Shin Megami Tensei: Persona 3 FES
8.4
Shin Megami Tensei: Persona 3 FES

Jeu de Atlus et Koei (2007PlayStation 3)

Je suis vraiment très heureux d'avoir découvert enfin la série des Shin Megami Tensei avec ce Persona 3 FES, et je comprends le charme que l'on trouve à la série. Certains ont déjà écrit d'excellentes critiques, très fouillées, sur ce jeu, je n'ai donc pas grand chose à apporter.


Je vais donc faire le constat que tout le monde fait : Persona 3 est un jeu qui développe des thématiques originales mais qui est marqué par un gameplay très répétitif. Il n'en vaut pas moins le détour, pour qui est prêt à passer 80-100 heures de jeu à grinder.


On joue donc un adolescent qui arrive dans un collège. Le soir, à minuit, arrive la Dark Hour : le ciel devient vert, les gens se transforment en cercueil et le collège est remplacé par une tour gigantesque, le Tartare, dans lequel évoluent des Shadows, monstres au design parfois à la limite de la déviance sexuelle. Pour les défaire, notre héros a une Persona, qui représente sa psyché. Il rejoint un groupe d'adolescent, les SEES, qui essaient de gravir la tour, étage par étage, dans l'espoir de mettre fin à la Dark Hour. A chaque pleine lune, un monstre plus fort arrive, qui incarne une des douze arcanes majeures du tarot. Une fois le monstre détruit, le nombre de zombies (on parle de syndrôme d'apathie) dans la ville diminue.


Plus tard dans l'histoire apparaît un groupe d'anarchistes qui veulent la fin du monde, les Strega, menés par une sorte de messie fou, Takaya. Ces Strega annoncent l'avènement de Nyx, le destructeur de l'Humanité. Ils créent une secte de gens qui appellent à la destruction du monde.


La direction artistique frappe d'entrée de jeu. Pour activer leur persona, les héros doivent pointer sur eux un pistolet spirituel qui explose, simulant un suicide. Et le design des monstres et des personas est original, puisant dans la mythologie mondiale, avec parfois une interprétation assez adulte. Dommage que les séquences animées, censées être une récompense, soit un cran en-dessous des artworks des personnages lors des dialogues.


Le joueur alterne les phases de journée, où il est au lycée, et les phases d'exploration du Tartare. dans les phases de jour, on peut gagner des points de charisme, de connaissance et de courage en menant diverses activités. On peut aussi progresser dans la maitrise des douze arcanes en rencontrant des gens, avec qui on tisse des liens. La maitrise d'une arcane permet de gagner des niveaux lorsqu'on fusionne des persona entre elles et de débloquer des persona rares.


Ce qui est frustrant, c'est que pour mener ces activités, on dépend du calendrier. Régulièrement, il faut réviser pour ses examens, ou il y a des événements exceptionnels comme des jours fériés, des voyages scolaires etc...


Tout le jeu est une métaphore sur notre relation à la mort et à la dépression : en parlant avec nos camarades, on découvre que chacun a des fêlures, souvent liées à un deuil, un échec ou un élément de culpabilité. Plus tard dans le jeu, ils parviennent à grandir et les surmonter, et leur persona se transforme pour devenir plus puissante. Tout le jeu est un énorme memento mori, qui montre les différentes réactions face au rappel que nous mourrons tous un jour. Et au fonds le tarot n'est qu'une illusion de contrôle que l'on veut bien se donner face à l'incertitude de notre condition.


L'aspect le plus intéressant du jeu est lié au développement des Liens Sociaux qui permettent de maîtriser les arcanes : on développe au fil des jours une relation avec des personnages rencontrés dans le quartier, qui vivent un épisode de conflits, et au fonds, tout ce qu'on fait pour les aider, c'est les écouter et être présent. Et ils nous en sont gré. Une ode à la psychanalyse jungienne, donc.


