The Song of Saya
7.2
The Song of Saya

Jeu de Gen Urobuchi, Nitroplus et Jast USA (2003PC)

Saya no Uta fut pour moi la porte d'entrée du monde des visual-novel ; insatiablement attiré par la culture japonaise, je me devais de franchir le pas sur tout ce que la société occidentale m'as faite ingurgiter jusque-là. Je n'irai pas par quatre chemins : je croyais jusque là que ce type de jeu (n'en étant même pas un, du moins c'est ce que je me disais) n'était que le fruit du cerveau malade d'écrivains/graphistes souhaitant satisfaire les "vices" sexuels de jeunes frustrés. Il y a des jours comme ça où l'humeur est à la réflexion, et voulant me persuader moi-même de ces clichés, j'ai choisi un des Visual Novel qui vraisemblablement ne mènent pas à la déception, mais à l'introspection.

J'avais raison. En partie seulement. Cette œuvre est décidément bien le fruit d'un cerveau malade, mais plutôt que de m'en répugner, je l'ai appréciée. Oui, j'ai apprécié cette histoire complètement surnaturelle, franchement perverse, gore et presque dénuée de tout sens moral. D'ailleurs parlons-en, de la morale. Je crois que c'est l'une des premières fois où mon jugement n'as jamais été aussi ambigüe sur les personnages, tous les personnages, mais surtout le principal : Fuminori. Depuis que ses sens ont été bouleversés, Fuminori ne cesse de finalement perdre son humanité. On peut se poser la question finalement de savoir qui sont les plus humains entre Saya, l'unique être où il trouve de la lumière, et ses précédents amis, qui le rebutent sous leur forme, mais qui après tout essaient tant bien que mal de lui tendre la main.

Mais puisque Fuminori, même s'il reste un homme, tend à se déshumaniser, la réponse à cette question peut tout aussi bien s'inverser. Le jeu réussit à mettre en doute tout nos à-priori et toutes nos croyances, et il le fait tellement violemment qu'on ne peut en être que dérangé.

Oui, ce jeu dérange, et pas que sur le plan intellectuel. Esthétiquement, ce qu'il nous présente est plus qu'oppressant et nourrit le dégoût qu'on (devrait) lui porte(r), mais paradoxalement, on y trouve quand même une certaine beauté. Je trouve qu'en cela, le jeu est presque Baudelairien : il trouve ce qu'il y a de beau dans le laid, et réussi même à le transcender. On pourrait dire qu'il nous fait aimer ce qui est dérangé.
Les fonds sonores font aussi partie des surprises positives de la découverte du monde des VN. Celles de Saya no Uta sont justes complètement adéquates au jeu, aussi on ne s'étonnera qu'elles puissent alimenter les listes musicales, elles méritent plus qu'amplement leur place.

Le seul coté négatif que j'ai pu lui trouver a lui aussi sa raison d'exister (donc là aussi, est-ce vraiment critiquable?) : les scènes hentai. La mention "18+" n'as jamais été aussi indicative, aussi vous conseillerai-je de bien prendre en compte cet avertissement parfois si inutile. Non pas ecchi ou érotiques hein, mais bien hentai. Les détails de ces scènes m'étaient parus totalement superflus, d'ailleurs j'ai sauté les premiers passages de ce type, mais finalement j'ai compris qu'elles font partie intégrantes de l'horreur qui nous est distillé en continu, et je pense même que sans elles, le jeu perdrait de son envoutement.
En cela il est aussi pour moi un plaisir coupable. Vous ne comprenez pas? Imaginez vous surpris par vos proches devant ces scènes : vous comprenez maintenant?

En définitive, Saya no Uta est pour moi plus que la porte d'entrée du monde des visual novels, elle en ait l'hôte qui invite à découvrir ses merveilles. La réflexion d'une œuvre et l'ambivalence qu'elle peut apporter sur notre jugement a toujours été ce que je recherchais, donc je ne pouvais que me réjouir de cette œuvre.
Pourquoi alors que 8/10? Le message du final. Pas le final en lui-même, le message qu'il apporte. Pas à la hauteur de mes attentes vu le degré d'ambivalence et de réflexion auquel le reste de l'histoire m'avait fait parvenir.

Je remercie donc Poutsch et Skidda pour me l'avoir faite découvrir. Maintenant, à moi les VN !

Ps: Il y a vraisemblablement trois fins. N'en ayant faite qu'une, j'éditerai la critique dans le futur si nécessaire.
.
BlackLight
8
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le 7 janv. 2015

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