C'est lui.

C'est ce jeu là.

Celui qui fait taire des hordes de blasés cyniques pestant sur les jeux vidéos.

Celui que l'on brandit fièrement en haut des arguments qui nous font expliquer pourquoi nous jouons aux jeux vidéos.

Celui qui nous rappelle à nous, simples mortels, pourquoi nous passons autant de temps de notre si courte vie à nous divertir devant des oeuvres de fiction, fussent-elles littéraires, cinématographiques ou vidéoludiques.

Oui, car si nous y passons autant de temps, c'est bien pour le ressenti. Le ressenti procuré par des oeuvres qui nous ont marqué, qui ont fait d'un petit moment, une seconde, une minute ou plusieurs heures de nos vies, des moments mémorables, uniques, dont nous nous souviendrons toute notre vie, un petit sentiment de nostalgie satisfaite dans un coin de notre cerveau, un petit sourire niais et charmé au coin des lèvres.

C'est l'impact émotionnel que procurent des chefs d'oeuvre que nous cherchons chaque jour, tous, en amateurs déclarés ou non, de divertissement.

Cet impact, comment mieux l'illustrer que ce sublime Shadow Of The Colossus, jeu d'une sobriété attachante et immersive, nous plongeant pour quelques heures dans un monde si beau et pourtant si vide, si détaché de nos vies, un monde qui démontre à lui seul à quel point notre quotidien est fade, notre recherche insensée du bonheur, de l'amour parfait ou du confort matériel. Ce monde n'a ni faune ni flore abondantes et variée, hormis quelques lézards et quelques arbres, mais si dérisoires face à l'immensité des 16 géants, 16 dieux, qui habitent ses plaines. Ce monde, c'est nos vies, nous cherchons, nous cherchons, quand nous trouvons, nous détruisons nos rêves et passons à autre chose, car nous voulons plus, toujours plus, et que la vie nous contraindra à arrêter par sa fin Ce monde nous montre comment apprécier les choses simples comme aimer ou se faire aimer, en faisant de quelques grands principes sa narration totale, quelques thèmes qui seront mis au service de l'histoire qui n'en est pas une.

Car nul besoin d'une histoire pour apprécier une oeuvre. Se laisser emporter par la beauté et l'élégance d'un tel monde est tellement addictif que nous comprenons alors le message lancé par Fumito Ueda ici, un message de désespoir, de colère, d'égoïsme, de compassion, d'amour. Tels sont les cinq grands thèmes de ce jeu.

Le désespoir, d'abord, de voir sa bien-aimée, et par extension, toute personne chère à nos coeurs, être partie, être sans vie. Inerte, dans sa robe blanche, la femme que nous cherchons à sauver est le symbole de toute notre tristesse à la pensée de tous ces êtres chers qui sont morts ou qu'on ne voudrait pas morts.

La colère, ensuite, celle qui nous fait faire des choses irrationnelles, directement liée à notre désespoir mais aussi à notre amour. La colère provoquée devant des situations insolubles et qui nous brisent le coeur, maintes et maintes fois l'homme a inventé des histoires de résurrection pour cacher sa rage devant la mort d'un être aimé.

L'égoïsme, tel est ce sentiment qui nous habite à mesure que nous prenons la vie de 16 géants pour la redonner à cette femme, nous prenons, d'abord sans remords, faisant fi des lois éthiques, des lois humaines, outrepassant nos pensées les plus folles, nous transformant en un monstre compréhensible, un monstre tendre, un paradoxe humain.

La compassion, en prenant ces vies les unes après les autres, car notre héros porte sur lui des stigmates de ses assassinats, des tentacules noires de la colère des géants s'imbriquent dans notre âme et se confondent avec notre honte d'un tel génocide, montrant par là même la grande force symbolique illustrée en images dans le jeu.

L'amour, enfin, bien sûr, l'amour qui nous porte toute notre vie, qui nous fait faire tout, qui nous fait croire à tout, et surtout que tout est possible pour un être aimé.

Utilisant une telle force symbolique, le jeu transcende toutes les utilisations narratives de la résurrection en nous offrant tout un panel de sentiments contraires et justes, transformant un jeu d'aventure banal en somptueuse métaphore de la tristesse de la vie quand elle est mêlée à son antithèse, cette mort qui nous fait peur à tous et que nous tentons d'éviter, ou mieux, par amour, d'affronter.

Bien au-delà de considérations techniques ou de jouabilité, car oui le jeu est beau, jouable, vaste et original, le jeu a provoqué, chez moi, ce ressenti que nous avons tous eu à un moment ou à un autre en assistant à ce que nous appelons individuellement et selon nos goûts, un chef d'oeuvre.

Dans mon coeur et dans ma tête, Shadow Of The Colossus restera une expérience magnifique et inoubliable.
JuYawn
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le 23 déc. 2010

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JuYawn

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