Je ne vais pas me faire des amis en disant ça mais tant pis, jouons franc-jeu dès le départ : je n'ai pas spécialement apprécié ICO plus que cela. En effet, malgré une réalisation de haute volée empreinte de poésie et un mélange savamment dosé d'énigmes et de plateforme, je l'ai trouvé fort répétitif, aussi bien dans ses environnements que dans ses mécaniques ; de plus, les combats contre les ombres étaient très brouillons, et les caprices de la caméra n'aidaient clairement pas…


Mais pourquoi donc insister autant sur ICO en introduction d'une critique de Shadow of the Colossus, me direz-vous ? La raison est limpide : si on juxtapose les scénar' des deux jeux, il apparaît évident que l'un est la préquelle de l'autre…


Dans Shadow of the Colossus, on incarne un dénommé Wanda. Selon les croyances de son peuple, il existe un sanctuaire au cœur des Terres Interdites dans lequel réside une entité divine connue sous le nom de Dormin, qui possèderait d'immenses pouvoirs. Wanda cherche un moyen de ressuciter Mono, une charmante demoiselle sacrifiée sous prétexte d'une destinée prédite comme maudite. Dormin accepte sa requête, en lui proposant de sceller un pacte, tout en lui précisant bien que le tribut à payer pour une telle demande sera terriblement lourd… mais Wanda accepte sans hésiter…


Sa mission ? Exterminer les 16 colosses qui peuplent les terres sauvages autour du temple. Qui ou que sont-ils ? Sont-ce des créatures bienveillantes ou malveillantes (ou neutres, big up aux rôlistes) ? Est-ce par conséquent légitime de sacrifier leurs existences pour ne sauver qu'une seule vie (syndrome Il faut sauver le soldat Ryan) ? Et puis, qu'est-ce que Dormin y gagne de toute cette tuerie ? Pour Wanda visiblement, ça lui en bouge une sans toucher l'autre… Dans son entièreté, le jeu n'est pas avare de questions mais amène peu de réponses. La fin par exemple : est-ce une récompense ? Une malédiction ? Une seconde chance ?


Pour affronter les colosses, Wanda possède ce qu'on pourrait appeler le "minimum syndical" : une épée -volée dans son village- supposément légendaire, un arc, et Agro, son fidèle destrier, qui ne sera pas de trop pour arpenter des environnements extrêmement vastes. En pointant sa lame vers le ciel, cette dernière émet un faisceau lumineux indiquant la direction générale de la prochaine cible ; une fois à proximité, il faudra souvent terminer le trajet à pied, en parcourant quelques chemins sinueux et/ou en résolvant un "puzzle" plus ou moins complexe…


Lors de chaque confrontation, il s'agit d'agir intelligemment, car chaque lieu et chaque colosse est différent : une phase d'observation est donc nécessaire, notamment pour trouver un moyen de monter sur ces mastodontes parfois réellement gigantesques, certains dépassant aisément les 100 mètres ! Car oui, ces braves créatures étant constituées en très grande partie de pierre, l'épée ou l'arc ne leur font pas grand-chose, excepté lorsqu'on vise un point faible, qui se trouve rarement près du sol… Ajoutons à cela que quelques spécimens ont des capacités spéciales, comme l'usage du poison ou de l'électricité, alors que d'autres nous "défient" sur leur terrain de prédilection (sous l'eau, dans les airs)… Chaque opposition est unique…et délicate.


Et c'est là qu'on note le premier (et principal) problème de Shadow of the Colossus : la physique du jeu. Logiquement, les colosses sont en mouvement. Si si, j'vous jure. L'ennui, c'est qu'il arrive trop souvent qu'on perde l'équilibre de manière exagérée et incompréhensible, alors que ceux-ci ne bougent presque pas. Notez qu'il m'est même arrivé l'inverse dans de rares cas… On doit donc souvent s'y reprendre une infinité de fois pour planter notre épée dans le point faible du boss, d'autant qu'il faut le faire plusieurs fois et qu'il est très facile de taper à côté ! Et pendant ce temps-là, la jauge d'endurance se vide inexorablement…


Si on additionne à tout ça les quelques caprices d'une caméra semi-manuelle, on peut vite sentir venir la frustration de devoir ré-escalader la bête encore et encore lorsqu'on finit inévitablement par tomber…si bien sûr on n'est pas mort dans la chute (le jeu est en revanche plutôt sympa de ce côté, les checkpoints étant toujours à proximité).


L'autre gros reproche concerne Agro, le futur cervelas, qui est sans doute le moins maniable des canassons de l'histoire du jeu vidéo ; c'est con, car les trois quarts du jeu se déroulent sur son dos… Petite anecdote à son sujet, vers la fin du jeu, Agro subit une certaine mésaventure, dans une scène triste sensée tirer quelques larmes… Moi, je lui ai juste adressé un gros doigt d'honneur, accompagné d'un immense sourire sur la tronche, bien content de "son sort" après tout ce qu'il m'avait fait endurer…


En revanche, il n'y a quasiment rien à critiquer sur le graphisme ou la direction artistique. Les colosses sont impressionnants de détails et d'immensité, le jeu alterne avec un certain brio plaines, bois, temples en ruine, grottes et étendues d'eau dans un mélange harmonieux et cohérent, et le tout est sublimé par des jeux de lumière superbes et des animations irréprochables. C'est pareil au niveau sonore, avec une faune rare mais réaliste (piafs dans le ciel, lézards longeant les parois, tortues pataugeant dans l'eau…), et on entend même le vent s'engouffrer dans les grottes ou s'encastrer sur les édifices. Et si le silence est très souvent de rigueur lors des phases d'exploration, seulement bouleversé par les sabots d'Agro qui fouettent le sol, celui-ci laisse place à un thème magistral lorsque vient le moment de la confrontation fatidique…


Un bref mot sur la technique. Sur PS2, il arrive assez souvent que ça rame, et pas qu'un peu, tandis que l'aliasing est omniprésent, le jeu étant sans doute un peu trop ambitieux pour cette brave machine… Il est donc plutôt conseillé de le faire sur PS3, dans une version HD qui a pratiquement gommé tous les problèmes. De toute façon, vu le peu de copies distribuées en France -à l'instar d'un certain Okami- il est probable que la bécane qui fera tourner la bête s'imposera d'elle-même…


En bref, Shadow of the Colossus n'est pas la tuerie annoncée. Mais ne me faîtes pas dire ce que je n'ai pas dit : je pense très honnêtement qu'il fait partie des jeux indispensables à faire dans la vie d'un joueur. Le gameplay est certes fort imprécis mais très tactique, et c'est un régal de croiser la route de chaque colosse, de découvrir leur aspect et la manière dont ils se défendent, et de finalement trouver LA faille permettant de les vaincre. Quoique "assassiner" serait un terme plus judicieux… Qu'est-ce qu'ils disent déjà, les fan(atique)s du jeu ? Ah oui : Shadow of the Colossus est un jeu POÉTIQUE…

Wyzargo
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le 25 juil. 2016

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Wyzargo

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