Shadow Hearts: From the New World
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Shadow Hearts: From the New World

Jeu de Nautilus et Ghostlight (2005PlayStation 2)

Si la licence shadow hearts a toujours pêché pour ses menus défauts l’empêchant de prétendre pleinement à une place de concurrent pour le maître des lieux à l’époque (Final Fantasy), reste qu’avec peu de moyen, le studio Nautilus est parvenu à sortir trois jeux de qualité, riches et inventifs, dont les principaux défauts restaient essentiellement techniques. Du moins jusqu’à ce quatrième et dernier opus.


Mais reprenons depuis le début.


Vous incarnez Johnny Garland, un détective de 16 ans, amnésique après un accident de voiture qui lui a enlevé père et soeur. Lassé de retrouver les chats perdus, il accepte l’offre du professeur Gilbert, qui lui demande de se mettre en chasse d’un certain Marlow. À partir de cet évenement - qui n’a évidemment rien d’anodin - une intrigue impliquant des monstres, des temples et des complots où il est question de détruire le monde va se mettre en place. La panoplie classique du J-RPG, jusque-là, rien de très original.


Ce qui l’est plus en revanche c’est l’ambiance globale dans laquelle baigne le jeu, mais j’y reviendrai.


Au niveau du gameplay, le jeu fourmille de bonnes idées : chaque personnage a ses propres aptitudes et les différentes options en combat permettant de faire des combos, des doubles attaques ou de déplacer l’adversaire afin de mieux le cibler, permet au joueur de mettre réellement en place des stratégies. Si les combats - y compris les aléatoires qui vous interrompent tous les vingt pas - sont de fait plus longs, reste que tous ces paramètres les enrichissent considérablement et ceci sans que les menus deviennent brouillons ou incompréhensibles. On peut éventuellement reprocher des tutoriaux un peu légers mais le tout est très intuitif et après quelques tâtonnements, on trouve ses marques. Comme pour les précédents Shadow Hearts, tout repose sur l’anneau de jugement, une roue en mouvement, durant lequel le joueur doit appuyer aux bon moments pour déclencher l’action choisie, sous peine de l’annuler.


Les donjons ont été munis de micro énigmes/puzzle qui, si elles ne sont pas vraiment violentes, demandent quand même de se creuser un minimum la cervelle plutôt que de foncer sans réfléchir dans les couloirs.


La musique a de furieux airs de famille avec celles d’un certain Uematsu, pour quelques morceaux, mais soutient bien l’action. Je la trouve personnellement de moindre qualité que sur les deux précédents opus mais la composition reste d’un bon niveau.


Les quêtes secondaires sont nombreuses - quoiqu’un peu courtes - et chacune permet d’approfondir le background des personnages de votre équipe.


Et dieu sait qu’il en ont besoin.


Car oui, j’ai fait le tour de ce qui fait les points positifs de SH:FTNW. Il est extrêmement plaisant à jouer, ergonomique et clair, très riche. Du fun en pagaille pour un amateur de J-RPG, alors pourquoi tant de haine ?


Hé bien disons que si vous aimez l’humour absurdo-débile (j’en néologise, c’est dire) typiquement japonais, vous pouvez arrêter de lire la critique ici, le jeu vous plaira. Foncez.


Si ce n’est pas le cas, alors sans doute aurez-vous le même problème que moi.


Je n’ai rien contre l’idée qu’un J-RPG se base sur l’humour et l’absurde, même si je n’en suis pas friand (disons que c’est le genre d’humour qui ne me fait absolument pas marrer, même au quinzième degré)...tant qu’il l’assume jusqu’au bout.