Et les histoires sont intéressantes, pas tant par leur traitement que par le choix de sujets peu fréquents dans les jeux vidéos : on rencontre


un couple de vieux libraires qui affronte le deuil de son fils ; un athlète qui doit choisir entre une opération au genou et le besoin d'être un héros pour son neveu ; un garçon miné par les problèmes de ses proches, qui décide de changer de voie ; un adolescent qui a une relation fantasmée avec une de ses professeurs ; une joueuse anonyme sur un MMORPG qui révèle des éléments de sa vie et dont on devine qu'elle est notre prof principale ; une jeune fille très timide qui aime la lecture. Et je ne parle pas des personnages principaux, comme Fuuka, une jeune adolescente atteinte de phobie scolaire à cause de harcèlement, qui lutte contre la négativité qu'elle a en elle.


Ce qui est touchant, c'est que tous ces personnages connaissent des moments de crise qui leur font perdre leurs illusions. Derrière, il y a l'idée qu'il faut se confronter à certaines pertes pour grandir.


Par ailleurs l'intrigue principale, notamment dans la dernière partie où se développe la Secte, aborde l'idée de la pulsion collective de mort qui peut toucher une communauté. Tout cela derrière le vernis habituel de la vie quotidienne : centre commercial, lycée, cinéma, temple, station de métro.... C'est cette capacité à tisser une trame à partir d'éléments familiers qui fait de Persona 3 un jeu mémorable.


Un jeu mémorable, mais pas un grand jeu. Car il faut faire toute une année scolaire, et le jeu pousse au grind sauvage, qu'il ne recompense d'ailleurs pas tant que ça. Vous êtes poussé à aller tuer en boucle des monstres au Tartare. Or la tour compte plus de 260 étages. Et si, en changeant de zone, il y a un léger intérêt lié au fait de découvrir de nouvelles combinaisons de Persona pour vaincre de nouveaux ennemis, souvent il va falloir faire des séances de levelling assez fastidieuses. J'ai résolu le problème en coupant le son du jeu et en lançant des podcast ou des playlists Deezer, histoire de faire quelque chose d'intéressant à côté.


Dommage, car le jeu est profond. Pour faire simple, les combats reposent sur le fait d'avoir le bon alignement, qui va déséquilibrer les ennemis. Si tous les ennemis sont déséquilibrés, vous pouvez lancer une attaque de masse : tous les héros frappent en même temps. Oui, le principe du jeu repose sur le fait de frapper en masse des ennemis à terre. Mais bon, ces ennemis représentent nos pulsions de mort, donc ça passe. En revanche, c'était assez frustrant, en-dehors des combats de ne pouvoir voir que la liste des sorts de chaque persona, sans voir leur contenu. Je n'ai pas réussi à retenir ce que voulait dire des sorts comme Takuraja etc... J'imagine qu'à force de faire des Shin Megami Tensei, on y arrive.


A noter que le jeu a eu une grande influence. Notamment j'ai du mal à ne pas voir dans le chien de MGS 5, avec son couteau dans la gueule, un hommage à Koromaru. Il est vrai que parmi les personnages qui apparaissent en cours de jeu, on retombe un peu dans le goût japonais pour le n'importe quoi.


Cela me rappelle qu'au niveau écriture, il y a du pour et du contre. La trame principale comporte tout de même son lot de révélations un peu alambiquées typique des shonens, comme le personnage en butte contre la société qui révèle qu'il n'est qu'une expérimentation qui se rebelle contre son créateur... Au fonds, le problème est davantage le rythme, trop entrecoupé de phases de levelling.


Je n'ai pas eu le courage de faire le chapitre complémentaire, The Answer, rajouté dans l'édition FES. J'ai lu des critiques négatives, et dès le début le nouveau point de départ m'a fait tiquer. En revanche j'ai l'intention de faire P4G un jour.


Persona 3 est donc un jeu profond et original, que j'aimerais creuser en faisant une nouvelle partie, si je ne savais pas que cela représenterait de resigner pour 100 heures. Ce qui n'est hélas pas très raisonnable. Ce que j'en garde, c'est la manière dont ceux qui ont écrit le scénario ont su traiter des thèmes rarement abordés dans les jeux vidéo avec une grande sensibilité, en l'intégrant de manière intelligente au gameplay.

zardoz6704
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le 11 avr. 2021

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