Chêne Mou ?

Juin 2015. Après 14 ans d'attente, le Chêne Mou nouveau est annoncé en grande pompe à l'E3. Même qu'il s'appellera fort logiquement Chêne Mou III. Une occasion en or pour se remémorer le début de cette grande saga qui devrait tenir sur pas moins de cinq jeux, pour 11 à 16 chapitres (selon les sources). Enfin, si les plans de Suzuki Yu n'ont pas changé entre temps…

Dans mon cas perso, je considère Shenmue "seulement" comme un bon jeu, mais certainement pas comme l'un des "meilleurs jeux de tous les temps" (oui, je sais, sacrilège, bûcher, tout ça...). C'est partiellement de ma faute en fait : je n'y ai joué pour la toute première fois qu'en 2003, donc après les excellents GTA III et Vice City…

J'anticipe déjà les gros rageux crier au scandale : "vazy lui, y koné ri1 o ge, gétéa é chêne mou yzon ri1 a vouar". Effectivement. Ils proposent cependant tous deux de vivre une expérience de jeu basée sur la notion de "liberté" : liberté de faire ce qu'on veut, de suivre scrupuleusement le fil directeur du scénario ou bien de prendre le temps de s'attarder sur les nombreux à-côtés… Comment ? Oui, aujourd'hui on appelle ça un sandbox…

Dans Shenmue, on peut aller à la salle d'arcade pour jouer à Hang-On ou Space Harrier (alors qu'on a une Saturn à la maison…) ou encore se défouler sur une punch machine, au casino pour jouer au bandit manchot, on peut écumer les convenients stores pour s'acheter à boire ou à manger, des piles, des bougies… On peut aussi collectionner les nombreuses gashapon à l'effigie des célèbres héros des franchises de Sega…

Mais le problème dans Shenmue, ce qu'on pourrait appeler un "défaut de réalisme", c'est la contrainte de l'horloge : on peut faire ce qu'on veut, mais le couvre-feu est à 23h, même pour un grand gaillard de 18 piges qui cherche par tous les moyens à venger la mort de son pôpa… Dans le même genre, le jeu commence le 29/11/1986 et doit impérativement se clôturer avant le 15/04/1987, sinon Lan Di vient personnellement chez nous pour nous écourter l'existence…

Lan Di ? C'est l'homme qui a refroidi notre paternel, tout en lui réclamant un étrange miroir dont il porte le symbole comme tatouage sur son bras. C'est le bad guy du jeu, enfin en théorie, puisqu'on ne le rencontrera plus jamais de toute l'aventure, ce premier opus se terminant sur un cliffangher assez frustrant…

D'ailleurs, le scénario est vraiment très classique, même si pas déplaisant à suivre : on part d'un maigre indice (une voiture noire), on interroge les voisins alentours qui vont nous aiguiller sur un suspect (un homme à lunettes avec un tatouage) ; en poussant encore plus loin l'investigation, on apprend qu'il s'appelle Charlie, etc… Un peu comme une enquête de L.A. Noire en fait…

Mais le maître-mot de Shenmue, c'est "intéractivité". Presque toutes les composantes de l'environnement sont intéractives, que ce soit les interrupteurs, les tiroirs, les distributeurs… On peut entrer quasiment partout, et dialoguer avec tout le monde, sachant que chaque pnj a ses propres dialogues et même sa propre voix !!! Même les cinématiques sont intéractives, avec ce foutu système des QTE malheureusement popularisé par ce premier épisode, même s'il est moins présent et contraignant qu'on pourrait le redouter…

En effet, j'ai craint au début que les phases typées action ne se résument qu'à cela, mais en réalité, Shenmue propose un système de combat relativement poussé (alors que c'est loin d'être le cœur du jeu). Très proche de la série Yakuza, et fortement inspiré par Virtua Fighter (principalement le style d'Akira Yuki), les possibilités se révèlent assez riches, permettant des affrontements à la fois rythmés et plutôt techniques, contre un ou plus adversaires en simultané.

On apprend la plupart des coups en se procurant des parchemins de techniques ou en étudiant auprès d'un maître, puis en se perfectionnant. Bon ok, tout n'est pas idyllique : la caméra est parfois capricieuse, et certains opposants pas très fûtés, mais c'est sans doute un des éléments les plus réussis du jeu.

Question réussite, Shenmue l'est sans nul doute d'un point de vue graphique : il explose assez aisément les standards de l'époque, avec une mention spéciale pour les visages incroyablement réalistes (en 1999) et une belle profondeur de champ. Les environnements sont de plus sublimes et le cycle jour/nuit du plus bel effet.

En revanche, la technique a parfois du mal à suivre, ce qui se traduit à l'écran par un framerate qui quelquefois souffrote un brin, ou encore des pnj qui s'affichent au tout dernier moment. Quant aux musiques, elles sont très adéquates et magnifiques, mais pour ma part loin d'être mémorables, tandis que les doublages sont... euh… disons que j'en ai entendu de bien plus mals joués ailleurs, genre Symphony of the Night ou encore la VF de Metal Gear Solid…

Finalement, Shenmue vaut-il le coup ? Il propose un mélange des genres plutôt maîtrisé, pleins de petits trucs optionnels à dénicher, et une réalisation qui résiste encore assez bien aux affres du temps. En contrepartie, son rythme est très lent, et le "défaut de réalisme" précité, avec comme autre exemple le fait de devoir travailler "comme en vrai" avec des horaires fixes et tout ce que ça implique, ben c'est pas super passionnant… Je pense quand même que l'aventure se doit d'être au minimum essayée, car le scénario est assez prenant et, qui sait, peut-être en connaîtra-t-on un jour le dénouement final ?