Si SH:FTNW est traversé de personnages loufoques et de situations WTF dans des lieux qui le sont tout autant (la zone 51, un village/parc d’attraction de ninja, un studio de cinéma tenu par des chats géants…), il possède aussi un pan dramatique, principalement au travers de son duo de héros et d’antagonistes et justifié par la "ligne rouge" des shadow hearts, sur le thème de la résurrection. Et le mélange ne prend pas. Pas du tout, même : pendant les trente heures de jeu (en le complétant à 100%), l’histoire enchaîne les situations comiques, entrecoupées de quelques apparitions anecdotiques du duo de “méchants” et - alors qu’on approche de la fin - les révélations dramatiques pleuvent d’un seul coup, sans que rien dans le scénario ou l’ambiance du jeu ne prépare le joueur. Par exemple, le twist concernant Johnny - qu’on attendait depuis le début , un personnage amnésique constituant un boulevard pour ce genre de retournement - tombe comme un cheveu sur la soupe. C’est pourtant un excellent twist et cela aurait pu faire de Johnny un personnage dramatique réellement génial, à la hauteur d’un Cloud ou d’un Vincent, s’il avait été correctement exploité. Las, son background est expédié en dix minutes avant la fin du jeu, pratiquement devant la porte du dernier donjon, ce qui ne laisse aucune place pour son développement. Mal amené et survolé, il représente malheureusement bien le problème au cœur du jeu : malgré une foultitude de bonnes idées dans l’histoire, celle-ci sonne terriblement creux. Les personnages - absurdes ou sérieux - ne sont peu ou pas développés et le scénario est une ligne droite (héros poursuivent vilains dans temple A, échouent à leur casser la gueule, les poursuivent dans temple B, etc…). Dans chaque donjon, l’action est entrecoupée de dialogues horripilants des personnages désignant au joueur le puzzle qu’il va falloir résoudre pour avancer, des fois que l’énorme bouton rouge planté au beau milieu de la pièce ne soit pas suffisamment visible. En somme, l’histoire de SH:FTNW semble faire du remplissage et se met réellement en route alors même que le joueur est quasiment à la fin du jeu. À ce stade, on ne parle plus de problème de rythme. Si le jeu préférait se concentrer sur les pitreries de ses personnages comiques, pourquoi avoir introduit des personnages dramatiques, alors même que le mélange ne fonctionne pas ? Pourquoi n’avoir pas joué jusqu’au bout la carte de l’absurde et de l’humour, plutôt qu’intégrer maladroitement des sources de pathos, tout ça pour ne pas les exploiter ? Pour ma part j’aurais préféré un jeu aussi sombre que le tout premier SH mais si SH:FTNW avait assumé son n’importe-quoi à part entière, je lui aurais sans doute attribué une bien meilleure note.


Outre son histoire bancale, SH:FTNW souffre également d’une durée de vie assez courte pour un J-RPG : moins de quarante heures en traînant et en remplissant toutes les quêtes secondaires, c’est un peu léger comparé à ses prédécesseurs.


Graphiquement, le jeu reste inégal, certains décors ayant fait l’objet de soins particuliers quand d’autres sont totalement finis à la truelle (mention spéciale pour le dernier donjon et son fond bouillie-de-pixel, ce qui n’aide pas franchement pour l’ambiance). Certes, le studio nautilus n’a pas des moyens démesurés mais lorsqu’on voit le rendu de Final Fantasy XII sorti un an plus tard sur la même machine, ça fait assez mal aux yeux.


Dernier point, j’ai personnellement trouvé la difficulté mal dosée : comme l’histoire, elle semble se réveiller à la fin du jeu, l’ensemble de la partie tenant plus de la promenade de santé, pour se conclure par un bond soudain sur une poignée de boss en fin de parcours, sans aucune réelle progression.


SH:FTNW c’est donc d’excellentes idées et un gameplay d’exception qui côtoient un remplissage narratif indigent, pour un jeu bancal, qui m’a laissé l’impression d’avoir été fini à la hâte et a définitivement gommé le cachet sombre des premiers opus. On le lui pardonnerait plus facilement s’il ne l’avait pas remplacé par du vide. Il n'est pas déplaisant à jouer mais reste pour moi un potentiel gâché et une évolution très amère pour Shadow Hearts. D'autant que puisque le studio n'existe plus, SH:FTHW sera probablement le dernier de la licence. Dommage.

SubaruKondo
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le 10 janv. 2016

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SubaruKondo

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