Le même, mais en mi... en mo... en aussi bien en fait

On prend les mêmes et on recommence. Si Rise of the Tomb Raider paraît plus ambitieux que son grand frère sorti en 2012, c'est qu'il a la lourde tâche, après ce reboot plaisant (quoique largement perfectible), de pérenniser la nouvelle orientation voulue pour la série. La nouvelle Lara s'y trouve ainsi son nouveau visage (que l'on espère définitif cette fois-ci), se forge une ébauche de caractère déjà bien trempé, et ne perd pas de temps pour se faire de nouveaux ennemis.


Rise of the Tomb Raider est un jeu couillu, car d'ores et déjà oser l'épisode de transition alors que l'on a encore tout un univers à (ré)installer est une manœuvre courageuse, mais c'est aussi un jeu sans couille, dans tous les sens du terme, car malgré son exécution irréprochable le titre manque de relief, à reprendre ce qui fonctionne dans le précédent épisode, voire dans tout ce qui a cartonné sur nos écrans depuis 2012, avec brio certes, mais jamais sans grande originalité. On pensera surtout à The Last of Us, qui lui inspirera son système de collecte des ressources et de craft à la volée, et son level design en zones à approches multiples, une manière supplémentaire de tirer la révérence aux Dogs californiens après les multiples clins d'œil à Uncharted qu'assénait Tomb Raider (2012). Si l'histoire est différente du précédent épisode, le scénario lui paraît identique tant les évènements s'y enchaînent avec la même minutie, quand ce n'est pas carrément sur le même calque (le final notamment, tout aussi bourrin et pas raccord pour deux sous avec le reste, quand bien même l'on pourrait argumenter que ce trait de caractère appartient à la l'ADN de la série depuis 1996). Le reboot du reboot quoi, une manière de gommer les défauts du précédent épisode et de préparer des fondations solides pour la suite.


En tant que grand, grand amateur du cru 2012 (dont je ne rechignerai pas à admettre les défauts, mais que j'ai malgré tout terminé de multiples fois, notamment à 3 reprises rien qu'en 2015), l'approche à de quoi me plaire, même si effectivement rien de neuf sous la neige dans le cas présent. Les gunfights ont gagné en dynamisme et les nouvelles capacités de Lara permettent de varier les approches au-delà du pan-pan boum-boum toutes pétoires dehors (d'ailleurs en dehors du final bien chiant il est possible de boucler une bonne partie du jeu simplement avec l'arc). Les zones d'exploration s'ouvrent un peu plus et y gagnent une conception un poil plus organique, quand bien même on est encore très loin de la maestria des épisodes The Last Revelation et Underworld, cela reste un (timide) pas dans la bonne direction, que l'on aimerait voir concrétisé par la suite.


Sinon cet opus se veut généreux, plus que le précédent, en proposant quelques petites quêtes annexes, plus de caveaux optionnels (mais plus faciles, et moins mémorables à mon sens), ainsi que des modes de jeu additionnels par l'intermédiaire des expéditions. C'est parfois anecdotique, mais jamais inintéressant pour les chasseurs de trésors en herbe, même si la course aux reliques reste encore trop timide et balisée pour être véritablement intéressante. On évite les colliers en perle planqués sur les toits du précédent épisode, c'est déjà ça, même si dans le cas présent, pour une région censée être désertique (ou en tout cas peu peuplée), je trouve que beaucoup trop de gens ont tendance à y perdre leurs journaux intimes/carnets de bord/dictaphones. A des époques radicalement différentes de surcroît, ce qui n'aide pas à octroyer un minimum de crédibilité à cet univers.


