ai beaucoup aimé l'idée car elle est pleinement justifiée : après 15 ans, Lara Croft fait enfin le travail de déduction propre à un archéologue et je trouve cette idée géniale. D'autant que l'univers est parfaitement cohérent : la région est active volcaniquement et possède des ressources minérales qui sont exploitées dans le jeu.

Le jeu alterne trois phases : du parkour scripté, des énigmes et des phases d'action.

Par rapport aux vieux jeux TR, le parkour ne joue pas sur l'élan, mais sur le timing pour s'accrocher, ce qui retire un sujet de frustration. Il y a moins à réfléchir, tout se fait intuitivement, l'accent va plutôt être mis sur l'exploration pour trouver les collectables.

Les énigmes reposent sur des seaux à remplir, des ponts de corde à utiliser dans un certain ordre, des trajets à faire en temps limité, et leur difficulté est bien dosée (une exception dans le DLC Baba Yaga). J'ai beaucoup aimé car c'est souvent cohérent avec l'univers.

Les phases d'action sont clairement ce que j'aime le moins, mais les armes proposent un grand nombre de choix. Le design des arènes n'est pas toujours pleinement satisfaisant de mon point de vue (on n'a pas un grand nombre d'options), mais je reconnais que je ne suis pas un joueur chevronné. J'ai aussi mis du temps à comprendre le mécanisme d'esquive, car il faut laisser le bouton appuyé plutôt que d'avoir un timing précis (ce qui s'explique sans doute par le choix d'un TPS).

Et sinon, le jeu brille de mille feux. Les décors sont splendides (palettes de couleur, éclairages, on en prend plein les yeux), les animations sont fluides, à quelques bugs près (j'ai eu un ralentissement très fort au moment du planétarium), le game design vous tient par la main juste ce qu'il faut. Le end-game fait perdre un peu de magie : on revient dans les endroits déjà visités sans les méchants à dézinguer et avec quelques soucis d'accessibilité vu que certains éléments se sont effondrés.

Rise of the Tomb Raider est un très bon jeu d'action/réflexion, avec un bon rythme, un environnement original et une narration que j'ai trouvée impliquante. Le jeu est fluide et vieillira mieux que le plus récent Jedi Knight : Fallen Order.

Mai 2023 : J'y rejoue et le plaisir est intact/ je rajoute un point.