Et je pense que l'on touche là aux limites de Rise of the Tomb Raider, qui bien qu'il s'attelle à faire mieux que son grand frère sur beaucoup de points, rencontre de grandes difficultés à instiller la même ambiance et à se montrer aussi mémorable. La faute à des unités de temps et de lieu bien plus vagues, là où le cadre d'un naufrage sur une île pas tout à fait comme les autres permettait de mieux situer l'action. Tomb Raider (2012) a tendance à passer du coq à l'âne dans la structure de ses niveaux, d'une forêt humide à un château japonais en flammes, en passant par un bidonville ou un bunker de la Seconde Guerre Mondiale, mais cette progression prend sens par l'intermédiaire de la narration, des reliques que l'on y trouve, ainsi que par cette pincée de paranormal permettant généralement de justifier les plus grosses incongruités sans trop avoir à y revenir. Le périple de Lara fait sens, non pas parce qu'il paraît crédible, mais parce qu'il semble cohérent au sein de son aventure, de sa volonté de fuir l'île au plus vite. Ici, les développeurs ont clairement voulu reprendre le même modèle et l'appliquer à une montagne plutôt qu'à une île, sauf que ça ne colle pas aussi bien du coup. On ne comprend pas pourquoi le climat change aussi radicalement d'une zone à l'autre, on ne comprend pas la logique architecturale derrière cet enchaînement de niveaux, et pire encore, on ne sent jamais ni vraiment seuls, ni vraiment accompagnés. Un entre-deux qui empêche au titre d'installer une ambiance durable au-delà de la traversée des environnements, pourtant très réussis, beaux en diable, mais pas mémorables pour deux sous. Tout y paraît tellement "en place" qu'il est difficile de s'en émouvoir outre mesure.


Heureusement ce manque de caractérisation des décors ne s'étend pas au personnage de Lara, qui pour le coup profite grandement du bénéfice des suites où l'on peut reprendre directement là on l'on s'était arrêté. Fini la Lara pleurnicheuse, Miss Croft reste toujours très émotive mais bien plus mature, et surtout dotée d'une vraie force de caractère aussi réjouissante qu'amusante quand elle tient tête à des personnages tous invariablement plus hauts de quelques longueurs qu'elle. Mini-Lara, maxi-dégâts. Sans trop spoiler, on aura aussi droit pour l'épilogue à une Lara Croft semblant enfin décidée à arrêter de s'apitoyer sur son propre sort, bouclant de manière définitive la boucle avec les vieux épisodes tout en promettant le meilleur pour la suite. Du très bon donc, pour ma part j'ai hâte de voir ça.


Finalement, si je suis relativement clément avec cet opus, même si pour ma part il ne sera jamais aussi mémorable que son grand frère, ou l'épisode Underworld pour ne citer que ces deux-là, c'est surtout parce que tout ce que Rise of the Tomb Raider décide de faire, il le fait bien, et avec un main dextre, à défaut d'être ferme. Angel of Darkness a son scénario, The Last Revelation ses énigmes, Underworld son sens de l'exploration, Tomb Raider (2012) son environnement et son ambiance, Tomb Raider II son action très hollywoodienne, Tomb Raider I son T-Rex, bref, chaque Tomb Raider digne de ce nom se démarque de ses petits camarades sur un point particulier, la singularité de l'opus qui nous intéresse ici tient en son équilibre. Équilibre parfait entre action, réflexion et exploration, avec des combats dynamiques et grisant que l'on pourra aborder au niveau de difficulté maximal tout en gardant un certain plaisir, des énigmes certes plutôt simples (c'est fini le temps des Tomb Raider à l'ancienne) mais bien construites et gratifiantes à résoudre, et des environnements qui malgré leur relative indolence se révèlent être des terrains de jeu très aptes, où le plus gros du travail ne sera pas tant la recherche que l'exploitation optimale des différentes capacités de notre protagoniste. Le tout desservi par un gameplay impeccable, arrivant à tirer le meilleur parti de chacun de ces trois contextes avec une fluidité exemplaire. A ce sujet, au-delà de la campagne, le mode-phare de ce Rise of the Tomb Raider sera très certainement le mode Endurance, malheureusement inexplicablement proposé en DLC payant, alors que toute la force du titre s'y retrouve concentrée et magnifiée.


Un choix incongru parmi tant d'autres, qui heureusement ne détournera pas cet épisode de ses forces assumées. Ni de ses faiblesses malheureusement, mais s'il y a bien quelque chose à comprendre avec la série Tomb Raider, c'est que malgré l'amour que je lui porte, aucun épisode n'y est véritablement parfait, et se traîne même généralement des boulets plutôt honteux. Rise of the Tomb Raider ne fait pas exception à la règle, et je l'aime (et le déteste) aussi un peu pour ça. Et puis merde, un Tomb Raider primant pour son gameplay, on n'a pas vu ça en 20 ans de série, on ne va quand même pas bouder notre plaisir, non ?

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le 4 févr. 2016

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HarmonySly

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